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Maintenant il faut vivre en 2018...

Publié le 01 janvier 2018 par Francisrichard @francisrichard
La grande plage de St Jean-de-Luz le 30 décembre 2017

La grande plage de St Jean-de-Luz le 30 décembre 2017

Comme chaque année, à la même époque, depuis quelques années, je retourne au pays, seul, comme un grand, pour en terminer une et en commencer une autre. Un pèlerinage en quelque sorte.

Si je retourne au Pays Basque, auquel je suis charnellement attaché, où je me sens bien, c'est sans doute parce que, tout petit, à peine âgé de trois semaines, j'y ai trouvé le désir de vivre. Ce qui est un pléonasme puisque le désir c'est la vie...

Il n'est pas facile de vivre pour un petit d'homme, et, même, pour un homme tout court (il faut bien sûr entendre ici, mes soeurs humaines, homme au sens d'homo et non pas de vir...). Alors il faut se trouver une manière de vivre qui correspond à ce que l'on est.

Car c'est la manière de vivre qui permet d'affronter les vicissitudes de la vie tels que les problèmes de santé ou d'argent, les illusions ou les amitiés perdues, la mort des autres ou, même, la sienne, puisqu'un jour il faut bien en passer par là...

Je me souviendrai toujours de ce que m'a dit un jour, en sortant d'un restaurant de Guéthary, un ami de mon père. Il ne buvait pas, il ne fumait pas, il ne faisait pas d'excès et pourtant il avait un cancer généralisé, comme l'attestaient les cicatrices sur son torse.

Ce grand lecteur des Thibault de Roger Martin du Gard m'a donc donné le conseil de profiter de la vie, sans démesure, mais sans restriction. Depuis, je suis son conseil, à ma façon, qui me ressemble... en pensant maintenant aussi à Ariane Ferrier.

Je n'ai fait que croiser ici ou là cette belle femme. Même nos plumes se sont croisées, dans un ouvrage collectif, Le coeur à l'ouvrage, publié aux éditions de L'Aire. Elle y était présentée comme une journaliste genevoise de renom, réputée pour sa verve et sa plume acérée.

Ariane Ferrier termine son dernier livre, tout juste sorti avant qu'elle ne s'en aille pour toujours, le 26 novembre de l'an passé, par ces quatre mots: maintenant il faut vivre. Elle nous indique ainsi, elle aussi, en connaissance de cause, la marche à suivre...

Parmi les choses de la vie qui nourrissent mon désir, il y a la beauté du monde: elle m'indique qui est Dieu, selon la belle expression de Claude Tresmontant. Et cette beauté du monde, elle me saute aux yeux quand je suis ici...

Réveillon de la Saint Sylvestre à Etche Alegera, le 31 décembre 2017

Réveillon de la Saint Sylvestre à Etche Alegera, le 31 décembre 2017

Vauvenargues, cité par Jean d'Ormesson, disait: Il est indigne des grandes âmes de faire part des troubles qu'elles éprouvent. Certes. Mais je ne suis pas du tout sûr d'être une grande âme... Seulement, j'aime partager (sans qu'on m'y force)... et je pense que l'expérience vécue peut servir à d'autres. Sait-on jamais...

Pendant une grande partie de l'année 2017, j'ai souffert d'une névralgie aiguë au bras gauche. Pendant des semaines, rien n'y a fait: ni la physiothérapie, ni l'ostéopathie, ni la lourde médication. Seuls me soulageaient ma natation et mon acupuncture pour les nuls...

Quand les séances prescrites se sont terminées sans résultats, j'ai tout de même persévéré: j'ai pratiqué tout seul quelques exercices appris lors de ces séances et j'ai continué à nager, de façon d'ailleurs de plus en plus fluide, sans effort... et j'ai guéri, en attendant la rechute.

Ma manière de vivre, c'est donc de continuer à travailler, de faire des exercices tous les matins, de nager tous les jours (2 000 mètres en piscine, 1 600 mètres en mer). Et le résultat est là: je n'ai peut-être plus que la peau sur les muscles, mais le nerf partant de la 6e vertèbre cervicale ne se fait plus sentir bien que cette vertèbre soit le siège d'une hernie sévère...

En 2017 j'aurai donc nagé au total, approximativement (la distance en mer est calculée en ligne droite...) 718,8 km, soit 682 km dans 9 piscines différentes et 36,8 km à St Jean-de-Luz, de la digue aux chevaux à celle de l'entrée du port, au large de la grande plage...

- C'est un exploit !

- Non.

- C'est quoi alors ?

- Une ascèse

Le port de Saint-Jean-Luz à l'aube du 1er janvier 2018

Le port de Saint-Jean-Luz à l'aube du 1er janvier 2018

Parler d'ascèse, alors que j'illustre mon propos avec une photo de mon repas de réveillon, est-ce bien raisonnable? Oui. Parce qu'il faut revenir à l'étymologie du mot. Ascèse vient en effet du grec ἄσκησις (askêsis), qui signifie exercice.

Ascèse est devenu le maître-mot de ma vie, il définit ma manière de vivre sexagénaire. Quand je nage, lis ou écris, c'est une ascèse. Et même quand je travaille, c'en est une. Parce que j'essaie toujours de comprendre ce que je fais... et d'y trouver le bon, le vrai, le beau...

Cette ascèse me permet d'aimer et de ne plus m'affliger de ne pas être aimé en retour, mais, a contrario, quand quelqu'un me témoigne son amitié, je ne m'en réjouis que davantage. Et, si ce quelqu'un disparaît un jour, c'est ce témoignage d'affection seul que je retiens de lui.

Quand, par exemple, Philippe Rahmy est mort le 1er octobre de l'an passé, il y a tout juste trois mois, pour me consoler de ma peine j'ai pensé avec reconnaissance aux livres que j'avais lus de lui et qu'il nous laisse en héritage, et à ce message qu'il m'a adressé le 6 février 2016 à la suite de mon article sur Allegra:

Cher Francis, quel bonheur de lire votre article. Je vous remercie infiniment d'avoir mis autant de coeur à présenter Allegra et je suis réellement impressionné par la précision de votre texte, épousant le mien en le dévoilant, tout en préservant son mystère. Il y a tant de fils narratifs dans ce roman, vous les avez isolés, un à un, pour les faire voir, mais en conservant une vision de l'ensemble et en produisant votre propre mouvement pour soulever et porter Allegra vers l'avant, vers autrui.

C'est ce genre de retour qui est susceptible de faire oublier toutes les peines que vous infligent les autres...

Tandis que j'écris, j'écoute distraitement Gérard Depardieu chanter Barbara. Il vient de dire cette strophe tirée de Göttingen:

Ô faites que jamais ne revienne

Le temps du sang et de la haine

Car il y a des gens que j'aime

A Göttingen, à Göttingen

C'est le voeu le plus cher que je formule pour 2018, parce qu'il y a beaucoup de gens que j'aime, et pas seulement à Göttingen...

Francis Richard


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