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Auto-psy d'une rupture

Publié le 19 janvier 2018 par Alexcessif

Chacun à le pouvoir de  dépecer son propre cadavre. On évalue ainsi l’affûtage et la compétence du scalpel. Autopsie Auto-psy d'une rupture
Le pitch : il n’aimait pas ce qu'ils étaient  en train de devenir : à l’énergie qu’elle déployait pour sauver l’affaire, il répliquait par une autre connerie. Il était devenu le maillon faible.  
   Le spectateur peut se sentir  dupé par le figurant de ce film à la bande annonce plutôt sympa, interprétant sur une initiative folle son propre scénario alternatif, usé jusqu’à la corde avec son registre unique de fuyard. L’acteur, hors piste, anéanti par l’échappée belle, pose un genou à terre adoubé par des choix par défaut. Passionnant ! Il saura sous peu, s’il lui reste dans cette improvisation de maître du déni, une ultime place vacante près de quelqu’une à aimer.
Après tout quel crime a-t-il commit ? Un figurant monté fin dans un costume trop grand, incapable de donner la réplique à l’actrice principale ? Les mots sont des chiens enragés et celui qui se regarde écrire comme un body builder satisfait de l’intelligence aperçue dans le miroir risque la mort sûre. L’écriture est un muscle qui se travaille avec modération, sinon on tombe dans la gonflette avec des biscottos inutiles et des écrits vains. Souvent, la pseudo – poésie prend le pouvoir dans l’esprit faible du désœuvré cachant la forêt de sa propre médiocrité. Paumé dans le dédale du temps absolu il voulut tromper le temps ressentis, ralentir la trotteuse, faire dérailler le train–train quotidien. Certains insectes ne vivent qu’une journée mais c’est pour eux le plus beau jour de leur vie et une vie de sourire permet d’avoir des rides biens placées. Sans la verbaliser il avait, bien planqué, et donc neutralisé dans le subconscient, cette sensation qu’il glissait vers la perte d’eux. Dans ce cas,  il y a toujours un support pour un coup de foudre, la femme d’à coté dans la même posture. L’opportunité de se jeter en cachette dans le vide et de transformer  soixante  secondes de sensations grisantes en une petite minute d’hurlante éternité. Attention toutefois, un coup de foudre sans un bon disjoncteur, c’est un coup à pèter les plombs.
Lui a-t-il rendu sa liberté après avoir saboté toutes les négociations? Et la situation qui en découle, sa mise en danger volontaire, serait généreuse et sacrificielle ? Certainement pas, il a plutôt éliminé un témoin gênant!
« - J’ignore exactement à quel moment je suis devenu toxique et contagieux. A l’évidence j’étais, avec mon historique relationnel vénéneux, le porteur sain de la toxine et ma partenaire majeure et vaccinée  à pourtant fini par céder à la contagion.  Elle était devenue à son tour toxique avec ses « C’est trop tard » quotidiens et la variable dominicale des « Fallait réfléchir avant » et, bien que responsable de la transmission du virus, j’ai abrégé avec beaucoup d’inconscience, d’injustice et de culot ce qui était devenu une cohabitation insupportable. Elle, communiquant au voisinage et à ma famille l’annonce de notre séparation, le chien était devenu son interlocuteur privilégié tandis que son regard sur moi portait tout le mépris de mes mensonges, mes trahisons, ma responsabilité. J’avais perdu définitivement sa compréhension n’étant plus confronté qu’à son jugement. Je n’en pouvais plus de la voir empiler ses cartons, ces poupées russes de la mise en abîme de ma peine enfermée dans la sienne.
Pollué par le récit qu’elle m’avait fait de ce qui avait provoqué son veuvage,  je savais la lente décadence de son mari qu’elle avait été impuissante a enrayer malgré son amour et sa fidélité. Son accident, son handicap, son inclinaison vers la drogue, du consommateur au producteur, il n’avait plus, pour rendre sa liberté à celle qu’il aimait, que l’issue fatale du suicide. Lui non plus ne supportait plus ce miroir spéculaire à l’indulgence épuisée. Je n’avais ni son courage, ni sa générosité mais je n’aimais pas cette impression de déjà vu. Indexée sur l’échec, ma peur d’agir n’était qu’une justification de ma lâcheté. Dans un mouvement immobile de panique je m’engageais mentalement dans cette fausse piste anxiogène, traumatisante. Puis, dans ce moment cinétique de l’impulsivité, je me suis décidé brutalement ! Avec l’énergie fallacieuse de la colère, j’ai commis le pire de mes forfaits.
J’ai chassé de sa propre maison celle qui m’avait ramassé dans le ruisseau sept ans plus tôt, m’y avait accueilli, avait impulsé mon retour à l’emploi, permis de retrouver un vrai salaire et redonner une identité, me soutenant et partageant les difficultés de mes quêtes infructueuses.
