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L'enfoncement routinier

Publié le 02 juillet 2008 par H16

On s'imagine souvent que la route de la servitude est, pour reprendre une vieille raffarinade, une ligne droite à pente raide. Dans l'inconscient collectif ou l'imagination populaire, le totalitarisme ou la mise en place d'un état omniprésent sont des événements qui se produisent vite, une sorte de basculement rapide entre d'un côté une démocratie douillette et respectueuse des droits de l'homme, des citoyens, des enfants et des animaux (notamment à fourrure), et de l'autre une société de la délation, grise et perverse, où chaque fait et geste peut mener l'outre-libre au goulag.
En réalité, la route qui mène à l'aliénation des peuples est un petit chemin sinueux et champêtre, parsemé de bosquets fleuris et, parfois, de quelques cacas odorants, dont les lacets fonctionnent à merveille pour camoufler la triste destination finale...

Ainsi, si l'on prend le cas de la France, chaque jour peut paraître similaire au précédent, ni pire ni meilleur (si, si, je vous assure : avec une bonne dose d'alcool dans les veines, on peut arriver à cette conclusion : l'état français se rapproche de plus en plus de l'état d'ébriété, et ce n'est pas Jean-Louis B., ministre de l'autour et l'alentour, qui me contredira).

Aujourd'hui, dans une certaine mesure, nous serons affligés des mêmes maux qu'hier, croit-on : l'état cognera à peu près de la même façon, globalement sur les mêmes doigts, approximativement avec la même force et certainement avec le même marteau. Pas de quoi, donc, se faire un petit infarctus le matin au réveil, en grignotant ses tartines. Et on peut même, comme moi, conserver une humeur joviale quand l'actualité annonce une nouvelle déconfiture de ce pays.

Eh bien non. Tous les jours, c'est un peu plus fort, un peu plus loin, un peu plus profond. Ce matin, en seulement quelques titres, la bonne humeur s'est rapidement mutée en franche rigolade.

Là où bien des pays empruntent le petit chemin, qui sent la noisette (?), de la servitude, en marchant du pas mesuré qui sied à la réflexion et qui accompagne l'hésitant surtout lorsqu'il a le sentiment de commettre une bourde, la France à choisi, elle, de le parcourir à toute vitesse, en Solex, en faisant le maximum de bruit et en couvrant l'odeur revigorante des sous-bois fleuris par celle du soufre et du caoutchouc brûlé dont semble s'alimenter le véhicule pétaradant.

Là où tant de sociales-démocraties suivent les méandres sinueuses du terrible chemin, pour apprécier le paysage en avançant doucement vers leurs noirs desseins, le gouvernement français a décidé de couper directement à travers champ, se jugeant sans doute protégé, derrière son casque de mauvaise foi et l'aveuglement démagogue du pilote, des projections puantes des bouses qu'il traverse à grande vitesse en klaxonnant furieusement.

Et alors que le pilote schizophrène braille du "Pouvoir d'Achat" comme jadis un célèbre Hidalgo des "Ne fuyez pas lâches et viles créatures", il part en bataille contre les moulins à vent de l'environnement en ... tailladant à coups vifs dans ce pouvoir d'achat qu'il entend protéger : si vous avez une voiture qui pollue (donc, a priori, ancienne), parce que - au hasard - vous n'avez pas les moyens de renouveler votre clou tous les dix ans, vous devrez payer une vignette-bis, triste réminiscence d'une taxe jadis prévue pour aider les retraites et dont nos aïeuls ne virent jamais la couleur.

Si vous n'avez pas de voiture et que vous échappez extraordinairement à cette nouvelle taxe, paf!, vous aurez tout de même le loisir de participer à cette seconde, réservée à l'électroménager avec en trame de fond les mêmes raisonnements quichotesques.

Et comme vous n'avez pas de voiture, vous prenez les bétaillères transports en commun. Votre porte-monnaie, incarnation palpable de votre pouvoir d'achat, pleurera alors à chaudes larmes quand il s'agira de financer ces trains ou ces RER qui tombent en panne au milieu des tunnels. Il hurlera de douleur en repensant aux impôts qui financent les secours arrivés 45 minutes après la panne, et il couinera tristement en imaginant l'absence totale de correction menée suite aux dysfonctionnements observés...

En pendant que votre larfeuille sanglote tristement sur ses pertes massives de poids, le monde continue à tourner et la France continue à s'enfoncer : chaque jour qui passe offre un nouvel exemple de violation et destruction patente de propriété privée sans que les lois en carton de notre amusante République y changent quoi que ce soit. Chaque jour qui passe amène le Solex fou un peu plus loin sur le chemin tortueux : la liberté de penser n'est plus qu'un concept éthéré, un petit bosquet lointain et chétif se fondant sur l'horizon d'une république respectueuse de ses citoyens déjà oubliée depuis fort longtemps.

Et ça, c'est UNE journée banale.

Et l'avenir ? Il est super cool ! L'immobilier va bien !

Ce pays est foutu.


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