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Les baisses de cotisations sociales

Publié le 12 février 2018 par Raphael57
Les baisses de cotisations sociales

Au vu des questions économiques qui agitent actuellement l’Élysée (visiblement les inégalités et l'endettement privé dont j'ai parlé sur mon blog n'en font pas partie...), j'ai jugé utile d'écrire un billet sur les baisses de cotisations sociales. En effet, alors que le candidat Macron voulait les cibler sur les seuls bas salaires, son ancien adversaire devenu depuis son nouveau ministre de l'économie (sic !) affiche la volonté de les élargir aux salaires plus élevés.

Les cotisations sociales

De manière simple, on appelle cotisations sociales des versements, calculés en pourcentage du salaire et répartis entre le salarié et l’employeur, qui donnent droit au salarié à des prestations sociales si celui-ci devait faire face à la maladie, au chômage, à un accident du travail…

Ces cotisations, prélevées au profit des organismes de protection sociale, sont trop souvent qualifiées à tort de "charges sociales" par ceux qui les ravalent au rang de simple ligne négative dans un compte de résultat, alors qu’elles constituent par nature une rémunération différée (versement d'allocations, pensions de retraite,...), qui accessoirement soutient aussi la demande et donc l'activité globale même durant les récessions. 

Pour comprendre en images comment l'on passe du salaire superbrut au salaire net, la petite vidéo ci-dessous est idéale :

Éléments chiffrés

Au total, en 2015, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a fourni les chiffres suivants :

 * 9,7 millions de comptes cotisants ont été gérés ;

 * 488,9 milliards d’euros de recettes ont été recouvrées ;

 * les produits consolidés du régime général s’élèvent à 340 milliards d’euros.

Les baisses de cotisations sociales

[ Source : Les chiffres clés de la Sécurité Sociale 2015 ]

Pourquoi faire baisser les cotisations sociales sur les bas salaires ?

Éliminons d'emblée l'argument qui consiste à déclarer le montant global des cotisations trop élevé, car ce serait négligé le choix politique et social fait de longue date en France consistant à centraliser les prélèvements et prestations sociales, jacobinisme oblige...

Le rapport Gallois sur la compétitivité rendu en 2012, n'a été que le énième d'une longue série : rapport Malinvaud sur l'allégement des charges en 2001, rapport du Conseil d'Analyse Économique sur la réduction du temps de travail en 1998, rapport Charpin sur les baisses de charges au niveau du SMIC en 1992, rapport Maarek sur le coût du travail en 1994, rapport sur le droit du travail de Michel de Virville en 2004, etc.

À chaque fois le constat était le même : le coût du travail au niveau du SMIC est trop élevé au regard de la productivité de ces salariés, ce qui provoque une hausse du chômage notamment dans l'industrie. Et la préconisation est toujours la même aussi : à défaut de pouvoir réduire le montant net du SMIC (encore que l'idée est dans l'air...), l'on réduit les cotisations sur les bas salaires afin d'inciter les employeurs à embaucher. C'est ce que feront tous les gouvernements successifs depuis Balladur en 1993, en particulier François Hollande avec le CICE et le Pacte de responsabilité.

D'après une étude du Trésor public, le coût brut de ces allègements de charges pour les finances publiques était de 22,2 milliards d'euros pour l'année 2009 (sans tenir compte des recettes liées à leurs effets positifs sur l'emploi et des moindres dépenses d'indemnisation chômage qui en découlent).

Reductions-charges.jpg

[ Source : Trésor-éco n°97 ]

Enfin, le graphique ci-dessous, édifiant, présente la baisse des cotisations sociales patronales au niveau du SMIC :

Les baisses de cotisations sociales

[ Source : Les chiffres clés de la Sécurité Sociale 2015 ]

Bref, en 2015, le cumul de tous ces dispositifs ramène le taux de prélèvement social effectif des employeurs à 10,55 % au niveau du SMIC. Et pourtant, le chômage et la précarité continuent à être notre lot quotidien...

Coûts et conséquences d'une telle politique

L'empilement de tous les dispositifs évoqués précédemment rend à l'évidence le système peu lisible :

Les baisses de cotisations sociales

[ Source : Le Figaro ]

Mais le principal effet pervers d'une réduction de cotisations sociales patronales sur les bas salaires est qu'il devient inutile de former les salariés peu qualifiés, puisque leur faible productivité est compensée par l'État. Ce faisant, on retarde la montée en gamme de l'économie française, ce qui partant pèse sur la compétitivité alors même que les dispositifs successifs ont été mis en place dans ce but ! Cela a nécessairement ensuite des conséquences sur la balance commerciale... De surcroît, les gouvernements successifs ont ainsi créé une trappe à bas salaire, l'employeur n'étant plus incité à embaucher à des niveaux de salaires très élevés, sous peine de perdre le bénéfice de l’exonération.

Et la dernière idée en date sortie du cerveau Macron, consiste à baisser les cotisations salariales en échange d'une hausse de la CSG (donc un financement de la Sécurité sociale par la fiscalité), afin d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés.

Les baisses de cotisations sociales

[ Source : Boursorama.com ]

Au vu de ce que nous avons expliqué plus haut, cela revient de manière schématique à leur prélever une partie de leur rémunération différée pour leur donner quelques miettes aujourd'hui, le tout financé sur le dos des retraités notamment. Le risque est évidemment grand de transformer ainsi à terme le système d'assurance chômage basé sur les cotisations en une simple prestation uniforme de montant modique...

Enfin, l'idée d'étendre les baisses de cotisations sociales aux salaires plus élevés (jusqu'à 3 SMIC) risque à mon sens de ne plus inciter aucun employeur à former ses salariés... Au surplus, le CICE abaisse déjà le coût du travail par le biais d'une réduction de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 6 % pour les salaires jusqu'à 2,5 SMIC ; et si on le cumule avec le Pacte de responsabilité, il est possible de monter jusqu'à 3,5 SMIC pour certaines cotisations !

Les baisses de cotisations sociales

[ Source : https://www.economie.gouv.fr ]

Laissons au gouvernement précédent le soin de justifier sa mesure : "le CICE permet de réaliser une économie d'impôt importante, égale à 6 % de la masse salariale brute (en-dessous de 2,5 Smic) depuis le 1er janvier 2014 (4% en 2013), soit, combiné au Pacte de responsabilité et de solidarité, une économie pour un employeur de 450 euros par Smic et par trimestre et même jusqu’à 650 euros par trimestre. Pour une PME de 20 salariés, cela représente jusqu’à 13 000 euros en moins par trimestre". Et en 2019, Emmanuel Macron veut  transformer le CICE en baisse pérenne de cotisations patronales, ce qui déplaît fortement au MEDEF qui a pourtant critiqué au possible le fonctionnement du CICE !

Mais les pays où les cotisations sociales sont les plus basses ne sont pas forcément ceux où le chômage est le plus faible, donc on ne peut rien conclure en dehors du fait que si le gouvernement les retirait maintenant, il prendrait le risque de voir le chômage augmenter. Autrement dit, avec ce genre de politique, le gouvernement se lie les mains à long terme, ce qui pèse sur son budget, mais sans que l'on sache très bien si la mesure fonctionne vraiment ou non ! Mais avec un pot de peinture estampillé communication, il est désormais possible de faire passer une politique et son contraire dans notre pays sans que cela dérange outre mesure, puisque c'est au nom du progrès...


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