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Handicapés : le droit de choisir librement son indépendance

Publié le 06 janvier 2018 par Harmonic777888 @phbarraque

La militante handicapée Odile Morin s’insurge contre le pouvoir omniscient des associations de personnes en situation de handicap qui « ne permet pas réellement aux personnes de choisir librement le lieu de leur vie quotidienne, et d’en changer tout aussi librement. »

La rapporteuse spéciale de l’Organisation des Nations-Unies a récemment eu raison de critiquer la politique française et de plaider pour le respect de la convention des droits des personnes handicapées, pourtant ratifiée par la France en 2010. Et cela d’autant plus qu’après les espoirs suscités par la loi du 11 février 2005, nous assistons petit à petit mais très sûrement à un détricotage des droits et de l’égalité des chances devenus de plus en plus virtuels, à l’image de notre société.

Il est devenu urgent, voire vital pour de plus en plus de gens, de changer de logiciel et de cesser de réfléchir la politique du handicap dans le cadre existant qui empêche toute tentative réelle de désinstitutionnalisation. Car oui, c’est vrai, il y a de nombreuses familles et des personnes handicapées qui réclament des places en établissement médico-social, et quand on sait le quotidien auxquelles elles sont confrontées, on ne peut décemment leur en vouloir. Mais on ne peut non plus ignorer que pour bon nombre d’entre elles, il ne s’agit pas d’un choix, mais juste de s’adapter à la réalité d’un pays qui ne permet pas réellement aux personnes de choisir librement le lieu de leur vie quotidienne, et d’en changer tout aussi librement.

Pour gagner cette liberté de choix, il sera essentiel de revoir notre conception de la représentation des personnes handicapées, de leurs familles et leurs proches, et la notion de représentativité des associations censées les représenter. Le mélange des genres, pour ne pas dire le conflit d’intérêt manifeste qui existe au sein des organisations dites gestionnaires et militantes, et où la gestion prime finalement sur la militance, confine à la schizophrénie… sans jeu de mots et dans le plus grand respect de mes amis touchés par la maladie psychique !

J’ai longtemps plaidé le fait qu’une organisation pouvait être gestionnaire et militante, sous réserve de mettre la gestion au service de la militance et non le contraire. Je dois me rendre à l’évidence, et constater que ce n’est visiblement pas donné à tout le monde. Mais il serait trop facile de mettre la responsabilité sur le dos des seules associations alors que les pouvoirs publics ont tout fait depuis des années, et notamment depuis la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) de 2009, pour mettre en compétition, en rivalité, les associations. Par le biais du système pernicieux des appels à projets et du Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), qui éliminent de fait les associations militantes sans moyens en termes de salariés. Ce système renforce la compétition et non la complémentarité entre associations.

Autre problématique du système actuel, un État qui finance de moins en moins les allocations de solidarité, des départements qui se retrouvent à couvrir des restes à charge de plus en plus important tout en ayant la responsabilité d’évaluer les besoins des gens. Il n’était pas besoin d’être grand clerc pour deviner comment l’équation allait se résoudre sur le dos des plus fragiles. D’où la nécessité de séparer strictement le financeur, le payeur, et celui qui évalue les besoins.

C’est aussi une hérésie de voir comment est traitée la compensation du handicap. La loi de 2005 avait prévu que le reste à charge des personnes handicapées pour leurs frais de compensation ne soit pas supérieur à 10% de leurs ressources, mais les gouvernements successifs n’ont pas publié tous les textes réglementaires nécessaires. Si le Conseil d’État, grâce à un recours de l’Association nationale pour l’intégration des handicapés moteurs (ANPIHM), a enjoint par un arrêt du 24 février 2016 le Premier ministre de publier les textes permettant de remplir cette obligation existant depuis plus de 10 ans, rien n’a bougé.

