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563ème semaine politique: la bataille perdue du pouvoir d'achat d'Emmanuel Macron.

Publié le 20 février 2018 par Juan

  563ème semaine politique: la bataille perdue du pouvoir d'achat d'Emmanuel Macron.

Où l'on parle de politique de classe: un bac plus élitiste, une privatisation de la SNCF qui ne dit pas son nom, la crise du pouvoir d'achat et un énième projet de loi sur l'immigration. Sur ces 4 sujets, une politique de classe évidente.


Il nous amuse avec son service civique obligatoire ou pas, fait tourner en bourrique quelques éditocrates. Il est très fort. La France d'en haut a le président des riches qu'elle mérite.
Jugez.
Privatiser la SNCF
Il est élu depuis peu, il a encore le vent en poupe. Les élections législatives sont passées, sa majorité est aussi écrasante que l'abstention. Emmanuel Macron rencontre un panel de cheminots le 1er juillet dernier à bord du TGV inaugural de la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes. Et il balance son programme pour la SNCF: une loi-cadre pour la fin du premier semestre 2018 pour supprimer le régime spécial des retraites et transformer statuts et entreprise en prévision de l'ouverture à la concurrence décidée au niveau européen pour début 2019.
Neuf mois plus tard, lendemain de Saint Valentin, comme par miracle, voici un rapport "indépendant", avec ses mesures révolutionnaires, qui forcément "lèvent les tabous". Le gouvernement peut s'abriter. Il loue "le diagnostic complet et lucide sur la réalité du service public ferroviaire français auquel les Français sont très attachés."
La "bombe" n'est pas de lui. Mais le story-telling élyséen - des propositions a-politiques -  ne résiste pas à l'examen de la réalité. Le rapport est rédigé par un ancien patron d'Air France. Bizarrement, on ne demande pas à des syndicalistes ni des représentants d'usagers.
La méthode est connue: on applique froidement les  commentaires du secteur privé. On oublie que l'on parle d'un service public. On dépeint donc une situation forcément "préoccupante", on agite le spectre de la dette (46 milliards d'euros), on  évoque des "cheminots-fonctionnaires-flemmards" qui "terminent leur service à 17h", on fustige "l'augmentation continue des coûts", le "déséquilibre du financement du système" et le "retard massif de modernisation du réseau, sacrifié pendant 30 ans au profit des lignes nouvelles".
Et du coup, les "recettes"sont elles aussi prévisibles - 43 propositions cette fois-ci: augmenter les tarifs de seconde classe sur les lignes les plus fréquentées, fermer les petites lignes régionales, supprimer le statut du cheminot, muter les salariés refusant la privatisation de leur ligne après l'introduction de la concurrence en 2019.
Les cheminots sont l'épouvantail facile de tous les réacs. "Les tabous et les privilèges sont des sujets qu'il faut oser assumer de mettre sur la table" explique Castaner, sans surprise.

C'est vrai que les trains s'arrêtent à 17h, heure de fermeture des gares. https://t.co/nep7m8X9Ss — jegoun (@jegoun) February 16, 2018
Personne ne parle de privatisation de la SNCF, et pourtant, c'est bien de cela dont il s'agit: la SNCF est évaluée sur les critères du secteur privé. 
Bac pour riches, bac pour pauvres
La même semaine, Jupiter fait dévoiler la grande réforme du Bac par son ministre modèle, Jean-Michel Blanquer. On loue le ministre, la presse est quasi-unanime, même quand son intervention télévisée un jeudi soir sur France 2 est un flop d'audience mémorable, les éditocrates applaudissent le "bon sens". L'ex-sarkozyste est si rationnel, apparemment peu idéologique. Le chouchou des médias. Et puis surtout, il rassure, il est moins "clivant" que Najat Valaud-Belkacem: Blanquer est blanc, mâle et quinqua. Tout va bien dans les chaumières. Il correspond au cadre.
Pourrait-on s'interroger sur le parti-pris et les objectifs inavoués de la réforme elle-même ? On pourrait louer l'introduction du contrôle continu, pour 40% de la notation finale: mais quelle homogénéité des notes puisque ce contrôle ne sera plus anonymisé lors d'un examen final ? N'est-ce pas le début d'une différenciation de la valeur d'un bac déjà en souffrance ? Un bac obtenu en Seine-Saint-Denis vaudra-t-il autant qu'un bac parisien ? En octobre dernier, plusieurs lycées en Seine-Saint-Denis se sont mis en grève pour protester contre le manque de classes et de professeurs.
Belle logique de classe ! Et que dire du "grand oral", cette nouvelle épreuve proposée en examen terminal, est directement inspiré des sélections des grandes écoles, un examen pour enfants de bonnes familles. Comment ne pas voir que la fusion des filières S, L et ES favorisera les enfants de milieu bourgeois ?

