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La transition énergétique en France : stratégies pour un discours dominant sur l’énergie du futur

Publié le 19 janvier 2018 par Infoguerre

La transition énergétique en France :  stratégies pour un discours dominant sur l’énergie du futur

Le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte » est un texte ambitieux qui vise à réduire l’écrasante facture énergétique de la France (70 milliards d’euros), à faire émerger des activités génératrices d’emplois (100.000 sur trois ans) ou encore à lutter de manière exemplaire contre les émissions de gaz à effet de serre. Parmi les objectifs fixés : diviser par deux la consommation totale d’énergie du pays d’ici à 2050, faire tomber à 50 % en 2025 la part de l’énergie tirée du nucléaire et à 30 % en 2030 celle tirée des énergies fossiles ou encore augmenter à 32 % à horizon 2030 la part des énergies renouvelables. Ceci coûtera 10 milliards d’euros sur trois ans pour enclencher le processus de transition.

Mais aussi, la loi sur la transition énergétique veut réduire de 7% les déchets ménagers à l’horizon 2020 et promouvoir une économie circulaire, rénover les logements pour une économie substantielle d’énergie ce sera le travail de la domotique un des secteurs de l’excellence française, la création de zones à circulation restreinte pour réduire la pollution, l’investissement dans des transports propres, l’alourdissement de la taxe carbone , autant de mesures censées participer à la une mise en place effective de ce changement de paradigme.

Après quelques péripéties entre l’assemblée nationale et le Sénat, elle a été finalement adoptée le 22 juillet 2015, à l’issue d’une ultime lecture à l’assemblée. Le débat concernait principalement le maintien du nucléaire dans l’enveloppe énergétique comme énergie support vers ladite transition énergétique. Notre réflexion veut montrer la complexité du jeu français dans sa quête d’indépendance énergétique, et dans sa volonté de participer à la quatrième révolution industrielle (recherche d’une symbiose entre innovation et environnement) face à un contexte international hautement concurrentiel, et un paysage interne hostile. Cette quête de leadership climatique confirmée par la récente visite du président Macron vers la Chine avec une volonté d’en faire un allié stratégique

Les enjeux cachés de la loi sur la transition énergétique

En 2013, une réflexion a été menée sur La nouvelle France industrielle il était question à travers les 34 plans de montrer les chemins à suivre pour réindustrialiser le pays, rendre plus lisible les attentes des consommateurs et les tourner vers l’international.

Pour cela une nouvelle dynamique devait voir le jour qui consistait à investir plus et mieux pour amener chaque entreprise à moderniser son outil industriel, à transformer son modèle d’affaire numérique pour forger une industrie plus connectée, mais aussi plus respectueuse de son environnement et des travailleurs. Une alliance a donc été fondée autour d’un noyau dur d’acteurs de l’industrie et du numérique représentant plus de 33000 entreprises et de 1,1 million d’emplois entre les industriels, les chercheurs, les organisations syndicales, le gouvernement et les régions afin d’accompagner les salariés de l’industrie vers cet enjeu crucial et central.

Ainsi donc la stratégie de la France se focalisait sur un certain nombre de sujets pour être leader sur ce marché d’avenir: il était question l’utilisation de matériaux biosourcés, recyclés et l’utilisation de la chimie verte, l’engagement dans l’aménagement de villes durables à travers une gestion plus intelligente des réseaux d’eaux , d’énergie(smartgrid) et l’utilisation de la domotique. La prise en main de la mobilité écologique avec des véhicules plus connectés et plus autonomes. la réinvention des modes de transport et la proposition des solutions innovantes alliant capacité écologique et compétitivité économique pour capter la demande croissante des pays émergents. Investir la médecine du futur en termes de biotechnologies médicales et des dispositifs médicaux innovants. La recherche autour d’une  alimentation intelligente et la prise en compte des énergies renouvelables pour entrer de plein pied dans la quatrième  révolution  industrielle.

