… tout le monde ! Ou presque.
Drôle de libération, celle des quinze otages des FARC qui sont arrivés hier soir à Bogota. Une opération militaire des plus risquées organisée par le président colombien Uribe avec ses militaires. Une infiltration qui a marché. Heureusement, si la manœuvre avait échoué, on n'aurait dit adieu aux otages. Une opération de la dernière chance mise en œuvre dans le plus grand secret où aucun pays n'avait été mis au courant. Ce qui a peut-être irrité notre président. Il ne pourra donc pas s'ajouter à la liste des libérateurs. En même temps, seule une action secrète pouvait assurer un succès.
Alors, hier soir, cette libération a pris un tournant après l'apparition des otages et d'Ingrid Betancourt. Une Ingrid qui ne ressemblait pas du tout à la dernière vidéo, avec de bonnes joues, radieuse, ne semblant pas avoir passé plus de six ans dans la jungle, dans des conditions extrêmes. Bref, tout le monde était content et semblait avoir oublié d'où ils venaient. Et là, ce fut le début des déclarations. Nicolas Sarkozy qui a exprimé le premier l'heureux dénouement de cette affaire. Il a remercié beaucoup de monde. Puis les enfants, Mélanie et Lorenzo, et sa sœur Astrid, ont remercié la terre entière pour le soutien et l'aide. Des déclarations dignes d'une cérémonie de distribution de prix : je remercie machin, bidule, je remercie aussi truc et tartempion.
Mais le moment le plus attendu était l'arrivée des otages sur la base militaire de Bogota et la sortie de l'otage la plus célèbre du monde. D'habitude, après une libération, les otages apparaissent rapidement devant les médias et sont emmenés dans un endroit plus discret pour réserver leurs premières impressions et leurs témoignages aux autorités compétentes. Pour cette fois, ce fut sans précédent. Les otages sont descendus de l'avion heureux et paraissaient peu fatigués (ou alors la joie compensait tout). Puis ils se sont exprimés au micro devant la presse du monde entier. Chacun remerciant avec entrain à leur tour beaucoup de monde et surtout l'armée colombienne pour cette libération inespérée.
Puis vint le tour de cette femme dont on nous parlait presque tous les jours avec saturation parfois, dont on voyait le portrait régulièrement sur les façades ou dans les journaux. Ingrid Betancourt s'est exprimée longuement et avec enthousiasme et parfois émotion comme si de rien n'était. J'ai même cru à un moment trouvé une candidate en campagne plutôt qu'un ex-otage. Et puis elle a parlé en français : le choc. J'ai cru voir sa fille : même intonation de voix, même temps de réflexion entre les phrases, même façon de s'exprimer en cherchant ses mots. N'ayant pu s'exprimer pendant toutes ces années et sans ménagement, elle a raconté sa détention, ses doutes, ses peurs, ses motivations. Elle avait besoin de parler et on la comprend. Etonnamment au courant de l'actualité, en fait grâce à une radio locale qui passait les messages de ces proches.
Emporté par l'élan, une conférence de presse s'est naturellement engagée. Toutes les questions étaient posées à Ingrid Betancourt qui répondit sans problème. Les autres otages étaient ignorés. Et moi, devant ma télé, j'écoutais cette femme. Punaise, 1 heure 30 du matin ! Mais qu'est-ce qu'un peu d'heure accordée à ces otages qui ont passé parfois dix ans enfermés comme des prisonniers ou des criminels. Voilà donc une histoire qui se termine bien. Il reste encore des otages mais il semblerait qu'un processus soit enclenché. Je retiendrais aussi que cette annonce de la libération nous a amené à voir certaines images : un président Sarkozy et un ministre Kouchner se tapant sur l'épaule en riant, une Ingrid surprise de voir son mari changé, une prière à genoux sur le tarmac d'une aéroport.
Nous pouvons reprendre une activité normale.