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Intervention en conseil municipal du 30 juin 2008

Publié le 02 juillet 2008 par Fredericaugis

Nous avions à débattre de la création sur une surface de 160 hectares d'une zone d'aménagement différé. Nous avons voté contre et je vous propose de lire mon intervention.

Pour un pays développé comme le nôtre, la question agricole pourrait désormais se poser en des termes bien différents de ce qu'ils ont été pendant la deuxième partie du XXe siècle. Après tout, ne pourrions-nous pas nous passer de notre secteur agricole qui représente une part si faible de nos actifs (environ 2,5 %) ?

Dans une économie mondialisée en effet, certains imaginent que produire sur place notre alimentation n'est plus une nécessité et qu'il suffirait d'échanger pour notre plus grand bénéfice nos services à forte valeur ajoutée contre des matières premières alimentaires à prix avantageux.

Cette conception participe d'une grave erreur : erreur économique, erreur politique, erreur stratégique, erreur culturelle et sociale enfin.

Cette conception est économiquement erronée tout d'abord. Rien ne nous garantit que les cycles économiques soient ceux d'une croissance perpétuelle. Notre actualité nous montre d'ailleurs le contraire. Nos services seront-ils durablement compétitifs pour nos interlocuteurs commerciaux, pays en développement notamment ? Importerons-nous durablement sans difficultés des matières premières alimentaires à bas prix ? A la place des pays exportateurs, nous ne manquerions pas d'envisager la transformation de ces produits pour gagner en valeur ajoutée !

L'erreur économique est aussi directement une erreur politique : c'est notre indépendance alimentaire qui se jouerait. Dépendant du bon vouloir des pays exportateurs, nous serions aussi à la merci d'un retournement de la diplomatie, ou d'une catastrophe climatique survenant chez nos principaux fournisseurs. Notre pays pourrait ainsi se retrouver en pénurie alimentaire entraînant une disette ou d'une hausse des prix conduisant à des ré arbitrages du panier de la ménagère en contradiction avec l'évolution, constamment à la baisse, des dépenses d'alimentation. Cette hausse des prix ne manquera d'ailleurs pas de se produire lorsque l'augmentation des coûts de transports liée à l'évolution du prix du pétrole, renchérira les importations de produits volumineux.

L'erreur serait aussi stratégique car en matière alimentaire, dépendre des autres en quantité, c'est aussi dépendre d'eux en qualité, voire en sécurité. Nos fournisseurs pourraient à leur gré faire évoluer nos habitudes alimentaires en contradiction avec nos choix ou notre santé. Certes, le pire n'est jamais sûr, mais l'alimentation pourrait alors être un parfait vecteur du bioterrorisme. On mesure, à l'extrême, les risques liés à la perte d'indépendance alimentaire.

Un pays ayant la volonté de se maintenir dans les rangs des grandes puissances, ne peut donc en aucune façon faire l'impasse sur une politique agricole digne de ce nom. Vous allez me dire que ce n’est que 130 hectares…une goutte d’eau dans un océan mais quand même, si personne ne prend conscience de cela qui le fera ? Les belles déclarations sur le développement durable et le respect de la nature ne sont pas grands choses si à côté de cela on ne fait rien et on laisse aux autres le soin de développer ce concept.

Je ne dirai qu'un mot de la crise de l'énergie qui devrait nous conduire à trouver des substituts aux carburants fossiles. Actuellement, les surfaces françaises consacrées aux biocarburants avoisinent les 800 000 ha. Il nous faudrait tripler cette surface dans les trois ans qui viennent pour répondre aux objectifs, ce qui revient à doubler nos surfaces en oléagineux et à consacrer près de 15% de nos terres arables à ces nouvelles cultures. Inutile de dire qu'à ce jour, nous n'en sommes pas capables et que nous importerons une part non négligeable de ces biocarburants, du Brésil ou d'ailleurs…

L'aspect foncier agricole me semble préoccupant et vous connaissez sans doute les travaux que la Fédération Nationale de la Safer vient de publier, et je parle sous l’autorité de notre collègue Gérard Gilardeau, qui demande plus de protection des terres agricoles et des paysages.

Dans le Plan Local d’Urbanisme il y a la dimension du développement durable et elle est absente de notre réflexion ici a Joué-lès-Tours. Je ne défends personne ce soir. Je parle au nom de l’intérêt général. On peut ne pas être d’accord mais cela serait une erreur de votre part de voir mon propos de ce soir comme celui de l’avocat de certains jocondiens. Je suis un conseiller municipal qui vit dans cette ville est qui trouve dommage que l’on n’étudie pas une ville sur plusieurs décennies au lieu de faire du coup par coup. Une fois urbanisée ces terres agricoles seront perdues à tout jamais. Un diamant sera perdu et cela je suis contre ! Un vrai PLU qui verrait le Joué lès Tours dès 50 prochaines années.