Car le ministre omet une chose essentielle pour que sa réforme du bac ait une autre apparence que cette caricature élitiste: de quels moyens disposera-t-il pour la mettre en œuvre dans les 3 ans comme annoncé ? Il y a 10 jours, le même gouvernement confirmait la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. L’Éducation nationale présente le plus gros contingent de postes de la Fonction publique.

Virer les migrants?
"Les réfugiés sont une force (...) ce sont des héros." On avait oublié, le temps passe, le marketing politique agit. Cette déclaration émane du candidat Macron. Un an plus tard, ses proches assument: "C'est la prise en compte de l'état de l'opinion." Macron est désormais un cynique aligné sur la ligne Sarko/Le Pen. Jupiter serait donc cette girouette dangereuse, capable de suivre les bas instincts, la meute et la honte.
Pour défendre le projet de loi "immigration et asile", LREM s'est choisie deux anciens socialistes, Elise Fajgeles et Florent Boudié.
Il faut de tout pour faire accepter l'inacceptable. La députée ex-socialiste Elise Fajgeles, rapporteur du texte, répète ses éléments de langage empruntés au siècle d'avant, et au Front national: "il faut être ferme parce que l'on ne peut pas accueillir tout le monde." Il faut être ferme contre les demandeurs d'asile, vraiment ? Elle fait mine de confondre le raccourcissement des délais maximum d'instruction (au-delà desquels les demandes d'asile ne seront plus recevables), sans aucun moyen pour améliorer la situation, serait un "progrès", un témoignage d'"humanité". Et la députée de répéter les arguments des Le Pen, Wauquiez et consorts: "Depuis 2015 nous sommes soumis à un défi migratoire gigantesque."
Depuis 2015...
Vraiment ? 
Le gouvernement se prépare ainsi à l'examen de sa loi "immigration et asile", la 13ème depuis deux décennies. Attardons-nous sur un rapport parlementaire publié cette même semaine. A première vue, il offre quelques statistiques pour inquiéter les inquiets: le nombre de visas délivrés explose depuis 2012: 4 millions l'an passé, contre 2,6 millions en 2012... En fait, l'explosion est surtout touristique (+20% de visas touristiques chinois qui, l'an passé, représentaient près d'un million de visas délivrés). Les visas de longue durée, en hausse, sont marginaux: 210 000 en 2017. S'ajoutent les titres de séjour : 262 000 en 2017 contre 193 000 cinq ans plus tôt. On note au passage que les nouveaux titres délivrés pour motif humanitaire restent marginaux: 40 000 l'an dernier. Et dans cette catégorie, l'attribution de titres de séjour pour des raisons humanitaires médicales a baissé de 35% (4300 versus 6850 un an plus tôt)... Au final, la France, soit 67 millions de personnes, accueille un peu moins de 300 000 personnes pour des raisons humanitaires... No comment.
Les auteurs du rapport évoquent aussi l'immigration clandestine, via quelques statistiques sur l'une des phobies de l'extrême droite et de la droite furibarde, l'Aide Médicale d'Etat (AME). Wauquiez, Sarkozy, Fillon ou Le Pen ont tous réclamé sa suppression. Le nombre de bénéficiaires de l'Aide Médicale d'Etat a baissé en 2016: 311 000 contre 316 000 l'année précédente. Mais il a progressé de 100 000 depuis 2012. Seconde statistique, les régularisations de clandestins: 181 210 ressortissants étrangers séjournant illégalement en France ont été régularisés au cours de la période 2012-2017. Le nombre de reconduites aux frontières reste faible, 15%. Et l'asile ? Le nombre de demandes d'asile est d'environ 100 000 par an. Le nombre de refus a explosé: 12 000 il y a 5 ans, 65 000 en 2016.
Face à cette situation, le gouvernement jupiterien a lancé les chiens, les gaz, les CRS, la police et une circulaire pour trier les réfugiés dans les centres d'hébergement, et promis d'interdire aux associations de délivrer des repas aux réfugiés. Maintenant, voici une loi. Des syndicats du personnel de l'OPFRA se sont mis en grève pour protester contre un texte "inique" qui réduit les délais d'instruction, mais augmente ceux de rétention. L'immigration est un sujet en or pour les conservateurs, une manière d'opposer pauvres et plus pauvres, la France d'en bas à plus précaire encore. Une centaine de député(e)s LREM seraient heurtés par le projet, on attend de voir où sont les courageux. "Il n’est pas interdit de mettre un peu d’humanité dans un texte de loi." prévient l'ex-socialiste Jean-Michel Clément.
Défends la loi asile, « camarade ». Ce sera plus noble. https://t.co/qW0rmHMKvY — Juan (@Sarkofrance) 21 janvier 2018
 
