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Bac, SNCF : une cohérence macronienne

Publié le 17 février 2018 par Guy Deridet

En l'absence de toute opposition significative à l'Assemblée Nationale, Macron poursuit inlassablement son entreprise de casse de tout ce qui faisait la spécificité du modèle français. Maintenant, c'est au tour de deux symboles de cette spécificité : le bac et la SNCF. Dans une de ses récentes gazettes, Schneidermann analyse les dessous de ces réformes annoncées. Comme d'habitude, dès qu'on gratte un peu, ça pue.



Bac, SNCF : une cohérence macronienne Bac, SNCF : une cohérence macronienne
La Gazette de Daniel Schneidermann, du site Arretsurimage.net


16/02/18


Attention, rapport. Cette fois, ce pourrait bien n'être pas seulement un rapport de plus. Voici donc le rapport Spinetta, qui ouvre la voie, après le démantèlement de La Poste, qui a fait disparaître les postiers du paysage, à celui de la SNCF. Apparemment, c'est du lourd. Du "rapport bombing", comme disent Les Echos eux-mêmes. Cette fois, le personnage qui a recueilli 21% des voix au premier tour de la présidentielle, et pour lequel une majorité d'électeurs a voté au second tour pour éviter l'extrême-droite, s'attaque sérieusement à la SNCF.

Je n'insiste pas sur les "pistes de réflexion" lancées par le rapport Spinetta, vous en trouverez le détail dans la presse, et on les connait depuis toujours : suppression progressive du statut des cheminots, suppression des lignes secondaires non rentables, transformation des établissements publics en sociétés anonymes pour se mettre en conformité avec l'Europe, etc etc. Tout ceci, comme il se doit, habillé de cette novlangue sciences-po relayée avec délices par le système médiatique("réinventer le modèle économique, muscler le business model", etc), que je n'ai même plus envie de décrypter. Je n'insiste pas davantage sur toutes les notions absentes du rapport Spinetta : absents, l'aménagement du territoire, le service public, ou la transition énergétique, ces vieilles lunes. Hors-sujet.

"zones de pertinence"


Tout de même, à propos de la novlangue macronienne, cette trouvaille, que distille Spinetta dans ses interviews : les TGV ne doivent pas aller au-delà de leur "zone de pertinence", à savoir deux ou trois heures de trajet. Mais comme le remarque Mediapart, qui a décidé que la "zone de pertinence" du train n'était que de deux ou trois heures ? Symétriquement, qui a décidé par avance que le contribuable refusait de payer pour maintenir un réseau acceptable de lignes secondaires en France ? On voit bien la "zone de pertinence" réservée au train, par la vision spinetto-macronienne : un strict enclos entre l'avion, pour les élites, et les cars Macron pour les ploucs : pauvre train !

Mais comment protester ? Avec quels mots ? Quels chiffres ? Une "zone de pertinence", c'est scientifique. C'est mathématique. C'est irrécusable. Tous les experts vous le répètent. Silence dans les wagons, on l'a calculée pour vous.

Qui va contester cette notion de "zone de pertinence" ? Qui va mettre en balance la "dette" de la SNCF, l'horrifique dette, avec, justement, les exigences de l'aménagement du territoire, ou du service public ? Dans l'immédiat, des économistes, pardi. Il en reste quelques uns. Mais, patience, ça ne va pas durer. On veille à tarir la source.

Précisément, c'est une autre réforme qui est chargée de la besogne, la réforme du bac, présentée concomitamment, et qui vise, entre autres buts, à noyer la spécialité sciences-éco dans un océan de spécialités voisines, comme l'explique dans Alternatives Economiques l'économiste Stéphane Beaud.

Rien à dire, tout ceci forme un ensemble cohérent.




N.D.L.R


Effectivement, on ne pourra pas reprocher à Macron un manque de cohérence.

SNCF : le but est tout simplement de remplacer un service public, par une entreprise qui pourra faire, enfin des profits. Qui donc ? Ne vous inquiétez pas : les grands copains de Macron sont déjà dans les starting blocks. L'aménagement du territoire, les petites lignes non rentables ? A la poubelle. Il n'y a pas de fric à faire.

BAC : les français commencent (enfin) à penser un peu trop en matière d'économie et de sciences sociales ? A la poubelle, les bacs E.S. Les salariés n'ont pas à penser. Les cadres, quand à eux, apprendront à bien penser.

Schneidermann n'a pas évoqué une autre révolution en vue : le service civique obligatoire. Ce que Macron a si bien réussi avec son mouvement LREM, il va tenter de le faire avec les jeunes. Il sait, comme les GAFA maintenant et comme la religion jadis, ou Hitler en son temps, que plus on prend les jeunes tôt, plus on peut les influencer durablement et en faire de dociles consommateurs et des citoyens qui ne posent jamais les questions qui fâchent.

Je suis curieux de voir les réactions des jeunes et de la SCNCF, deux entités capables chacune à elle seule de bloquer totalement le pays, à ces deux révolutions en vue.

Si la SCNF tombe dans se battre chèrement pour protéger son service public, si les jeunes ne résistent pas à cette tentative d'embrigadement qui nous rappelle de très mauvais souvenirs, alors tous les autres services publics et le statut des fonctionnaires qui les fédère s'écrouleront comme un château de cartes.

Macron pourra se représenter pour un autre quinquennat et réfléchir tranquillement à la façon "moderne" de se faire sacrer empereur en 2022.


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