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Retour à Buenos Aires, de Daniel Fohr

Publié le 04 avril 2018 par Francisrichard @francisrichard
Retour à Buenos Aires, de Daniel Fohr

Tout le monde sait ce qu'est un porte-conteneurs, un navire dont on ne voit que la cargaison, des milliers de briques métalliques empilées, six mètres sur deux mètres cinquante, ce qu'on appelle une boîte de vingt pieds, posées sur une plate-forme qui semble n'avoir ni design, ni rien qui la rende intéressante, une grosse enclume qui traverse l'océan.

C'est sur un tel bâtiment que voyage le narrateur. Il n'est pas tout seul. Il est accompagné de l'Aviateur, enfin, de ce qu'il en reste, réduit en cendres, dans une urne, une bonbonnière en métal vernis, couleur bleu nuit, un modèle léger, mais résistant. L'avenir lui donnera raison d'avoir fait ce choix.

Le narrateur est bibliothécaire de son état, lecteur de Cendrars et de Conrad. Il est le seul héritier de l'Aviateur, justement, et du deux-pièces que ce dernier occupait avant d'intégrer Le Club. Il s'est embarqué à bord du porte-conteneurs pour accomplir les dernières volontés de son grand-oncle:

L'Aviateur souhaitait que ses cendres soient dispersés dans le Rio de La Plata, après une traversée Le Havre-Buenos Aires.

Le notaire lui a bien confirmé que, nonobstant le fait que son grand-oncle était pilote d'avion, la traversée ne peut s'entendre que par voie maritime: A sa connaissance, aucune compagnie aérienne ne desservait Buenos Aires depuis Le Havre. Il a précisé qu'on parlait aussi de traversée à la nage...

Le narrateur de Daniel Fohr fait le récit de ce voyage atlantique. Le lecteur monte à bord avec lui et découvre à la fois le bâtiment, qui ne ressemble à aucun autre, et ceux qui constituent son équipage, personnages auxquels, pour la plupart, il donne des surnoms pour se les rendre familiers. 

L'Aviateur était amoureux d'une jeune héritière argentine. Avant de la rejoindre dans l'autre hémisphère, il termine ses études d'ingénieur. Il échange avec elle une correspondance que le narrateur relit pendant sa traversée. Les lettres de son amoureuse ne laissent en rien présager de rupture.

Au moment d'embarquer au Havre sur Le Formose, en janvier 1924, l'Aviateur reçoit pourtant d'elle un télégramme laconique: Ai réfléchi. Histoire terminée. Ne t'aime plus. Ne souhaite plus te voir. Définitif. Il ne saura jamais pourquoi. Mais il ne l'oubliera jamais: il avait alors 25 ans, elle n'en avait que 21.

A destination le narrateur connaîtra le fin mot de l'histoire, mais, en attendant, il aura agrémenté sa narration de remarques ironiques du meilleur effet sur le lecteur, qui sera d'accord avec lui pour penser que la vie [s'arrange] toujours pour mettre sur le chemin de chacun l'occasion d'en changer le cours...

Ce qui ne veut pas dire pour autant que la saisir est la bonne chose à faire...

Francis Richard

Retour à Buenos Aires, Daniel Fohr. 224 pages, Slatkine & Cie


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