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Défendre les agriculteurs et non les accords de libre-échange…

Publié le 25 février 2018 par Albert @albertRicchi
2018Le 55ème salon International de l’Agriculture, qui s'est ouvert à Paris le 24 février, a vu le passage, dès le premier jour, du Président de la République visitant tous les stands et dégustant les spécialités régionales devant l'ensemble des micros et caméras.  
Mais si Emmanuel Macron a battu le record de présence avec près de 13 heures passées au salon, record détenu précédemment par François Hollande avec 12 heures, les questions les plus importantes n’ont reçu que des réponses évasives...  La crise actuelle de l’agriculture est avant tout structurelle. Elle est le symptôme de la faillite d’un mode de développement productiviste qui a ravagé peu à peu l’agriculture familiale et paysanne en France, en Europe et dans les pays du Sud.Le système actuel est allé au bout de sa logique en faisant disparaître massivement les paysans à chaque crise agricole. Ils étaient plus de 10 millions en 1945 et ils ne sont plus qu'un seul petit million aujourd'hui. Les agriculteurs, éleveurs ou pas, sont d’abord victimes d'un manque criant d'anticipation et de clairvoyance des décideurs politiques.  Comment ne pas être déçu quand on sait que depuis la mise en place de la politique agricole commune (PAC) à la fin des années 50, les responsables politiques de tous bords ont développé le produire plus, la modernisation, les économies d'échelles. A chaque crise, la réponse a été identique : il faut grossir, augmenter la taille de son élevage, ce qui entraîne automatiquement une surcharge de travail, la mécanisation pour compenser, l'emprunt pour financer. Cette politique a même été accompagnée pendant toutes ces années avec bienveillance par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), principal syndicat agricole. D'après la confédération paysanne, la FNSEA soutient le système agricole conventionnel et l’industrialisation des exploitations, l’exploitation animale, l’utilisation de pesticides dans un but de rentabilité, de productivité et de compétitivité. Elle s'oppose régulièrement aux normes et contraintes environnementales par l'organisation d'importantes manifestations et lobbying comme on l'a vu récemment à propos du glyphosate. Le suicide des agriculteurs Par la multiplication des contraintes administratives et environnementales, le système du « toujours moins cher », la politique des travailleurs détachés payés 3 € de l'heure, notamment dans les abattoirs allemands, le développement des fermes usines et le dogme intangible de l’ouverture des frontières défendus par la commission de Bruxelles et approuvé par toute la classe politique, les paysans ne savent plus comment survivre et mettent de plus en plus fin à leurs jours.  Un membre de l’association « Solidarité paysans en Ille-et-Vilaine » raconte : « Il y a deux semaines, on a appris, pour une famille, qu’une dame brûlait toutes les factures. Son mari, ses frères, personne ne se doutait de rien, tout semblait aller bien. Et puis, la dame a vu paraître, dans un journal agricole, l’avis de liquidation de leur ferme. Elle s’est suicidée. »  
L’association a vu aussi un autre agriculteur très dépressif : « Son lait n’est plus collecté, mais il ne veut pas arrêter. Il avait mis de l’argent de côté, donc pour le moment, il reste avec ses animaux, mais il ne vend plus rien. Ca ne pourra pas durer longtemps comme ça. Je ne sais pas comment il va faire. »  Des histoires comme celles-là, il y en a beaucoup. Elles ne relèvent plus de l’anecdotique. 400 à 500, c’est le nombre de suicides d’agriculteurs recensés chaque année en France, d’après des chiffres provenant des Caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de l’Institut national de veille sanitaire (inVS). Mais le chiffre réel est sans doute supérieur aux statistiques et certains observateurs parlent même de 600 suicides par an. Que fait Emmanuel Macron ?   Le plan d'urgence proposé par le gouvernement est considéré par de nombreux agriculteurs au mieux comme une rustine pour traiter un mal très profond, au pire comme un plan de licenciement des petites et moyennes exploitations. Dans tous les cas, le compte n'y est pas. Alors que les agriculteurs sont au bord du gouffre, les annonces gouvernementales et tables rondes se succèdent. Tout le monde clame haut et fort qu'il faut sauver l'élevage, que les grandes surfaces doivent augmenter les prix, que l'on doit manger français, etc.  Mais face à ce désarroi, Emmanuel Macron et son ministre de l’agriculture et de l’Alimentation, Stéphane Travert, soutiennent les accords de libre-échange avec l'Amérique du Nord (CETA, ) qui vont détruire à jamais la production de viande bovine en France et mettre à rude épreuve les autres filières d'élevage.Pire, à propos d'un autre accord international de libre-échange actuellement en cours de négociation entre l'Union Européenne et les 4 pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), Emmanuel Macron s’est contenté de dire que cet accord prendrait effet seulement que dans 5 ans comme si ce délai était la solution au  problème de l'arrivée sur le marché européen de 70 000 à 100 000 tonnes de viande bovine dispensées de droits de douane ! « Il n'y aura jamais de bœuf aux hormones en France», a-t-il promis encore tout en assurant qu'il travaillerait à ce qu'il y ait des possibilités de « bien contrôler aux frontières la traçabilité et les normes environnementales et sociales ». Une telle naïveté est confondante alors que chacun sait que l'importation massive de viande à bas coût venue d'Amérique du Sud fait craindre l'apparition de produits à la qualité douteuse et que les élevages de bovins, porcs et volailles sud-américains sont essentiellement nourris à base d'OGM, en particulier de soja transgéniques ! Comme son prédécesseur François Hollande, Emmanuel Macron ne semble pas avoir compris que l'agriculture intensive est dans le mur et qu’il faut faire un choix clair d'une autre agriculture qui valorise l'environnement au lieu de le détruire, d'une agriculture qui crée de l'emploi, vivifie les territoires, relocalise la valeur ajoutée accaparée par les multinationales de l'agroalimentaire et les milieux financiers. Il faut rétablir des mécanismes publics de stockage, de stabilisation des prix et de maîtrise de l’offre aux niveaux national et régional, favorisant les exploitations paysannes et familiales et garantissant un revenu stable aux agriculteurs et des prix raisonnables aux consommateurs. Il faut aussi s’attaquer à la spéculation sur les produits agricoles et arrêter les accaparements de terre par des pays étrangers, notamment la Chine. Devant cette grave crise agricole et les centaines de suicides de paysans qu'elle  entraîne, un énième plan d’urgence ne suffira pas si on ne change pas de logiciel… Photo Creative Commons    
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