En retour je l’avais trompée, maltraitée, humiliée, détruisant son passé et le confort de cette maison, salissant ses souvenirs à la recherche égoïste de mon autonomie perdue, encore une fois empêtré dans la toile d’araignée de l’avoir, de l’être et du paraître. Naïf et béat devant la mascarade d’un succès professionnel attendu, mérité mais mal verrouillé, j’ai poursuivi le chantier de la rupture pour reprendre la main de notre histoire moribonde. Non pas pour éviter le crash, c'était mort, mais pour achever mon forfait dans l’illusion du courage, de la maîtrise et de la décision. Voilà le sens absurde de cette mécanique  impitoyable. Elle, contrainte, a endossé avec courage et sifflé la fin de la partie en s’arrachant le cœur. Trier ses souvenirs, chercher un hébergement, se privant de la présence de son animal de compagnie  condamné à la pension, résiliant le bail, fermant les compteurs, nous faisant entrer dans le monde glacé des sans domicile fixe et du chacun sa vie.
Même si l’analyse comble les fissures avec le ciment de  l’erreur, le mur du raisonnement s’effondre car rien n’est le fait du hasard : l’action seule ne suffit pas si elle comporte une part d’impréparation où la déveine n’est qu’une conséquence. L’impulsivité n’est point palliative à l’incompétence et la poisse n’est qu’une mauvaise évaluation de la variable inconnue. Mystérieusement, dans mon brouillard, de pannes insolubles en annulation en série, la courbe des rentrées en chute libre a vite croisé celle verticale des dépenses. Les mains rougies de sang, il  ne me restait plus qu’à subir et gérer le désastre dans le déshonneur des engagements non tenus et l’humiliation des appels au secours. Cautères sur jambes de bois dont le bilan moral apparait  négatif dans le constat que toute cette agitation, qui aurait pu redresser la situation si le ratio effort/résultat avait respecté la règle admise de la rétribution, ne révélât qu’une pitoyable fuite en avant. Les décisions du jour construisant un vague projet rendues aussitôt caduques par un lendemain qui déchante. Payer une réparation le lundi et retomber en panne le mardi. Ouvrir des compteurs, signer des engagements puis les  résilier sous quinzaine, contraint par une nouvelle source tarie avec pour corollaire des prélèvements pour des fournitures inutiles. Un léger sourire aux lèvres pour mes options sanctionnées par l’ironie du sort-qui-a-bon- dos, j’avais cette sensation de jeter la dernière chaussette d’une paire dépareillée puis de retrouver inutilement la manquante trop tard.
Il me fallut engager le déménagement comme un aller simple et sans destination. Sans possibilité de louer et encore moins d’acheter, j’entrepris de vider les lieux et de donner les livres à des assos du quartier et les meubles à Emmaüs par strates et quand je suis parvenu à la couche, ce lit de la rivière  où se noyaient nos souvenirs, il ne restait plus que la déchetterie pour la phase terminale de cette dernière et minable dérobade. J’avais refusé toute aide n’acceptant  aucun témoin de ma défaite et j’étais carbonisé aux contacts des empreintes de notre vie commune, mais pas banale, qui me brûlaient la conscience. Mon corps, réagissant à la maltraitance que je lui imposais, répliquait en temps réel par des fièvres, des saignements. J’entamais les saints derniers jours au chevet de cette maison assassinée avec des douleurs inédites et sans appétit. De toute façon le frigo était vide !
Je ne suis pas allé au bout.
Encore un "truc" inachevé entrepris avec "les yeux plus grands que le ventre" disait maman. C’est étrange comme cette opinion maternelle et celle d’un prof me traitant de fumiste ont orientées ma vie. Une partie à prouver que, non, j’avais mon propre scénario à écrire et l’autre à constater qu’ils avaient tous les deux raison. Sur la bande son muette dans ma tête j’entends le tube de Guy Marchand "Destinééée" : « inutile de fuir ou de lutter, c’est écrit dans notre destinééée » alors que je suis plutôt "Tango, tango !"
La concomitance est assez raccord avec la morale et je ne peux même pas former le projet incongru de LA revoir. Réparer, payer ma dette, redorer mon blason est un dessein indigne, la signature abjecte et la preuve de mon inconstance. Voilà c’est dit,  c’est écrit, c’est à tenir !