Et pourtant, il y aurait sur la question des aides techniques, et des aménagements de véhicules notamment, des marges de progrès significatives, et pour les finances publiques, et pour les personnes concernées, avec une autre logique. Quand on voit le nombre de personnes en situation de handicap qui pourrait conduire, y compris avec les handicaps les plus lourds, que quand, trop rarement encore, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées et les pouvoirs publics financent l’équipement nécessaire il s’agit de sommes importantes. Mais il suffit que la personne bénéficiaire décède pour que le bien acquis revienne à sa famille, au lieu d’aider une autre personne handicapée. Si la France se dotait d’un système de mise à disposition, d’entretien, et d’adaptation des aides techniques acquises en gros à des tarifs négociés, et les mettait à disposition gracieusement ou contre une contribution raisonnable aux personnes qui en ont besoin, nous ferions des économies, au lieu d’alimenter des marchands qui roulent en Porsche.

Il y a plein d’expériences dans les pays étrangers qui démontrent qu’il est possible de permettre aux gens de vivre dans la cité, parmi leurs pairs, sous réserve de services de proximité, avec des équipes aux compétences variées et plus ou moins pointues qui interviendraient auprès des personnes en tenant compte de leur mode de vie. C’est pour moi un véritable gâchis de voir que nous avons dans ce pays une mine d’emplois non délocalisables que nous n’utilisons pas au profit de la cohésion sociale de ce pays. Alors il va falloir se décider à « buter » tous les vieux et tous les handicapés si le seul constat qui est fait est le coût de ces personnes, ou à considérer enfin que chacun doit avoir une place et être considéré comme un citoyen. Alors il est indispensable de séparer la militance et la gestion. Les droits reculent !

Je doute que la situation change réellement dans ce pays tant que la représentation des personnes en situation de handicap sera assurée par des associations essentiellement gestionnaires sous couvert d’un militantisme de façade. On peut pour cela donner l’exemple de l’Association des Paralysés de France qui, en 2014 et 2015, a freiné la mobilisation de ses adhérents contre l’ordonnance accessibilité tout en tenant en façade un discours militant [pendant ces années-là Odile Maurin était la représentante de la Délégation de Haute-Garonne NDLR]. La même APF qui a pris position en faveur de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie au sujet de la publication d’un guide barème des aides humaines.

Heureusement que la Coordination Handicap et Autonomie a obtenu sa modification partielle au vu de la maltraitance organisée par un minutage extrêmement précis des actes. APF qui continue à refuser de défendre le respect du référentiel de la Prestation de Compensation du Handicap qui permet la prise en compte des activités ménagères et la préparation des repas contrairement aux affirmations de la CNSA. Rien pour nous sans nous !

Il faut clarifier la situation, et que la représentation des personnes en situation de handicap soit assurée uniquement par les personnes directement concernées. Que soit également assurée la représentation des proches des personnes en situation de handicap, mais uniquement par les proches eux-mêmes, et que la représentation des professionnels travaillant dans le champ du handicap ne soit pas mélangée avec la parole des personnes directement concernées et leur entourage. Les associations représentatives des personnes en situation de handicap et de leurs parents et proches pourraient, sur le modèle des associations familiales, percevoir une contribution de l’État qui serait fonction du nombre d’adhérents.

Il faudrait aussi assurer une vraie représentation démocratique dans les instances dédiées au handicap. Par exemple, pour les Commissions des Droits et de l’Autonomie de la Personne Handicapée, les personnes qui ont un dossier MDPH pourraient élire leurs représentants dans cette CDAPH, parmi les représentants associatifs qui postuleraient dans la catégorie des personnes en situation de handicap, et dans une autre catégorie pour les parents et les proches. L’État devrait aussi fournir les moyens à ces représentants de se former pour maîtriser suffisamment le cadre réglementaire pour assurer une défense efficace.

Quant à la question de la désinstitutionnalisation, elle ne pourra progresser que quand la Prestation de Compensation du Handicap sera conforme à l’esprit et à la lettre de la loi de 2005 et que de nouveaux décrets d’application permettront la prise en compte de l’ensemble des besoins quels que soit le type de handicap, ce dont nous sommes très loin actuellement.

Odile Maurin, présidente d’Handi-social

source : Yanous


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