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Campus 13, la fabrique suisse de codeurs de haut vol

Publié le 02 novembre 2017 par David Talerman
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Campus 13, formation informaticiens en Suisse

Campus 13 est une école de formation en informatique d’un genre nouveau. Créée par Christian Moreau, un professionnel en informatique implanté en Suisse qui est un expert dans des domaines très pointus, Campus 13 a pour vocation de donner sa chance à tous ceux que l’enseignement a laissé de côté, mais qui ont pour autant une réelle motivation. Chez Travailler-en-Suisse.ch, nous trouvons ce concept stupéfiant, gonflé, et terriblement intéressant, en ce sens qu’il balaie les codes habituels (c’est le cas de le dire) et l’idée qu’on se fait de l’enseignement avec un grand E. Alors je vous laisse découvrir l’interview de son fondateur, et je pense très sincèrement que ce concept mérite d’être communiqué très largement autour de vous !

Qui es-tu ? Pourquoi as-tu mis en place cette formation ?

Je m’appelle Christian Moreau. Je vis en Valais où je dirige IZELEN, une entreprise de développement de systèmes logiciels critiques pour clients institutionnels et grands comptes.

Plus passionné par l’informatique que par les études théoriques, j’ai quitté l’école assez tôt et sans la moindre qualification. Afin de me donner un peu de temps pour trouver une solution, j’ai avancé mon service militaire. Après ma formation initiale, j’ai été posté dans un service administratif où l’informatique faisait ses débuts mais était encore sous-utilisée. Avec l’accord de ma hiérarchie, j’ai développé un logiciel permettant une présentation synthétique du budget de fonctionnement de mon unité, ce qui n’existait pas encore à l’époque. Cette réalisation m’a permis de présenter et réussir le concours pour devenir sous-officier informaticien.

Pendant les années suivantes, j’ai beaucoup appris sur les contraintes de fiabilité et de performances qui pèsent sur un système d’information opérationnel. Mais la lourdeur administrative devenant oppressante à la longue, j’ai profité d’une période de réduction des effectifs pour quitter le service avec un petit pécule. J’ai pu ainsi m’acheter un bon ordinateur et quelques livres pour me former sur les dernières technologies, et décrocher rapidement un job d’ingénieur en développement logiciel dans un grand groupe de systèmes de communications.

Au cours de cette période j’ai découvert comment piloter un projet industriel de système logiciel. C’est aussi là que j’ai commencé à former d’autres développeurs. Mais au bout de quelques années, j’ai fini par me sentir limité, car je souhaitais pouvoir expérimenter mes idées pour produire plus vite des logiciels plus robustes et plus performants. À la demande d’un ancien client aux prises avec la migration d’un système complexe, j’ai créé une entreprise pour lui proposer une solution. Malheureusement, le climat anti-business qui régnait alors dans le pays m’a dissuadé de poursuivre l’expérience malgré le succès rencontré sur cette réalisation.

Je connaissais déjà un peu le Valais, que j’appréciais énormément pour sa qualité de vie. Par hasard, je suis tombé sur le site Internet de la promotion économique du canton. Après quelques rencontres, j’étais certain d’avoir trouvé l’environnement économique que je recherchais pour créer une nouvelle activité plus ambitieuse. Sur la recommandation de mon ancien client, plusieurs agences gouvernementales d’Union Européenne m’ont confié le développement de systèmes beaucoup plus ambitieux, pour lesquels j’ai pu assez facilement recruter et former une équipe.

Comment cette idée de formation est-elle née ?

En fait, j’ai toujours rêvé de créer une école où le goût d’apprendre serait en permanence entretenu par des réalisations concrètes. Je pensais mettre un peu de capital de côté pendant ma carrière, et profiter de ma retraite pour lancer ce projet. Mais une discussion avec Xavier Comtesse m’a convaincu de démarrer sans plus attendre.

La tendance qu’il décrivait est une perte progressive de plus-value sur notre propre industrie au profit des géants américains (et bientôt chinois) du « Big Data ». Pour contrer cette tendance, il nous manque des informaticiens généralistes pour compléter les spécialistes issus de nos systèmes éducatifs. Des initiatives existent déjà pour mobiliser les « geeks » en puissance, mais cela ne suffira pas si on ne réussit pas à libérer l’ambition et la créativité du plus grand nombre.

