Magazine Société

Et moi, je vis toujours, de Jean d'Ormesson

Publié le 28 janvier 2018 par Francisrichard @francisrichard
Et moi, je vis toujours, de Jean d'Ormesson

Jean d'Ormesson, en juin 2015, déclarait au , à l'occasion de son 90 e anniversaire:

Écrire un roman dans lequel l'Histoire n'est pas prépondérante ne m'intéresse pas. J'aime les livres "totaux" et, dans ces livres, l'Histoire est toujours centrale.[...] Et puis l'Histoire est intimement liée au temps, et le temps m'obsède. Il est dans tous mes livres ...

Il ajoutait:

Chez moi, c'est tellement important que je ne sais même plus si je suis vraiment un romancier. Les romanciers inventent des personnages. J'en ai créé très peu. J'ai plutôt utilisé les personnages que l'Histoire et Dieu me présentaient. Je leur en suis très reconnaissant.

Dans son dernier roman, Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson fait encore plus fort: il ne crée aucun personnage, ou alors il s'appelle multitude, dont il adopte, pour s'adresser au lecteur, le genre féminin, comme les deux mots qui la définissent:

Tantôt homme, tantôt femme, je suis, vous l'avez deviné, je suis l'espèce humaine et son histoire dans le temps.

Dans ce roman des siècles, qui commence avec la forêt primordiale et se termine - c'est une façon de parler - à notre époque, la narratrice se dit vivre toujours, comme le personnage du poème d'un anonyme mis en épigraphe:

Oui, c'est moi, mes enfants,

Histoire refaisant, elle raconte notamment au lecteur les aventures les plus inoubliables qu'elle ait subies ou organisées, telles que l'invention de l'écriture, l'épopée d'Alexandre le Grand, la chute de l'Empire romain, l'imprimerie, la découverte du Nouveau Monde, la Révolution française...

Histoire refaisant, elle a trouvé sur son chemin des conquérants, des bâtisseurs, des savants, des navigateurs:

Je leur dois beaucoup. Ce n'est pas assez dire qu'ils m'ont changée. Ils m'ont révélée à moi-même. Ils m'ont construite. Ils m'ont faite telle que je suis. J'ai pourtant admiré plus encore des peintres, des sculpteurs, des architectes, des musiciens. Et des écrivains. Ils sont le sel de la terre.

A plusieurs reprises elle s'interroge sur elle-même et sur ses avatars ( je suis partout chez moi sous les masques les plus divers et dans des conditions bien opposées ):

Est-ce l'histoire qui fait les hommes ou les hommes qui font l'histoire? Un peu des deux, j'imagine.

Elle est sûre d'une chose:

Je suis la permanence et la diversité. Vallée de larmes, vallée de roses, je ne fais que changer et je ne change jamais...

Et d'une autre:

Ce qui change le moins dans un monde qui ne cesse de changer, c'est l'amour et la mort. Éros et Thanatos. Comme une ombre d'éternité.

D'après elle:

Le débat sur mes origines n'a été tranché ni par les poètes, ni par les philosophes, ni par les religions. Il a été tranché par la science.

Qu'est-ce que dit la science?

L'univers et moi, nous avons un début. Et, ayant un début, il n'est plus impossible, il est peut-être même probable, que nous ayons une fin...

Alors?

En attendant, même s'il s'agit d' un livre de plus parmi les autres , même si son héroïne regrette d'avoir laissé rédiger ses mémoires par un garçon déjà vieilli sous le harnais , parce qu'elle vaut mieux que ces souvenirs lacunaires et aléatoires , il n'en demeure pas moins que ce garçon mérite la reconnaissance du lecteur et la sienne.

Il aura su, dans un monde éphémère, laisser une trace d'elle, indélébile, faite de vérité et de beauté, contre laquelle même la mort ne peut rien...

Francis Richard

Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, 288 pages, Gallimard


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine