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Sur quelques absurdités quotidiennes dans les sciences sociales (11)

Publié le 23 février 2018 par Antropologia

L’enquête et l’imprimé

Je suis toujours surpris quand je lis un collègue qui après avoir consacré beaucoup d’efforts à enquêter auprès des personnes qu’il étudie, donne de l’importance à ce qui a déjà été écrit sur eux. On dirait qu’il sous-estime son propre travail, qu’il accorde davantage de crédit à ce qu’il lit qu’à ce qu’il entend. Or ceux qui lui parlent verbalisent une pratique, témoignent de situations vécues, alors que « les fines gens remarquent bien plus curieusement et plus de choses, mais ils les gloses ; et, pour faire valoir leur interprétation et la persuader, ils ne peuvent garder d’altérer un peu l’Histoire : ils ne vous représentent jamais les choses pures, ils les inclinent et masquent selon le visage qu’ils leur on veu » nous avertissait déjà Montaigne (I, 31) qui reprenait une idée de son temps. Depuis la Renaissance, les historiens ont pourtant distingué les sources de première main issues des témoins et des acteurs, des sources de deuxième main, les commentaires. Il est vrai que certaines disciplines se contentent de présenter des synthèses des travaux imprimés sans jamais se préoccuper de leur qualité relative, en les inscrivant dans de larges récits tels que l’actualité leur réclame pour présenter «  une vérité narrative ». Pourtant les exigences académiques interdisent (ou devraient interdire) ce type d’approximation.

Même s’il se trompe ou s’il ment, le propos du témoin qui évidemment doit être soumis à la critique, exprime une certaine pratique à laquelle ses propos nous font accéder, même par des voies détournées, pleines d’embûches.

Bernard Traimond


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