Nous avons d’abord cherché à lever du capital pour aller vite, mais faute de rencontrer les bons interlocuteurs, il a été nécessaire de trouver une solution utilisant nos seuls moyens. Nous avons donc décidé, avec mon équipe, de donner un peu de notre temps pour former des jeunes. Ce temps personnel, ajouté à du temps professionnel payé par une petite participation des candidats eux-mêmes, nous permet déjà d’en accueillir une douzaine par an.

A qui ça s’adresse la formation ?

Difficile de trouver un profil type, car tous ceux qui nous contactent sont assez atypiques ! Ce sont souvent des personnes qui n’ont pas eu le goût ou la patience pour de longues études, et qui s’ennuient dans une filière ou un job qui ne les satisfait pas. Mais ce sont avant tout des gens qui ne se résignent jamais.

Quelles qualités faut-il pour suivre cette formation ?

La première qualité est d’avoir beaucoup de curiosité et d’esprit créatif. Les capacités techniques sont, à mon sens, secondaires quand le désir est là pour pousser à leur développement. Et, si on se donne le temps nécessaire, il n’y a rien de si compliqué qui ne puisse être expliqué et compris.

La deuxième qualité, qui est assez complémentaire, est d’être exigeant, de ne pas se satisfaire de solutions partielles ou mal ficelées. La destruction, en 1962, d’une fusée coûtant l’équivalent de 150 millions de dollars actuels, causée par l’absence d’un seul symbole dans un programme montre l’importance économique d’avoir le souci du détail.

Qu’est-ce que vous attendez des candidats ?

Il faut une certaine autonomie. Actuellement, de nouvelles technologies apparaissent presque chaque jour. Si un informaticien veut rester compétitif, il lui faut savoir découvrir et apprendre par lui-même. Notre but est de développer cette capacité tout en s’assurant que tout ce qui est appris soit bien compris et bien maîtrisé.

Quant on est autonome, on a parfois de la difficulté pour conserver la motivation. C’est tellement plus simple quand quelqu’un d’autre nous force à avancer! Dans ce genre de situation (qui peut devenir très difficile), nous attendons du candidat qu’il demande aussitôt conseil à son mentor. Combattre la procrastination, ça ne s’improvise pas. Il faut de l’expérience, et le rôle du mentor ne se limite pas aux seuls problèmes techniques.

Enfin, nous attendons du candidat qu’il pose beaucoup de questions. Comme dit le dicton: « la connaissance est dans les réponses données, mais l’intelligence dans les questions posées ».

Faut-il une formation et un diplôme minimum pour suivre cette formation ?

Pas du tout. Il est même arrivé que des candidats ne sachent pas ce qu’est un programme informatique. Mais ils étaient très motivés par l’idée de pouvoir créer quelque chose de A à Z par eux-mêmes.

Ça peut être un avantage, d’ailleurs, car certains candidats ont parfois eu des difficultés avec des sujets qu’ils pensaient maîtriser, mais dont ils n’avaient qu’une connaissance partielle.

Quelle est la durée de la formation ?

Il n’y a pas de planning imposé. La formation suit totalement les capacités et disponibilités du candidat. Si quelque chose n’est pas clair, on prend le temps qu’il faut pour bien le comprendre. Ce temps n’est jamais perdu car cela permet toujours d’aller plus vite par la suite.

En pratique, quelqu’un de motivé, qui dispose du temps nécessaire pour se former à plein temps, peut atteindre un niveau technique équivalent à un développeur professionnel en 3 ans.

Peux-tu me donner une idée du contenu de la formation ?

Le cœur de la formation repose sur le développement dans les « core languages » : C et C++. L’expérience nous a montré que seuls les développeurs ayant la maîtrise de toute la chaîne technologique sont capables de concevoir des applications suffisamment performantes et robustes quels que soient le langage et la plateforme.

Concernant les domaines d’application, nous mettons un accent particulier sur la sécurité des systèmes d’information, en particulier sur Internet. Notre domaine d’expertise est assez centré sur l’intelligence artificielle, mais il y a toujours de la place pour les technologies de l’audiovisuel et le gaming.

