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Mai 68 - Mai 2018 (14 et fin). Révolution et résurrection. Le dialogue des civilisations

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit
SUITE DE : http://rogergaraudy.blogspot.fr/2018/03/mai-68-mai-2018-13-du-dogmatisme-la-foi.html

Mai 68 - Mai 2018 (14 et fin). Révolution et résurrection. Le dialogue des civilisations

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En disant ces choses, je suis passé, spontanément, à la première personne, car j'ai vécu cela, et n'en fais point d'excuse. Ce passé est le mien, et je n'en rougis pas. Car si j'ai pu apprendre à changer, c'est parce que je suis passé par ce chemin-là. J'ai connu l'apparente plénitude du dogmatisme. Puis le doute, non comme détachement, mais comme angoisse et comme responsabilité. Le tournant des rêves. Puis la traversée du désert, de ces déserts spirituels où l'on rencontre si peu d'explorateurs ou de nomades pour vous aider à ouvrir des pistes. Je ne serais pas ce que je suis si je n'avais pas été ce que je fus.

Si j'avais été un sceptique, je n'aurais jamais su ce qu'est la foi. Il faut avoir su ce qu'est une certitude sur laquelle on mise la totalité de sa vie, pour s'élever à des fins plus hautes, mais qui exigent toujours le même enjeu de la vie et de la mort. La foi est à ce prix. Il faut que cela soit clair : la foi, ce n'est pas le contraire de la raison; la foi, c'est le moment critique de la raison. Le moment où la raison prend conscience de ses postulats. Le moment où elle se rend capable de remettre en question ses postulats et ses fins. La foi, c'est l'expérience critique de toute fin limitée. Elle aussi est négation de la négation. Négation des limites de l'homme. Et comment pourrait-on connaître la limite sans pressentir au moins qu'au-delà autre chose commence ? Pourquoi les partis, les savoirs, les Églises n'apportent-ils pas au monde ce dont il crie obscurément le besoin : un centre, un but, une foi ? Notre tâche est alors de confronter toutes les institutions à leurs fins : les nations comme les armées, les sciences comme l'école, les Églises comme les partis. Quand la foi baisse, pullulent les superstitions et les idolâtries. Les uns prêchent le retour à l'Église non par amour de Dieu mais par peur du peuple. D'autres adhèrent à un parti pour déléguer à un élu ou à un chef le choix d'une utopie ou d'un ordre. D'autres encore veulent se persuader que la science peut répondre à tous leurs problèmes pour n'avoir à en poser aucun. L'erreur de base de toutes ces attitudes, du scientisme à la technocratie, du théisme à l'athéisme, de l'intégrisme à la « théologie de la mort de Dieu », c'est de croire que nous pouvons retrouver la plénitude de l'homme et sa transcendance sans rompre avec notre culture occidentale. Car si notre monde, aujourd'hui, n'a plus de centre, des peuples et des âges en eurent un. Il ne leur était pas donné du dehors ou d'en haut. Des hommes l'avaient désigné. Des hommes l'avaient construit. Des hommes l'avaient atteint. Ces hommes, à notre insu, vivent encore dans nos vies. Il importe que nous les sentions tous consciemment là, présents autour de nous. Non pas pour nous regarder ou pour être nos juges, mais pour nous aider, pour nous aider à ne pas refaire inutilement un chemin qu'ils ont déjà parcouru. Le passé n'a de sens que vivant. Le vrai passé n'est pas ce qui n'est plus. Il est ce qui conserve un sens pour nos vies d'aujourd'hui. L'avenir n'est pas ce qui va arriver. Il est ce que nous ferons. Le vrai futur n'est pas ce qui n'existe pas encore. Il est présent dans le présent. Entre des conservateurs avec un faux passé, celui qui justifie le présent, et des révolutionnaires avec un faux avenir, celui qui prolonge ou inverse le présent mais ne se définit qu'à partir de lui, le malheur de notre jeunesse est d'être ainsi privée de mémoire et d'espérance. Un présent qui porte en lui toutes les créations du passé et tout l'avenir à créer, ce présent-là est un autre nom de l'éternité. Il ne s'agit donc pas de faire un musée imaginaire des religions et des révolutions, ni même d'en écrire l'histoire comme on écrit celle des morts. Il s'agit d'évoquer les hommes et les peuples qui ont révélé des possibilités nouvelles aux hommes et aux peuples. D'évoquer les religions et les révolutions par ceux-là seulement qui en furent les prophètes et les martyrs. Dans cette perspective, il n'y a pas d'histoire séparée des religions et des révolutions. Apôtres et révolutionnaires sont indiscernables dans cette unique aventure humaine. Les hommes n'ont qu'une histoire, défrichée à coups d'audaces, de folies et de sacrifices. La seule que nous ayons le désir d'exalter, l'histoire des conquêtes du génie humain. La seule qui vaille la peine d'être continuée, d'être vécue. Vivre, pour l'homme, c'est amener à l'existence des possibles inédits. Ceux qui le feront plus humain, c'està- dire plus semblable au rêve millénaire des dieux. Révolution ou résurrection ? Est-ce bien sûr qu'elles s'opposent ou même se distinguent ? A condition de ne pas confondre résurrection avec réanimation de cadavre et révolution avec changement de pouvoir. Nous cherchons une alternative à notre modèle occidental de croissance aveugle, et nous voulons découvrir une manière plus riche de vivre. Nous avons besoin pour cela de redécouvrir les choix qui ont été faits dans d'autres civilisations et dans d'autres cultures, sur d'autres continents et par d'autres peuples, qui ont conçu et vécu d'autres rapports entre l'homme et la nature, entre l'homme et l'homme, entre l'homme et le divin. Nous avons besoin de toutes leurs sagesses et de toutes leurs révoltes. Nous avons besoin d'eux pour nous rappeler que l'autre homme c'est ce qui me manque pour être pleinement humain. Il faut réveiller les uns de l'anesthésie des dogmes religieux, les autres de la nostalgie de révolutions devenues des volcans éteints. Roger Garaudy, Extrait de l' Appel aux vivants. Suite et fin. Pages 23 à 65
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