Le sujet immobilier fait la une des médias, jour après jour : pénurie de logements sociaux, crise du logement, faible production de foncier, insalubrité du parc immobilier, aspiration à la déconcentration urbaine, création de zones industrielles et des zones logistiques qui sont mangeuses d’hectares. Avec une conséquence principale : le souhait de trouver du foncier que les urbanistes appellent "vierge" et à bas prix, c'est-à-dire des terres agricoles. Et cette zone en est malheureusement l’illustration même…

Ainsi en France, tous les six ans, l'équivalent de la surface agricole d'un département est urbanisé et artificialisé. C'est-à-dire bétonné, asphalté, transformé en jardins d'agrément ou en pelouses. Le changement d'usage revêt un caractère quasi irréversible. On « consomme » une ressource naturelle limitée à un rythme effréné.

Les villes, lieux d'échanges, se sont implantées sur les côtes, à la confluence des fleuves, souvent sur des plaines alluvionnaires fertiles. Aujourd'hui, l'extension urbaine se fait principalement en continuité sur ces plaines. Or, généralement ces terres de plaines sont mécanisables, disposent d'une capacité importante de rétention d'eau leur permettant de résister à des périodes de sécheresse, permettent la culture d'un large éventail de productions végétales, notamment des productions fournissant les calories de base pour l'alimentation humaine et animale.

Du point de vue agricole, les terres de plaine sont souvent beaucoup plus intéressantes que des terres peu profondes, en pente, difficilement mécanisables, ne permettant que des rendements faibles. Tous les hectares ne se valent pas du point de vue de leur capacité à faire capter l'énergie solaire par les plantes.  Aujourd'hui, les surfaces urbanisées couvrent 4,5 millions d'hectares. La moitié de ces surfaces étaient d'excellents sols à vocation agricole sur la douzaine de millions d'hectares que détenait la France. Le cinquième des meilleures terres a été consommé. L'extension urbaine menace très concrètement les 10 millions d'hectares d'excellentes terres agricoles qui restent et qui constituent une ressource naturelle irremplaçable. Et dont nous pourrions avoir besoin un jour…

Ici ce sont de bonnes terres, des terres que nous pourrions avoir besoin un jour, alors pourquoi les massacrés pour un projet politique. Un projet politique car il existe dans sa périphérie d’autres lieux avec des zones d’activités mais ses zones ont toutes un DEFAUT, elles ne sont pas dans la sphère de Tour(s) Plus donc pas de Taxe Professionnelle à récolter.

Avant nous avions une bataille entre communes pour l’implantation des entreprises. Maintenant la bataille se déroule entre Communauté de communes, et autres structure intercommunale…C’est lamentable, on devrait avoir un schéma d’ensemble du département et la je parle à l’un des responsable départemental du SCOT…

Cessons nos querelles de clochers pour faire de la politique au sens Noble du terme. On aurait tort de penser que l'enjeu est seulement agricole et alimentaire. Les espaces naturels, qui englobent les surfaces agricoles, les forêts, les friches, les landes, les roches… assurent plusieurs fonctions fondamentales pour la société.

Voilà les différentes réflexions que m’inspire le sujet de ce jour et cette création d’Aménagement Différé. Et je profite de cette question également pour vous demander si vous avez une idée de la future voie d’accès de cette zone et celle de la zone de la Liodière.

C'est pour cela qu'il me paraissait essentiel de souligner combien ce sujet foncier mériterait d'être traité de façon approfondie afin de faire l'objet d'une politique digne de ce nom. La terre est le support des activités humaines, de toutes les activités humaines et à ce titre, elle doit être multifonctionnelle. Cependant, elle doit être prioritairement réservée à l'activité agricole, qui en assure la mise en valeur, qui préserve les paysages et les terroirs.

Mais l'ensemble des activités et des besoins humains doivent pouvoir cohabiter en harmonie et l'affectation des terres doit donc se faire de façon équilibrée, dans une gestion durable de notre patrimoine spatial. C'est ce à quoi doit veiller une politique foncière digne de ce nom, que ce soit au niveau national ou au niveau départemental ou communale car nous ne sommes pas les seuls dans l'Union dans cette situation.

Sans cette politique courageuse, soyons persuadés que la question agricole ne se posera plus d'ici très peu de temps, avec toutes les conséquences que cela implique.

Je vous remercie de votre attention et bien sûr nous voterons contre cette délibération.


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