  Les stratégies de la France sur les énergies renouvelables et les différents jeux des acteurs impliqués

Les différentes conférences sur le climat et le jeu des acteurs internationaux

Ce soubassement intérieur qui participe de la stratégie de la France pour les énergies renouvelables et la transition énergétique se nourrit aussi d’un certain nombre de réflexions internationales en la matière. Dont participent les différentes conférences sur le climat. Evoquons tout d’abord la Cop 21 conférence sur le climat de Paris qui avait trois objectifs : maintenir les températures en deçà de 2°C, travailler à la résilience et l’adaptation au changement climatique via un développement « low carbon », adopter des modes de financement permettant de réaliser ce développement bas carbone. Pour ce qui concerne La Cop 22, elle se passait au Maroc. Elle a vu peu de décisions être prises. Mais il y a eu une fixation de l’agenda des années à venir. 2018 est en ce sens vue comme cruciale pour la réduction des gaz à effet de serre. Certains pays comme l’Allemagne ont annoncé un plan pour 2050(de 80à 95% par rapport à 1990). Il y a également eu la création d’une plateforme des stratégies 2050. Une progression de la dotation de 100 milliards de dollars votés à Paris, mais la définition des modalités d’utilisation demeure difficile. Par ailleurs l’initiative « Adaptation pour l’Agriculture Africaine » a été combattu avec un soupçon vis à vis du Maroc de vouloir capter les fonds en promouvant un recours aux engrais phosphatés dont il est le premier producteur. 11 nouveaux Etats ont ratifié par ailleurs l’accord de Paris en les portant à 110. On peut aussi noter la nomination d’un climato-sceptique dans la personne de Myron Ebell à la tête de l’agence pour la protection de l’environnement et le climat. Pour la Cop 23. 200 pays s’y sont retrouvés. Elle s’est tenue à Bonn avec, pour questions principales, la gestion de la hausse des températures deçà des 2°C à la fin du siècle, le financement des politiques climatiques pour les pays plus pauvres, la diminution des gaz à effet de serre. Notons hélas un bilan marqué par un report des engagements à prendre par rapport au climat sur l’année 2018, pas d’avancée notable sur les aides aux pays pauvres, et le désengagement des États Unis quant aux accords de Paris avec en prime le refus de participer au versement de 100 milliards de dollars aux pays pauvres pour ce qui est de l’enveloppe climat.

L’enjeu de la  future Cop 24

Cette conférence aura lieu en Pologne est de réduire la part de charbon et tenir le cap de la transition énergétique. Car cette ressource fossile nourrit encore bien des économies en Europe ; notamment celle de l’Allemagne qui en use à 40%. On peut aussi relever le leadership porté par l’Inde et la Chine qui représenteront 50% de l’accroissement de la demande énergétique mondiale d’ici 2040. Ce qui équivaut à 30% de la consolation mondiale actuelle. La Chine a réussi à s’imposer comme la championne de l’installation et du déploiement de nouvelles capacités d’énergies éolienne et solaire. Au cours des 2 dernières années, elle est restée au 1er rang des pays installateurs, au point qu’elle dispose ddésormais sur son territoire de presque 50% des capacités renouvelables installées à travers le globe. Quant à la Russie, pays dont le mix énergétique, et plus largement l’économie, repose traditionnellement sur les hydrocarbures, avec d’importantes exportations de pétrole et de gaz, la part du secteur primaire de son économie a certes été réduite, mais la rente énergétique reste primordiale. Malgré la faiblesse du rouble, son capital immatériel et son savoir-faire industriel, mais aussi du fait de ses matières premières (réserves de terres rares et de lithium), le Kremlin dispose de toutes les cartes en main pour s’imposer comme un acteur incontournable de la transition énergétique mondiale. Tandis que les Etats-Unis par la voix de Barry Worthington. Ce dernier affirme « Nous n’avons vraiment pas besoin » de l’accord de Paris, par lequel la communauté internationale s’est engagée à contenir le réchauffement à 2°C, « nous n’avons pas besoin du Clean Power Plan« , la plan climat de l’administration Obama, a-t-il affirmé. Et il n’est pas démenti en cela par Donald Trump.