Je me souviens de ce film de Spielberg, son premier connu je crois, le " Duel" d’un camion poursuivant une bagnole. L’automobile, plus rapide prend l’avantage après avoir perdu du temps en refusant de croire à l’hostilité mystérieuse et dangereuse du poids lourd. Pourtant, l’endurance du bahut, qui semble surnaturellement n’avoir jamais besoin de s’arrêter aux stands, ni pour le repos d’un chauffeur réduit à un simple pare–brise, ni pour le plein de carburant, finit toujours pas rattraper la voiture. Je ne souviens pas du final cut mais j’en retiens la parabole des emmerdements que l’on sous–estime pour finalement n’avoir d’autre solution que la fuite dans l’esquive des forces dites obscures réputées inépuisables. Bien sûr, je pousse mon chariot tous les jours au fond de la mine, mais je reste sceptique devant le déséquilibre de la résistance réduite à la contenance d’un réservoir.
En regardant dans le rétro cette constante me rattrape : il s’agit bien de cela, je  commence tout et ne finis rien. Sans doute dans l’alternance cyclique du besoin ostentatoire d’exister et de l’envie de disparaître confus d’avoir sacrifié l’être au paraître pour y parvenir. Tous les sept ans, je vidange ma vie et, contrairement au Petit Poucet qui progresse du même nombre de lieues grâce à ses bottes, je dois me reconstruire après chaque septennat. Je suis une ébauche crédible suggérant des capacités à mon entourage qui ne tarde pas à être déçu de mon inconstance.  C’est le constat de mon impuissance qui fait de moi un animal blessé puis un chien enragé  mordant chaque main tendue. La bête prend le pouvoir et, sans conscience humaine,  je commence à faire du mal quand je cesse de faire du bien. Parfois cette notion du bien est réduite à sa portion congrue de payer sa part du coût de la vie. Perdre pied et retrouver dans la lie, le fumiste envasé capable d’abuser ce qu’il y a de plus profond en moi : l’égo. J’ignore qui est dupe. Moi qui manque de confiance, fuis et déçois ou ceux qui ont décelés en moi des qualités dont je ne possède que les contours. J’ai attiré l’attention des professionnels autant que des intimes sans intention de tromper, sans doute sincère et efficace dans l’acquisition, cet instant de la séduction où je trouve et expose le meilleur de moi. Comme un coureur de fond entame un marathon sur un faux rythme ou une bande annonce sélectionnant et montrant les meilleurs extraits. Le masque finit toujours par tomber pourtant sincère dans l’engagement du début autant que dans la souffrance de l’échec. Plus à nu que jamais, je dois être un échantillon androïde mal dégrossi avec le code incomplet de la relation humaine, dans l’impesanteur du pouvoir d’achat et du patrimoine.  Puisque les oxymores sont autorisés, un mécréant fidèle à la loi de la gravitation universelle en orbite autour de la planète seconde chance. Je refuse la fatalité autant que je l’accepte. Je dois oublier le ressassement, le remord, ce qui importe n’est pas le mal que j’ai fait, c’est le bien que je peux faire. Je n’ai plus de temps à perdre, il me faut faire vite et bien avec ma lâcheté, mon découragement, ma paresse. Si j’y parviens, je cesserai(s) d’être une promesse. Je ne reverrai jamais le passé et celle qui l’emplissait ! Cette réalité m’ôte tout espoir, pourtant l’espoir n’a jamais été  un sentiment moteur. C’est plutôt le sentiment de l’attente, l’usure du perdant qui attend un miracle. Alors commence, pour celui qui espère, la longue comptabilité des coups de pot et de la scoumoune qui vient équilibrer tout ça. Une action basée sur la revanche serait une fausse piste alors qu’il s’agit juste de trouver dans quelle version du Moi je suis. Une action après l’autre, sans préjuger de son résultat. Avec beaucoup de naïveté, en attentant une motivation solide pour l’heure ruinée par le découragement tant chaque geste du quotidien sollicite et entame une énergie en voie d’extinction. »
Dans la bulle encore un peu gonflée de sa position sociale en train de fuiter, il est resté sur le lieu du crime avec « demeuré » dans la tête, le qualificatif pas le verbe, se promenant dans le quartier, stockant dans les neurones la couleur, l’odeur, l’empreinte des pièces à conviction de leurs douces promenades avec le chien. Banalité hier, aujourd’hui l’Everest de la relation amoureuse apaisée autant qu’aller pousser le caddie chez Lidl. Un délicieux partage du quotidien, désormais très éloigné du calumet de la paix. Si proche de la hache de guerre à peine enterrée, béant, il espère ne pas rencontrer l’ami d’enfance qui lui demandera : « Qu’est-ce que tu deviens ? — une merde !». Vers la Garonne, les témoins de notre ex duo bras dessus/bras dessous tournent la tête dans une indifférence meurtrie et se bouchent le nez contre l’odeur nauséabonde d’un claquos* trop fait. "Porter le chagrin des départs" dit le poète avec dans la musette le lest d’une culpabilité de plomb. Les prochains jours il lui faudra penser à éviter les bains de mer, non pour la température de l’eau mais pour la profondeur des abysses.
*Camembert 

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