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Comme dans un rêve

Par Chancelle

L'adolescence est le moment de tous les possibles.

Maintenant, je peux dire qu'alors ma réalité future m'apparaissait comme un rêve. La souffrance de la vie était tantôt palpable, tantôt totalement physique, et déjà mon passé me rattrapait, moi qui était pourtant si jeune.

La vie des miens me pesait, et les morts me hantaient, sans que j'en ai conscience. Je prenais le monde tel qu'il s'offrait à moi, dans sa brute multitude de sensibles... Sa détresse, ses bruits, ses odeurs, tout s'imprimait en moi. Telle une éponge, je pouvais recueillir la souffrance du monde, de tout de monde. Et toutes les saletés qui l'encombrent. Mes rencontres n'étaient que recueillement des vies de chacun, et comme ça j'ai parcouru le monde, étouffant de tous ses malheurs.

C'est ainsi que je suis devenu riche. Par l'empathie. Une empathie qui me faisait mal, mais qui m'apportait la connaissance. Chaque témoignage, gravé dans ma chair, a fait de moi ce que je suis encore aujourd'hui.

Alors, je colorais en pastel la brutalité des confidences qu'on me faisait, les rouges sanguinaires, les cœurs bleuis, les âmes noircies.

La folie m'attirait comme un abîme. Apnéiste submergée par l'ivresse des profondeurs, j'allais toujours plus loin, comme si je pouvais trouver un asile au fond, tout au fond. 

Un asile pour ma folie, où remplie des peines du monde, je pourrais rester vivre en dehors de lui, comme dans un rêve.

Pourtant, ce n'est pas la voie que j'ai choisie. J'ai renoncé à moi et aux autres pour pouvoir vivre parmi ces autres, loin de ma réalité.


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