Pendant que les ministres luttent âprement contre les promotions sur le Nutella, au moins la France peut-elle s’enorgueillir d’être bien gérée et que l’ordre, la justice et la loi y règnent sans conteste.
D’ailleurs, c’est avec une organisation ordonnée et bien encadrée que le trafic de drogue s’organise tous les jours dans les endroits les plus stupéfiants du pays, à commencer par certains domaines directement dépendant du ministère de la Justice sur lesquels se sont dernièrement développés de juteux points de vente.
Le fait divers est relaté dans les colonnes de La Provence où l’on apprend qu’un réseau de vente de stupéfiants a pris ses habitudes sur les 9 hectares du domaine de l’unité éducative de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), à Marseille (ville par ailleurs charmante) : dans un souci évident pour les commerçants de se rapprocher toujours un peu plus de leur clientèle, les dealers se sont installés, en toute impunité, au contact des délinquants en réinsertion.
L’article est édifiant puisqu’il ne fait pas mystère que la situation existe depuis longtemps, que l’impunité des dealers y est à peu près totale et que ce sont même ces commerçants alternatifs qui se chargent de la « sécurité » du site en contrôlant les allées et venues des agents de la PJJ, probablement afin de garantir que les transactions se passent dans des conditions optimales.
Rassurez-vous, tout est malgré tout sous contrôle. Ou à peu près. Ou vaguement, comme le laisse entendre Franck Arnal, directeur interrégional adjoint de la PJJ lorsqu’il déclare :
« … nous n’avons pas la maîtrise de ces manifestations de violence et de territoire. Il nous faut pourtant réagir, sinon c’est l’État qui recule. »
Oh, allons, Franck, qu’allez-vous imaginer là ? Comment croire que cette impunité et cette évaporation complète des forces de l’ordre et des principes de base de la justice serait en quelque sorte illustratifs d’un énième recul de l’État français ?
Ce serait comme si… mmmh, voyons… comme si les fusillades continuaient de plus belle dans un pays où le port d’armes à feu est interdit et la détention lourdement règlementée ! Improbable !
Bien sûr, mon brave Franck, vous pourrez toujours pleurnicher sur l’une ou l’autre échauffourée survenue dernièrement à Calais dans lesquelles une petite brochette de migrants, assez peu inclusifs, ont fermement expliqué leur point de vue à une autre tripotée de migrants lors d’un échange de coups de feu peu règlementaires et pas du tout vivrensemblesques.
Ce genre de fusillades est fort regrettable puisqu’à force de se tirer les uns sur les autres, c’est un potentiel Victor Hugo en devenir qui finira par tomber un jour, c’est évident. Il semble aussi relativement évident que le message sécuritaire envoyé est plutôt confus puisqu’admettre ces fusillades, c’est admettre que des armes à feu circulent quasi-librement dans le pays (oh !), que les migrants sont peu ou pas encadrés du tout (oh !), que les forces de l’ordre sont complètement débordées (oh !), et que la gestion globale de tout ce foutoir est largement ouverte à discussion (oh !).
Mais baste, il ne faudrait pas s’arrêter à ces petites anicroches ! La République saura survivre à ça (et à bien pire), notamment parce qu’en définitive, force reste à la loi la communauté la plus armée, n’est-ce pas.
Oh ! Comment peut-on écrire ça, en France, en 2018 ?
Peut-être parce qu’au lieu de prendre en compte les belles idées de nos politiciens, on se doit de regarder les choses en face pour constater que dans la vraie vie, les forces de l’ordre font de plus en plus souvent de la figuration ?
En effet, aux faits divers choisis précédemment, il conviendra d’ajouter ce dernier, très illustratif de la situation réelle du pays, loin des fantasmes de justice et d’ordre républicain dans lesquelles barbotent nos élus.
Les faits sont aussi banals que dévastateurs pour la Douce Socialie du Bisounoursland : un retraité propriétaire d’une maison à Garges-Les-Gonesses est informé par la police locale que son bien est squatté par une troupe de Roms qu’on ne pourra tout simplement pas déloger parce que … pizza !
Entregent du propriétaire malheureux, force des réseaux sociaux ou magie du communautarisme appliqué ? Toute une bande de joyeux « jeunes de cités », encouragés par un youtubeur influent, débarque alors et vire manu militari les Roms importuns, quasiment sous les bravos circonspects des médias qui se sont bien retenus de caractériser les actions des uns et des autres, au contraire d’un passé pas si lointain (deux ans) où de vilains fascistes riverains avaient finalement expulsés des Roms un peu envahissants sans (oh mon Dieu !) en passer par la voie légale (gasp !).
Au passage, la police, essentiellement spectatrice, n’aura donc servi ni à empêcher que la maison soit squattée en premier lieu, ni à virer les squatteurs, ni à empêcher la venue d’une bande de jeunes, ni à empêcher l’expulsion des « occupants sans titre » (que la loi, fine et bien ajustée, semblait pourtant protéger parce que … pizza !).
L’efficacité du Service Public Régalien de Sécurité nous offre ici une publicité assez phénoménale de ses compétences et de son efficacité. Notons au passage que le Service Public Régalien de Justice n’est pas du tout étranger à cette incompétence, et que le sabotage consciencieux de ce dernier service doit à peu près tout au travail systématique de nos politiciens.
Certains, un peu trop enthousiastes, verront ici une sorte de libéralisme en application : après tout, ces jeunes actifs, n’hésitant pas à sortir pour déloger des indésirables, sont manifestement tout à fait d’accord pour faire respecter le droit de propriété, principe libéral essentiel. Si l’on ajoute la vente et le commerce libres de drogue ainsi qu’une largesse très grande pour la détention et le port d’armes que beaucoup de ces individus pratiquent, l’argument semble solide.
Il est vrai qu’à force de délitement et d’incompétence (voulue ou subie), les forces de l’ordre poussent bien à la constitution de milices que j’évoque régulièrement. Malheureusement, bien loin d’un mouvement qui viendrait en appui des forces de l’ordre et sous l’œil bienveillant d’un législateur acquis à l’individualisme, cela vient en dépit des institutions qui partent en saucisse.
Du reste, le libéralisme n’a jamais pu prospérer autrement que lorsque l’état de droit est assuré. Or, ici et en pratique, c’est la déliquescence avancée de toute la société française qui s’illustre : un propriétaire, très probablement « encouragé » par un droit du logement invraisemblable, laisse son bien à l’abandon. Des Roms, rompus à l’occupation conflictuelle, utilisent les trous légaux béants pour y emménager. Suite à l’appel d’un gourou des interwebs faisant vibrer la corde identitaire, des jeunes de cités débarquent et virent les Roms. Pendant ce temps, la police compte les points.
En 2018 en France, en lieu et place du respect de la Loi et de la Justice s’installent progressivement des milices et des règlements de compte plus ou moins violents où se mêlent délitement social, pauvreté et replis communautaire.
Forcément, ça va bien se terminer.
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