Magazine Cinéma
Ne pas se fier au résumé du dernier film de Kiyoshi Kurosawa. Le premier quart d’heure en donne rapidement le ton : Avant que nous disparaissions met en scène une invasion extraterrestre qui ne dit pas son nom. Et, dans la tension entre traitement réaliste et thème SF, réside tout l’intérêt.
Du vol des concepts...
Le film décontenance. En dépit d’un propos énigmatique, il recèle une grande vérité sur notre mentalité contemporaine. Pour clef d’interprétation d’une œuvre riche d’interprétations, on peut s’attarder sur la stratégie des envahisseurs extraterrestres.Les extraterrestres n’y ont rien de vert, de gris ou d’inhumains. Avec deux bras, deux jambes, deux oreilles… ils sont comme vous et moi. Mais ils ne disposent pas de nos concepts. Et c’est ce qui les fascine. Chaque rencontre avec un humain attise leur désir : ils lui demandent de visualiser un concept – tels la liberté, le travail, l’amour… – afin de le lui « voler ».
... à la redéfinition des valeurs collectives
Toutefois, les « envahisseurs » ne détruisent pas tant la société qu’ils n’en révèlent la faillite morale. Bien peu de leurs interlocuteurs arrivent à formuler clairement les concepts-clefs de la vie en société. Au fur et à mesure des entretiens, on découvre la ruine conceptuelle d’une société lancée à tout crin dans la course au productivisme et au culte du travail. À tel point qu’elle a oublié ce qui la définit. Or une société sans conscience a-t-elle encore un avenir ?Le titre a valeur de programme. Avant que nous disparaissions invite à l’introspection collective, à la redéfinition de nos valeurs avant qu’il ne soit trop tard. D’où ce traitement réaliste, qui se focalise sur le drame intimiste entre Narumi (Masami Nagasawa) et Shinji (Ryuhei Matsuda). Leur couple en crise témoigne de la neurasthénie ordinaire, faite d’oublis des autres, d’indifférence à la douleur, d’acceptation absurde de la violence, qui culmine dans une incroyable séquence à l’hôpital, où la folie ordinaire acquiert sa banalité.
Avant que nous disparaissions, Kiyoshi Kurosawa, 2h09, Eurozoom
Maxime
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