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Three Billboards. Quand la violence déborde

Par Balndorn

Three Billboards. Quand la violence déborde
Propulsé sur le devant de la scène par ses six Golden Globes, promu « film le plus subversif » par les affiches, Three Billboards ne l’est pas tant que ça. En revanche, son analyse des mécanismes de la violence donne au film toute sa force.
La femme par qui le scandale éclate
Il aura suffi de trois panneaux publicitaires pour que le scandale éclate. Trois panneaux rouge sang, sur lesquels Mildred Hayes (Frances McDormand) accuse directement le chef Willoughby (Woody Harrelson), le boss de la police d’Ebbing, Missouri, pour son inaction après l’enlèvement, le viol et le meurtre de sa fille sept mois plus tôt. Rien d’illégal dans l’affaire, mais le geste a de quoi choquer les bonnes gens d’Ebbing. Étaler sur la voie publique un traumatisme privé détonne au milieu d’une ville endormie dans ses rêves de confort.Mildred ne s’arrête pas là. Elle multiplie reportages et prises de position insolentes, allant jusqu’à mettre en lumière la torture des Noirs par la police locale. Déclenchant, en retour, des représailles policières, en particulier du brutal Dixon (Sam Rockwell), caricature du redneck raciste et machiste.L’intérêt du film réside sans doute plus dans ce phénomène d’expansion de la violence que dans la subversion politique – indéniable, mais relative, et décroissant au fur et à mesure du récit. Une dialectique du territoire parcourt Three Billboards. Si le film s’ouvre sur la colère tapageuse de panneaux publicitaires, le récit s’en détache progressivement, et, à l’instar des westerns auxquels il se raccroche, s’ouvre au reste du monde. D’abord verbale, la violence devient physique, et de plus en plus brutale. Comme le reproche le fils de Mildred à sa mère : « Tu attises la violence ». Attiser, comme le leitmotiv du feu qui s’étend peu à peu à l’ensemble de la ville.
A History of Violence
De ce point de vue, Martin McDonagh se place en digne héritier de David Cronenberg et de son viscéral A History of Violence. Comme le maître canadien, McDonagh se lance dans une exploration des mécanismes psychosomatiques de la violence. Les deux œuvres partagent une même conception de la violence : lorsqu’elle surgit, il s’avère impossible de la contenir. D’abord limitée à un seul acte, elle s’étend – et étend avec elle le cadre – jusqu’à échapper à tout contrôle. Jusqu’à se nourrir d’elle-même. Face à cette croissance exponentielle, comment le cinéma doit-il se positionner ? En gardant ses distances. Cronenberg comme McDonagh effectuent un pas de côté envers leurs personnages. Le premier en saisissant la violence dans sa dimension mystique de régénération de soi, le second en la regardant d’un air ironique. Ainsi, les séquences les plus dures s’accompagnent-elles toujours d’une chansonnette joyeuse, innocente, comme pour mieux souligner la cruauté d’une défenestration, par exemple – et s’en détacher.Three Billboards renoue ainsi avec la tradition du western, ou plutôt, du néo-western, dont Logan constitua l’an dernier un étrange avatar. À l’exemple de ce dernier film, Martin McDonagh ne cherche pas à juger a priori la violence de ses personnages : il leur laisse d’abord un cadre pour s’ex-primer, s’arracher d’eux-mêmes et défouler leurs pulsions intérieures. L’espace offert au défouloir a beau s’élargir, il conserve tout de même ses limites, et met ainsi un terme à l’épanchement potentiellement infini de la violence. Aux plans larges du début répondent les plans serrés de la fin ; comme si la violence, après son festin de sacrifices, s’en retournait dans un espace confiné.
Three Billboards. Quand la violence déborde
Three Billboards, les panneaux de la vengeance, de Martin McDonagh, 2018
Maxime
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