Président des riches
En catimini, les députés godillots votent un amendement qui permet aux employeurs d'imposer le forfait jours aux cadres - sous peine de licenciement en cas de refus. En public, le premier ministre fait refouler une journaliste de France 3 lors d'une visite d'une usine l'Oréal.
"Je n'oublie pas d'où je viens" déclare Macron mardi soir à des journalistes.
On le sait.
Emmanuel Macron s'adresse à une centaine de journalistes, une conférence de presse improvisée lors d'un "rendez-vous" au "mini Palais", un "bar lounge « annexe » du Grand Palais, façon « afterwork », sorte de conférence de presse en fin de journée" comme le décrit le Parisien. Jupiter est cool, si cool. Certains comptes-rendus sont lénifiants, comme si peu de journalistes n'avaient osé, ou aucun n'avait pu poser les "questions qui fâchent." On évite la question sur son chien, ou sur le potager de Brigitte, mais l'on a droit à celle sur sa foi, son sommeil, son rythme de travail, et, forcément, la guerre contre le terrorisme. Rien sur la présidence des riches, la suppression de l'ISF et la flat tax, la multiplication des plans sociaux, le soutien gênant à l'Arabie Saoudite ou le silence sur les attaques turques contre les Kurdes. Tout juste l'interrogent-ils sur le pouvoir d'achat: "70% des Français ne vous font pas confiance pour l’améliorer ?" lui-demande-t-on. "Je ne suis pas obsédé par les sondages", répond-il. Jupiter est "le plus mitterrandien des présidents" commente un quotidien propriété de milliardaire. 
Ce Jupiter si "mitterrandien" débine ses mensonges sur le pouvoir d'achat. Certes, quelque 21 millions de personnes ont bénéficié d'une baisse de cotisations sociales, la joie, le bonheur !  "La baisse des cotisations sociales, ce n'est pas une hausse du pouvoir d'achat" explique l'insoumis Adrien Quatennens. La preuve en chiffres: la baisse des cotisations sociales est déjà compensée par une hausse de la CSG plus importante: le solde net est une dégradation du pouvoir d'achat des ménages de 4,5 milliards d'euros en 2018. D'aucuns évoquent alors la baisse de la taxe d'habitation, soit 3 milliards, mais ce "bénéfice" ne tombera que dans 2 ans, en 2020. A l'inverse, les ménages subiront dès cette année 200 millions d'euros de baisse du forfait hospitalier,  340 millions d'euros de déremboursements de médicaments, et une hausse de 5% des tarifs de mutuelles en conséquence.
Merci qui ?
Merci Macron, merci patron.

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