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Chômage : demain tous précaires ou radiés ?

Publié le 19 mars 2018 par Slovar
Le constat du gouvernement et de sa majorité est le suivant : les chômeurs sont des indélicats qui préfèrent, par leur insouciance plomber la timide reprise économique. Pour les transformer en "premiers de cordée", Pôle Emploi dont les conseillers croulent sous le nombre de dossiers à traiter va intégrer encore plus de contrôleurs. 

Chômage : demain tous précaires ou radiés ?


Notre Président et son gouvernement ont décidé de régler le problème du chômage de masse par la pire des façons : Expliquer que les chômeurs ne s'investissent pas dans leurs recherches alors que nombre d'emplois ne trouvent pas de candidats. Bien que prônant une nouvelle gouvernance, nos dirigeants ne font, une fois de plus, que recycler les idées de Nicolas Sarkozy et de Xavier Bertrand sur les "fameux" emplois non pourvus et les offres raisonnables d'emploi.
Que sait on des futures mesures concernant les chômeurs ? 
Selon Le Monde :  "La ministre veut aussi remodeler la notion d’« offre raisonnable » d’emploi, qu’un demandeur d’emploi ne peut refuser plus d’une fois sous peine d’être radié pour deux mois. L’« offre raisonnable » est déjà définie très précisément dans le code du travail. Dans les faits, cette loi, adoptée en 2008, n’est quasi pas appliquée, puisqu’en 2013 77 chômeurs ont été radiés pour ce motif, soit 0,01 % des 544 000 radiations totales. Muriel Pénicaud veut la rendre « pleinement applicable », dans un contexte de reprise où certaines entreprises ont des difficultés à recruter
Nous y voila ! Outre que les radiations temporaires ou définitives permettront d'améliorer les statistiques, il est question de fournir de la main d’œuvre à des entreprises ayant des "difficultés à recruter". 
De quels secteurs parle t-on ? de quels types de contrat ? de contrats de quelle durée ? 
S'ils s'agit de secteurs de pointe, il est évident que le temps nécessaire pour former les chômeurs ne permettra pas une embauche rapide. Pour tous les autres, ne paye t-on pas le fait que depuis des années les entreprises ont négligé voir abandonné toute politique de formation interne ? Aujourd'hui, on veut recruter exclusivement des gens bien formés et immédiatement opérationnels ! Ce que confirmait Le Figaro commentant une étude INSEE : "L'absence de main-d'œuvre compétente est le premier frein à l'embauche" En résumé, la formation que les entreprises n'assument plus assez ou plus du tout, c'est à l'Etat de s'en occuper puisque pour l'instant, les entreprises se pillent entre elles le personnel compétent. 
On est en droit de s'interroger aussi sur le niveau des salaires et les conditions de travail de certains secteurs d'activité qui peinent à recruter. Premier à se plaindre périodiquement, l'hôtellerie et la restauration. 
La lecture du billet d'un professionnel sur le site BlogResto apporte un certain nombre de réponses Extraits : "Pour la majorité des salariés (63 %), si les entreprises du secteur ont du mal à recruter, c'est parce que les salaires sont trop faibles .... les heures supplémentaires non payées (51 %) ... Pour preuve, je corrigeais les BTS à Toulouse, il y a 4 ans maintenant. Un des professeurs me confiait que dans certaines sections il y avait jusqu’à 50% d’abandon 3 ans après l’obtention du diplôme ...
Que dire des services à la personne qui seraient un "gisement" d'emplois non pourvus, pourquoi ne trouvent-elles pas de candidats ? 
 La République du Centre nous en donne quelques raisons dans un article de février 2018 : "seuls 10 % des salariés à domicile travaillent à temps complet. Du coup, sur un an, leur rémunération médiane est de 6.130 €/an ..." 
Quant aux CDD d'une durée de moins d'un mois, ils pullulent sur les sites d'emploi et ne peuvent en aucun cas sortir quelqu'un du chômage.  J'invite d'ailleurs les économistes et politiques qui prétendent le contraire à les occuper avant de les promouvoir.
C'est donc pour pallier aux demandes d'un certain nombre de ces "métiers en tension" précaires ou mal rémunérés que le gouvernement a décidé de recruter des "équipes chargées de vérifier que les demandeurs d’emploi cherchent activement du travail" celle-ci : "seront portées de 200 à 600 agents d’ici à la fin de l’année". Source Reuters  Equipes qui pourront, en cas de refus, radier temporairement les chômeurs.
Provocation, cynisme ou totale méconnaissance du monde du travail ? En ce qui concerne la logique actuelle du gouvernement, on serait tenté de dire les trois mon capitaine. Car, le nombre de vrais tricheurs est marginal. Selon Pôle emploi, cela représente seulement 0,4% des cas"  
Suivant votre logique, doit-on, Monsieur le Président, mesdames et messieurs du gouvernement et élus de la nation tous vous brocarder pour les malversations de certains des vôtres ? 
Le chômage est un traumatisme que j'ai connu et dont on met, en fonction de sa durée, plus ou moins longtemps à se remettre. Ajouter l'humiliation de contrôles à celle de la difficulté de trouver un nouvel emploi est purement scandaleux lorsqu'on connaît le manque de conseillers dédiés à la recherche d'emploi chez Pôle Emploi. 
Néanmoins, ce durcissement vis à vis des chômeurs n'est semble t-il qu'une étape avant le "big bang" de l'emploi. Rappelez-vous ce qu' écrivait Jacques Attali qui fut un des mentors de notre Président : "Le statut de demain, c’est celui d’intermittent du spectacle". Il n'est donc pas surprenant que vendredi dernier Le Monde évoquait l'une des pistes du gouvernement sur l'avenir de L'UNEDIC : "l'une des pistes à l'étude consistait à instaurer un système assez proche de celui qui prévaut pour le régime des intermittents du spectacle." De quoi permettre au gouvernement de revendiquer à terme le plein emploi grâce à une précarité totale ...
Illustration : Charb

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