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Alack Sinner, flic ou Privé - la chronique enquêtrice

Publié le 29 mars 2018 par 7bd @7BD
Couverture Alack Sinner flic ou Privé de Munoz et Sampayo chez Casterman Série : Alack Sinner Titre : Flic ou Privé Auteurs : Carlos Sampayo (scénario), José Munoz (dessin) Éditeur : Casterman Collection : A Suivre Année : 1983 Pages : 172 Résumé : Alack Sinner débarque dans le « Bar à Joe ». Un journal, une cigarette et le juke-box pour passer « Sherryl Blues » de Charlie Parker. Et puis l'alcool aussi. Le soir arrive. Alack est toujours là, commandant à boire pour cuver de la journée. Joe, le gars du bar, le rejoint et les deux hommes commencent à bavarder. Alack raconte comment c'était du temps où il était dans la police... Et comment c'est maintenant qu'il n'y est plus. Mon avis : Alack Sinner est l'archétype même du privé ! Fermé, gardant ses distances avec le monde extérieur, s'exprimant le plus souvent par une voix off assez ironique. Mais doté d'un cœur gros comme ça et qui s'attache assez vite aux paumés comme lui. La différence principale étant que les autres paumés n'ont pas le recul d'Alack pour anticiper ce qui les attend. Ce recueil constitue le premier opus de ses aventures parues chez A Suivre en 1983. Mais les toutes premières enquêtes du détective démarrent quelques années plus tôt, en 1977, avec une histoire qui sera rebaptisée « Viet Blues » pour être réédité chez A Suivre en 1986. Revenons à « Flic ou Privé », BD composée de plusieurs récits. Sept au total. Des récits qui s'enchaînent, parfois liés entre eux et parfois non. Avec des personnages revenant d'une histoire à l'autre, ou pas... Enquêtes policières, déambulations et rencontres hasardeuses, disputes de voisinage... Au fond, il s'agit toujours d'errer dans les quartiers interlopes de la grande ville, entre des voyous hyper-violents et une police corrompue. Tout ce beau monde ayant la gâchette facile. Un peu trop même...
Tout amateur de polar avancera en terrain connu et tout néophyte prendra plaisir à découvrir les codes de ce genre maniés à merveille par Carlos Sampayo. Mais alors, me direz-vous, pourquoi la magie opère et pourquoi passerait-on du temps à lire Alack Sinner au lieu d'un bon Sam Spade ou d'un sempiternel épisode de Mike Hammer ? Tout d'abord, ces histoires d'une trempe classique proposent des aventures pour le moins originales. Et Ensuite, pour le style inimitable de José Munoz, bien sûr ! 
Page de Alack Sinner flic ou Privé de Munoz et Sampayo chez Casterman  Parce que c'est beau... La BD est en noir et blanc, sauf la couverture. Mais le jeu de couleurs utilisé pour cette couverture laisse imaginer la beauté différente mais tout aussi envoutante que la couleur pourrait apporter à ces histoires. Je ne rentrerai pas dans l'éternel débat du noir et blanc contre la couleur pour des histoires comme celle-ci ou pour des Corto Maltese car ce sujet présente, dans notre cas, peu d'intérêt ou alors mériterait un article à part entière. Ce qui en présente bien plus, à mon avis, ce sont les dessins en eux-même et l'utilisation du noir et blanc. La deuxième histoire de ce volume, « l'Affaire Webster », n'est pas sans rappeler le Hugo Pratt des débuts. Dessins réalistes mais fort contrastés où le noir prend une place prédominante. Et puis ce style de visage, non, y a pas à dire, on sent l'influence de Pratt chez Munoz. Mais les autres récits, eux, semblent d'époque plus tardive (là, c'est mon interprétation personnelle, rien de fondé) et ont su s'affranchir de cette patte. Munoz a trouvé sa manière de dessiner, de s'approprier non plus les visages mais bien les gueules qui traversent de part en part, de page en page, et même de case en case ses récits. Avec toujours ce jeu fort de la place du noir dans son noir et blanc. Le noir de certains endroits effaçant les contours des personnages vêtus de noir. Qui deviennent alors ombres et dont certaines parties émergent de l'obscurité dans un blanc éclatant. Mais à côté de ce qu'on ne voit pas et qu'on devine, il y a ce qu'on ne peut pas ne pas voir, la galerie de caractères des passants. Je pourrais presque dire que cette BD est une foire à Freaks, tant les figurants, les silhouettes, mot prenant pleinement son sens dans notre cas, prennent corps et sortent complètement des canaux standards des archétypes des passants se fondant dans la masse. En fait, le seul qui peut se fondre dans la masse, c'est Alack Sinner. Tous les autres ont des visages biscornus, éraflés, des proportions tranchées, grosses, maigrichonnes... Disproportionnées. Un véritable palais des gueules cassées de second plan. Et un régal pour les yeux ! Les dix premières pages sont muettes et nous suivons Alack dans son bar préféré. Où le noir est magnifiquement utilisé. Les cases s'équilibrent dans la planche et Alack, de noir vêtu, se perd dans l'ombre d'un coin du bar, ressassant sa vie. Sur la musique de Lou Reed et de Charlie Parker. Musique présente tout au long de l'album, prenant une importance plus ou moins grande. A la radio, au juke-box, dans la rue... Le son prend corps, confirmé par la couverture. Dans le récit « Constancio et Manolo », un voyage graphique nous est offert dans les cauchemars de Constancio, vieil émigré espagnol. Ce vieil homme revoit ses souvenirs, interprète le présent et semble hanté par la guerre d'Espagne, incarné à jamais par les personnages de Picasso issu du tableau Guernica. Pour ces curieux passages, Munoz change de style et le gris s'installe, un gris crayonné, terreux, heurtant ce noir si pur et se noyant dedans ou le tranchant comme la nuit. Non, vraiment, j'ai découvert cette BD avec un immense plaisir. Et cela grâce à Benoît Peeters qui, cette année, au CNAM, une fois par mois, donne des conférences accessibles gratuitement sur le thème « Pour une histoire de la BD ». Lors de la rencontre consacrée au roman graphique, Munoz et Sampayo ont été évoqués (mais pas qu'eux). Un tour chez mon libraire d'occaz' et hop, j'ai trouvé ce vieux tome de chez A Suivre. Et je ne peux que vous recommander fortement de lire les œuvres de ce duo argentin de choc. Zéda et Alack Sinner se croisent entre jour et nuit ! Alack Sinner, flic ou Privé - la chronique enquêtrice David
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