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Raoul Hausmann / Safari au parc Montsouris

Par Libanus @Alain_Chemali
Raoul Hausmann / Safari au parc Montsouris Le revers du collage A creuser à ce point les dessins de mon incommensurable ami Raoul 
Hausman, non seulement je me suis introduit dans son intimité la plus intime, mais j’en suis revenu avec un angle de pénétration particulier du métier de collagiste.
Maniaque de la précision, un jour, je découpais au cutter des scènes  torrides dessinées par le père autoproclamé du collage Dada, reproduites dans un catalogue de vente de sa succession à Drouot-Richelieu en février 2010.
Dans cette publication, en mauvais état, tachée et gondolée par l’humidité, achetée malgré tout 10 euros au marché aux puces de la porte de Vanves, il y avait entre autre en effet des reproductions rarissimes de dessins, à la limite du gynécologique, du maître à coller, datant des années 30-40.
L’époque à laquelle le dandy Dada au monocle cyclopéen s’était réfugié en France, dans la région de Limoges. A Peyrat-le-Chateau plus précisément, chez la très belle Marthe Prévost, qu’il dévorait des yeux, de l’objectif et du crayon.
Il s’y représentait en étalon à corps d’homme bien bâti qu’il était, doté d’un membre à mi-chemin entre l’humain et le chevalin, s’apprêtant à pénétrer une vulve ouverte sans vergogne au mythologique coup du chat-pot.
En position, à ma table de dissection, je suivais fidèlement  les moindres frémissements de son crayon, découpais scrupuleusement le long de ses lignes et ses hésitations, saisissais la précision et l’exactitude de la représentation : de l’extension du gros orteil, à la langueur du relâchement des bras et des mains, au visage extatique de la pouliche sacrifiée sur une table de cuisine.
Je me suis vu dans la même posture que Walter Benjamin photographié par Gisèle Freund en 1937 à Paris, à la Bibliothèque Nationale.
Penché sur plusieurs livres ouverts devant lui sur la table de la salle de lecture, il tient à la main un stylo qui lui permet de noter dans ses carnets des prélèvements de textes. C’est-à-dire des citations dont il dit qu’elles sont dans son travail « comme des voleurs de grands chemins qui surgissent en armes et dépouillent le promeneur de ses convictions ».
Courbé de la même manière sur les dessins de Raoul Hausmann et armé d’un cutter, je procède moi aussi à des prélèvements de citations. Les scènes d’amour Hausmaniennes ou tout autre fragment visuel, sont ainsi passés au tamis de l’œil et au fil de la lame, pour  être dépouillés de leur studium et ponctum.
Dans cette méthode de travail je m’efforce généralement de prélever l’élément citant sollicité en préservant les contours du lieu d’extraction, quand cela est possible, car il peut servir lui aussi ailleurs, mais en creux. C’est le revers du collage.
Alain Chémali

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