Les opposants à la politique énergétique du gouvernement français

Pour les organisations écologiques comme ATTAC , la France ne prend pas suffisamment en compte le risque sanitaire, écologique et financier porté par le nucléaire qui produit encore 75% de la consommation électrique par le biais d’un puissant lobby nucléaire fortement enraciné dans l’armature étatique.

Ces réseaux forment une technostructure qui prétend incarner la « grandeur de la France », tout en étant gouvernée par une logique d’accumulation et de profit. Finance et nucléaire ne survivent, en réalité, que grace au soutien de l’État, tout en déniant les crises à répétition et les risques qu’ils font peser sur l’économie et la société.

Pour Négawatt un autre contestataire, sortir totalement du nucléaire (en 2035, à l’issue de la quatrième visite décennale de chaque centrale) et des énergies fossiles pour un mix 100% renouvelables, c’est possible à l’horizon 2050. A condition d’adopter une grande sobriété énergétique et de tout mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activités (bâtiment, industrie, transports mais aussi agriculture), pour en améliorer l’efficacité. Ceci doit permettre de diviser par deux la consommation d’ici à 2050. Par ailleurs, cette ligne directrice, si elle est suivie, permettrait la création de 500.000 emplois nets d’ici 2050. A condition, de procéder à des plans de reconversion des sites (notamment les centrales nucléaires) et des programmes de formation. Certains emplois pourraient ainsi être reconvertis de l’industrie aéronautique ou pétrolière vers l’éolien offshore. Le scénario table notamment sur 550 000 rénovations « profondes » par an dans le bâtiment à compter de 2025. Des chiffres pas si éloignés des objectifs affichés par les gouvernements successifs depuis le Grenelle de l’Environnement…

 Une politique énergétique française à la fois schizophrène et volontariste

Pour Michel Spiro, et bien d’autres, la France ne peut raisonnablement pas envisager de sortir du nucléaire. Par ailleurs, pour un bon compromis énergétique, il faudrait faire un mix, en utilisant 70 % à 75 % d’énergie nucléaire, 15 % d’hydraulique et 10 % d’énergies renouvelables. En plus, les énergies renouvelables ne peuvent remplacer le nucléaire car intermittentes et à basse tension. Elles pourraient produire dans un avenir plus ou moins lointain 10% à 20% de notre énergie. Mais, pour lutter contre les gaz à effet de serre, il est important de rénover les bâtiments, de faire une utilisation plus intelligente des transports. Et si le charbon peut remplacer le pétrole, il est encore plus polluant et les techniques d’exploitation propre ne sont pas encore au point. Reste le nucléaire. En 2050, les réacteurs produiront cent fois plus d’énergie qu’aujourd’hui. Il faut donc travailler à rendre les réacteurs nucléaires plus propres et trouver de nouveaux moyens de traitement des déchets.

Avec l’élection du président Macron, Nicolas Hulot dont on connait les engagements écologiques a été affecté comme ministre de la transition énergétique avec la mission que la France, 1ère productrice d’énergie nucléaire du monde, puisse effectuer sa migration vers des modes de production plus compatibles  avec une gestion durable de l’environnement plutôt que d’y résister.

Partir de 75% à 50% en 2025 tel est l’objectif. Comment l’électricien dont l’état est actionnaire à 83,40%(EDF) va assurer le développement des énergies renouvelables ? et la réduction de la part de nucléaire dans le mix français ? L’horizon a été repoussé à une possible échéance de 2030 ou 2035. « EDF peut se revitaliser grâce aux renouvelables… Son intérêt n’est pas de se cacher la tête dans le sable comme une autruche mais d’être comme une girafe et de regarder au loin »

Demain, la norme ne doit plus être l’énergie nucléaire mais les énergies renouvelables. C’est un bouleversement complet de notre modèle ». Par ailleurs, dans une interview, Nicolas Hulot affirme

