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Du Golfe au rives du Nil : le doux pouvoir saoudien sur le foot

Publié le 15 mars 2018 par Gonzo
Du Golfe au rives du Nil : le doux pouvoir saoudien sur le footSous les drapeaux irakien et saoudien, le hashtag du moment : Vous êtes ici (Bassora) chez vous, les Verts !

En marge de ses principaux objectifs, la campagne contre la corruption lancée par les autorités saoudiennes aura eu quelques conséquences sur la scène footballistique dans le Royaume. Turki Al al-cheikh (تركي آل الشيخ), poète de cour très proche de MbS, parolier de chansons patriotiques, membre du Conseil royal saoudien et, depuis quelque temps, autorité suprême des sports au sein du Royaume a ainsi annoncé au début de l’année que le prince Faysal bin Turki (فيصل بن تركي ) était démis de ses fonctions à la tête du Al-Nassr Ryad FC. Quant au célèbre Walid bin Talal (الوليد بن طلال), tout juste tiré d’une longue mise à l’ombre (presque trois mois) au Ritz-Carlton de Riyad, il s’est empressé de compléter sa déjà très longue liste de chèques (on parle de 6 milliards de dollars pour une remise en liberté apparemment très conditionnelle) avec une ultime gratification, une misère d’un demi-million de dollars, offerte à un autre club de la capitale, le Hilal, « pour répondre à l’invitation de [son] frère Tourki Al Cheikh ».

Ces petites manœuvres locales ne sont pourtant rien à côté des très vastes offensives du « doux pouvoir » (soft power) saoudien désormais à la manœuvre en Égypte et en Irak. Ce dernier pays, écarté par la FIFA des compétitions internationales parce qu’il n’offre pas assez de sécurité pour des compétitions internationales, a reçu tout récemment le soutien appuyé des Saoudiens qui ont décidé d’y faire jouer leur équipe nationale dans le cadre d’une rencontre amicale. Le match s’est tenu à Bassorah, devant une foule de 70 000 spectateurs brandissant des banderoles saluant avec la plus grande chaleur la venue des « verts », la couleur du maillot saoudien, après une absence de près de 40 années. De passage au Caire, le régent du Royaume, MbS, s’est félicité de cette victoire (même si son équipe a perdu 4-1). Selon ses propres termes, elle a en effet permis à l’Arabie saoudite de « cerner le régime iranien de toutes parts » (مكنت من محاصرة النظام الإيراني في كل مكان). On ne peut dire plus clairement que les généreux dons du Royaume au voisin irakien (un stade a également été promis par le roi à cette occasion) ont pour but de réduire l’influence croissante des « Perses » chez les voisins et même dans la région. Tout cela a donc beaucoup plus à voir avec la diplomatie d’influence qu’avec le sport.

Du Golfe au rives du Nil : le doux pouvoir saoudien sur le foot
La fédération égyptienne de foot et les clubs soutiennent Sissi

On retrouve Turki Al al-Cheikh dans ses œuvres sur d’autres terrains, ceux des clubs cairotes qu’il affectionne tout particulièrement car il se sent « égyptien de cœur » selon ses propres dires depuis bientôt 30 ans. Une affection que lui rendent bien les dirigeants du Ahly FC qui l’ont récemment nommé « président d’honneur » de leur club. Un statut inédit qui n’est pas seulement honorifique car, depuis qu’il est en place, le puissant confident de MbS intervient de très près dans la stratégie sportive de la « Forteresse rouge », comme on surnomme souvent ce club. À grand renfort de primes faramineuses, il a ainsi écarté les menaces qui pesaient sur « son » équipe dont certaines vedettes menaçaient d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte. Un prêté pour un rendu pourrait-on dire, puisqu’il lui était arrivé naguère de mettre la main à la poche pour « aider » son grand rival, le Zamalek FC (voir cet article).

Là encore, cette passion footballistique rejoint fort à propos de très réels intérêts politiques. Car en s’engageant pour l’Égypte du maréchal Sissi (qui s’apprête à être réélu avec, entre autres soutiens, celui des présidents des clubs de foot), les Saoudiens espèrent enfoncer un peu plus l’Émirat honni du Qatar, y compris avec des moyens qui ne sont pas forcément très fair play ! On a ainsi appris il y a quelques jours que Nasser al-Khelaïfi (ناصر الخليفي), le patron de la chaîne sportive qatarie BeIN, vient d’être condamné à quelque 18 millions d’euros d’amende par les tribunaux égyptiens pour une sombre histoire de concurrence sur les droits de retransmission. Une décision qui ne doit pas modifier l’opinion que l’on peut avoir sur l’indépendance de la justice égyptienne, et qui n’est, de toute façon, qu’une goutte d’eau pour l’homme qui est, par ailleurs, le grand patron de l’équipe du PSG en France…


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