Mon père adorait les chiens et détestait les chats. J’ai cru que c’était à cause de la volière, mais je pense que cela remonte bien plus loin. Il avait décidé de construire une volière pour y mettre des oiseaux exotiques. Sa particularité était d’être construite à l’extérieur sur la terrasse jouxtant la maison, mais avec une prolongation vers le sous-sol. L’idée était que le soir, on recouvrait la cage faite d’un grillage semblable à celui des poulaillers et que les oiseaux descendraient vers la cave pour y dormir… et échapper aux prédateurs. On se passionna pour cette entreprise, allant choisir des perruches et même un superbe cardinal à longue queue écarlate dans un magasin spécialisé; ainsi que les graines adéquates pour les nourrir.
Un matin ce fut la catastrophe : un chat s’était laissé tomber sur le dessus de la volière, affolant les oiseaux qui n’évitaient plus les griffes de ses pattes. Certains gisaient morts sur le plancher, d’autres avaient été à demi dévorés, quelques plumes témoignaient du carnage pour les plus malheureux.
Depuis lors, mon père eut toujours un chien, qui aboyait sur les chats passant sur le faîte des murs du jardin. Ils y passèrent de moins en moins.
Comme moi, mon père n’arrivait pas à dresser ses chiens. Il leur parlait, leur expliquait, mais ne montrait aucune autorité et ne sévissait guère. Après quelques ratiers, dont l’un mordait les mollets des cyclistes qui passaient dans la rue, nous eûmes un chien de race. Nous n’avions sans doute pas les moyens de nous le payer, mais on nous fit un prix. C’était un airedale qui se nommait Ficelle. On était à l’année des F et les autres chiots de la nichée s’appelaient Fouchtra ou Falbala; elle, c’était Ficelle, car, malingre et peu combative, on devait la repérer pour la nourrir après les autres et la maintenir en bonne santé. Elle hérita donc d’un caractère paisible et effacé. Mon père me la confiait en son absence. Elle fut de mes longues promenades solitaires de mon adolescence et même des premières rencontres amoureuses. Un jour, trop occupé à dialoguer avec ma petite amie de cette lointaine époque, Ficelle est rentrée seule à la maison. Quand je me suis rendu compte de son absence, j’ai paniqué et nous l’avons cherchée en la hélant partout. Finalement, la mort dans l’âme et désespéré, je suis rentré à la nuit tombante. Quand je sonnai chez moi, j’entendis Ficelle aboyer ! J’étais furieux et heureux ! Ma mère n’était pas contente et le montrait, tandis que mon père me dit :
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Dieu sait ce que tu faisais pour que cette pauvre chienne honteuse se soit enfuie !