« On ne peut pas laisser les passions, et pas plus l’irrationnel, guider nos choix énergétiques surtout lorsqu’ils sont aussi déterminants que la question du nucléaire ». »La filière électronucléaire, Etat dans l’Etat, doit être sauvée coûte que coûte. Et peu importe que la population et les générations à venir en fassent les frais », a souligné Burestop. Toutefois le projet de loi sur les finances 2018 du ministère de la transition écologique est en augmentation de 3,9% en 2018 pour mettre concrètement à l’œuvre le plan climat. Avec la mise en place de la fiscalité verte, pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre ainsi que les polluants atmosphériques. Il veut aussi travailler à la politique de rénovation thermique des bâtiments publics et privés (avec le crédit d’impôt sur la rénovation thermique), la protection de la biodiversité, la nouvelle prime à la conversion des véhicules. Ainsi, la trajectoire du prix du carbone va connaitre une accélération afin d’inciter les acteurs à réduire leur consommation d’énergies fossiles. Le prix de la tonne de CO2, servant de base au calcul des taxes intérieures de consommation (TIC), doit ainsi passer de 30,50 € en 2017 à 44,6 € en 2018, puis atteindre progressivement 86,20 € en 2022. L’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) est le principal opérateur du ministère en charge de la mise en œuvre des actions du Plan climat. A compter de 2018, l’ADEME ne sera plus financée par le produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et rejoint le budget de l’Etat (programme 181 « prévention des risques »). Cette évolution s’inscrit dans l’objectif gouvernemental d’intégration sur le budget général de l’Etat des outils extrabudgétaires, et doit permettre d’améliorer le pilotage de la transition écologique et solidaire et la mise en œuvre du plan climat.

Avec le PLF 2018, l’ADEME est dotée d’une subvention à hauteur de 613 M€. Il s’agit d’une augmentation significative des moyens alloués à l’agence par rapport à l’exercice courant (+36 %), qui doit lui permettre de poursuivre la réalisation des objectifs de la transition écologique, notamment au travers du fonds chaleur et du fonds déchets. Elle permettra également de stabiliser les interventions de l’opérateur sur sites et sols pollués et de démarrer les nouveaux fonds d’intervention (qualité́ de l’air, mobilité́ durable). Afin de participer à la réduction des dépenses publiques, l’ADEME devra procéder au recentrage de ses dépenses pour réaliser une économie de 50 M€ dès 2018.

En conclusion : le mix Energétique idéal

Pour les experts français, Il est nécessaire de concentrer les efforts pour développer la filière française de production d’énergie renouvelable. Les enjeux sont cruciaux pour participer à l’économie du futur et à la quatrième révolution industrielle. Raison pour laquelle la stratégie française est de garder une autonomie énergétique  par le nucléaire tout en investissant sur de nouvelles énergies et de nouveaux modes de production qui combinent une multitude de savoir-faire. La recherche française doit se pencher sur le renforcement de la capacité de stockage de l’énergie dans une optique smartgrid l’enveloppe budgétaire 2018 manifeste  en ce sens une volonté forte de passer aux actes par rapport à la transition énergétique.

Cela s’appelle travailler à un mix énergétique. Il s’agit de faire un dosage entre des sources d’énergie nombreuses, aux caractéristiques différentes, les unes compensant les inconvénients des autres et vice et versa. Pour Corine Dubruel , directrice exécutive adjointe énergie et smartgrid de sun’R,  le meilleur scénario de mix énergétique pour la France en 2030 est avec 60-55% Nucléaire, 30-35% ENR et 10% Hydraulique, c’est possible, voire souhaitable.

Quant à Nicolas Carnot et Stéphane Gallon , la France ne peut abandonner à l’heure actuelle ses centrales nucléaires pour des raisons essentiellement économiques même s’il y a des risques d’accidents. Le meilleur scénario est une fermeture progressive afin de ne pas faire imploser l’économie française. Le rapport de la commission Énergies 2050, daté de février 2012, écarte toute fermeture ou réduction du parc nucléaire. Elle préconise, au contraire, de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires existantes aussi longtemps que l’ASN le permettra, de prévoir un petit nombre d’EPR pour lisser la production au moment de la fermeture des centrales les plus anciennes et de préparer l’avenir en poursuivant, au côté du développement des énergies renouvelables, le développement de réacteurs de 4e génération. Autant de signes qui nous montrent que notre énergie majoritaire du futur est pour longtemps encore l’Energie nucléaire.

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