Enfin, une partie considérable de la formation porte sur tout ce qu’on apprend souvent trop tard : comment gérer sa carrière et ses connaissances pour être « bankable » sur le marché du travail, comment développer son réseau pour ne pas être l’oublié des opportunités de carrière, comment gérer des collègues ou une hiérarchie difficile, comment inspirer et conduire une équipe dans la réalisation d’un projet…

Qui sont les intervenants de la formation ?

Pour l’instant, ce sont les développeurs qui constituent mon équipe, et moi-même. Une des garanties de cette formation est que les mentors sont toujours des développeurs expérimentés, et toujours des professionnels actifs. C’est absolument primordial, car: 1) la passion ne peut être transmise que par des passionnés; 2) on ne peut pas réellement maîtriser une technique si on ne l’exerce pas continuellement sur des problèmes réels.

Les candidats interviennent aussi ! On dit que le meilleur moyen d’assimiler un savoir est d’essayer de l’expliquer à quelqu’un d’autre. C’est quelque chose que chacun d’entre nous a pu vérifier. Et il est indispensable pour un professionnel de savoir communiquer clairement, que ce soit avec sa hiérarchie, ses collègues ou encore un client.

En quoi cette formation se différencie-t-elle des autres formations ?

On peut retrouver certains éléments de notre formation dans d’autres offres, en particulier un cursus organisé par projets, et le fait de se former à distance. Mais la relation individuelle que nos mentors ont avec chaque candidat est unique, en particulier pour identifier les points forts et les faiblesses de chacun, afin d’optimiser et de personnaliser le programme.

Quant à l’accent que nous mettons sur la gestion de la carrière, et l’assistance pendant la recherche d’emploi, il n’existe pas d’équivalent. Et il est encore plus rare de disposer de professionnels en activité, ayant une expérience sur des systèmes logiciels ayant parfois la responsabilité de vies humaines.

Que fait-on en terme de métiers après cette formation ?

Nous donnons à nos candidats tout le savoir-faire et une expérience leur permettant d’exercer comme développeur en logiciels puis, selon leurs aspirations, d’évoluer vers la conduite de projet ou l’architecture des systèmes d’information.

Y-a-t-il un diplôme qui sera délivré ?

Nous délivrons une certification qui détaille méticuleusement les capacités et l’expérience acquises, aussi bien sur le plan technique que non-technique. Mais nous préférons éviter de délivrer des diplômes officiels, car le temps de faire approuver un programme de formation, il est déjà obsolète.

Le point culminant de notre formation est en fait un projet de développement logiciel réel appelé « chef-d’œuvre », ou « masterpiece« . Une fois leur formation achevée, les candidats volontaires peuvent participer à une réalisation d’envergure proposée par un de nos partenaires, privé ou public. Le mentor n’intervient alors que pour contrôler le respect du cahier des charges et des délais de livraison. En contrepartie de la gratuité de cette réalisation, les participants sont recommandés par le partenaire et peuvent inscrire sur leur CV leur première expérience de développeur logiciel professionnel.

Combien coûte la formation ?

Le prix est de CHF ou EUR 390 par mois.

Pourquoi le nom « Campus 13 » ?

C’est une référence aux 13 étoiles du drapeau valaisan. Nous revendiquons avec fierté cette combinaison gagnante entre l’ouverture aux techniques de pointe et la préservation de savoirs et de traditions qui ont fait leurs preuves.

Y-a-t-il une sélection ?

Oui, en raison du nombre limité de places que nous pouvons ouvrir pour l’instant. Nous conseillons à celles et ceux qui en ont la possibilité, les capacités et la patience, de suivre plutôt une filière classique, de manière à avantager ceux qui n’ont pas beaucoup d’options.

Une fois qu’un candidat a pris contact avec nous, nous avons un entretien, soit téléphonique pour les plus éloignés, soit sur place pour ceux qui peuvent venir visiter notre beau Valais. Cela nous permet de déterminer si le candidat a la motivation et l’envie nécessaires pour débuter la formation.


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