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Ces exemples montrent qu'il faut enfin une loi d’Ultime Liberté ! (Tribune dans le Huffington Post)

Publié le 12 avril 2018 par Jeanlucromero

« On meurt mal en France. »
C’est par ces cinq mots que j’introduis ma Lettre Ouverte à Brigitte Macron.
J’ai en effet voulu m’adresser à la Première dame, car déçus par le non-respect de la promesse de François Hollande et de certains parlementaires, les nombreux militants de l’ADMD que je rencontre, depuis la dernière campagne électorale, dans mes tours de France, me suggèrent souvent : « Et pourquoi vous n’essayez pas de convaincre Brigitte ? Elle a une grande influence… »
La charte de la Première dame lui confie notamment comme mission de « maintenir un lien continu d’écoute et de relation avec les acteurs de la société civile » notamment dans le domaine de la santé et dans le soutien aux personnes vulnérables a bien sûr crédibilisé ce projet d’interpellation.
Enfin, à l’image de Simone Veil, Christiane Taubira et Dominique Bertinotti, les femmes sont celles qui font, la plupart du temps, avancer les lois sociétales. La ministre de la santé ayant d’ores et déjà annoncé qu’elle ne souhaitait pas aller plus loin que les trois lois Leonetti, l’adresse à la Première dame s’est définitivement imposée à moi.
Pour la convaincre, je démontre les graves lacunes de notre législation qui souffre de neufs échecs que je vous soumets succinctement.

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Échec de l’accès universel aux soins palliatifs.
A peine 20 à 25% des mourants qui en ont besoin peuvent entrer dans une unité de soins palliatifs (USP). Pire, une véritable inégalité géographique s’est développée dans notre pays avec 40% des lits concentrés en Ile-de-France qui n’a que 18% de la population française et zéro lit d’USP en Guyane comme à Saint-Pierre-et-Miquelon…
Seuls deux plans de soins palliatifs ont été mis en œuvre de 2005 à 2018 (2008-2012/2015-2018), soit 7 années sans plan…
Il faut rappeler que les soins palliatifs s’imposeront en 1967 en Grande-Bretagne, mais seulement en 1987 en France ! 20 ans plus tard…
Ces chiffres, tels une description à la Prévert, démontrent qu’on a beaucoup parlé des soins palliatifs depuis 13 ans, mais que les moyens n’ont jamais été à la hauteur de l’enjeu. A croire, qu’en fin de vie, nous ne sommes plus des citoyens à part entière.

Échec de la lutte contre l’acharnement thérapeutique.
Le rapport parlementaire Leonetti/Claeys de 2015 le confirme - sans en tirer de conclusions dans nos lois… -, l’obstination déraisonnable, nouvelle expression pudique pour désigner l’acharnement, se poursuit dans certaines Ehpad où on force des seniors à se soigner.  50% des chimiothérapies sont mises en œuvre dans les 15 derniers jours de la vie. De nombreux cérébrolésés comme Vincent Lambert, qui avaient dit qu’ils ne souhaitaient pas rester en vie dans ces conditions mais qui, avec le nécessité d’une mort à brève échéance, ne peuvent plus être aidés avec la dernière loi de 2016.
Enfin, les sédations terminales - 20 000/an selon Jean Leonetti (Le Figaro – 7 juin 2015) -, sont acceptables et utiles pour des personnes qui meurent rapidement, mais après deux, trois semaines d’agonie, cette pratique s’apparente à une forme d’acharnement avec son cortège d’effets secondaires, escarres, phlébites, encombrements, infections multiples, spasmes, hémorragies, convulsions…

Échec du développement des directives anticipées.
Selon l’Ined, seuls 2,5% des mourants en ont écrites, 11% des plus de 50 ans selon un sondage BVA de février 2018. Alors que la rédaction des directives anticipées fait l’unanimité chez tous ceux qui travaillent sur la fin de vie, rien n’a vraiment été fait pour les promouvoir et les médecins n’ont toujours pas un fichier national à leur disposition ou la carte vitale pour les consulter ! Et, contrairement à ce que les pouvoirs publics affirment, les médecins peuvent toujours estimer qu’elles sont manifestement inappropriées pour ne pas les appliquer. Dans ces conditions, n’est-ce pas normal que les Français ne s’en emparent pas ?

Échec de la prévention du suicide : taux élevés de suicide des seniors et des grands malades.
Avec le Japon et la Corée du Sud, nous avons un taux record de suicide au sein de l’OCDE. Et si dans ces pays ce sont surtout le suicide des jeunes, chez nous, c’est celui des personnes très âgées ou des grands malades. Imaginez, l’ensemble des suicides est de 5% chez les moins de 25 ans mais de presque 29% chez les plus de 70 ans…

Échec du législateur qui laisse la justice faire le droit.
Quand la justice est confrontée à une vraie euthanasie ou un suicide assisté, qu’il n’y a aucun doute sur la volonté de la personne qui est morte, elle acquitte toujours celles ou ceux qui l’ont aidée. Rappelons-nous l’affaire Morten Jensen, ou plus récemment, en décembre dernier, Jean Mercier, qui a été acquitté par la Cour de cassation. Mais est-ce normal de laisser la justice faire ce que devrait faire le législateur : une loi sur la fin de vie qui puisse être appliquée et enfin applicable ?

Échec de l’égalité : fuites à l’étranger.
Jamais autant de Français n’ont fui en Suisse ou en Belgique pour mourir dans la dignité. Les médias nous racontent presque chaque jour l’histoire de ces Français qui, à l’image de Anne Bert, partent à l’étranger. On en est revenu à l’époque où des femmes qui en avaient les moyens fuyaient pour avorter à l’étranger. Les autres n’avaient que les faiseuses d’anges pour avorter et certaines n’y survivaient pas. Aujourd’hui, ceux et celles qui n‘en ont pas les moyens n’ont comme seule solution que de se suicider prématurément et violemment. Seuls 15% des suicides en France le sont grâce à des médicaments ; 52% le sont par la pendaison !

Échec de la loi : les terribles dérives
Selon l’INED, 0,8% des mourants reçoivent un produit létal mais seuls 0,2% des mourants l’ont demandé. 0,6% des mourants n’ont rien demandé. Que dire de plus ? Et, les voleurs de liberté osent parler de prétendues dérives dans les pays qui ont eu le courage et l’humanité de légaliser l’euthanasie et/ou le suicide assisté…

Échec de la connaissance et application de la loi.
Selon l’ancien sénateur Daniel Raoul, une loi non appliquée ni connue au bout de 5 ans devrait être supprimée. La dernière loi Leonetti n’est qu’une nouvelle mouture de la loi de 2005. Elle revient même en arrière en limitant la sédation terminale aux personnes qui vont mourir à brève échéance… Vincent Humbert ou Vincent Lambert pourraient-ils, avec cette nouvelle condition, encore en bénéficier ? Si au bout de 13 ans, cette législation n’est pas connue, c’est que de nombreux professionnels de santé ne s’en emparent pas et qu’elle fait peur à beaucoup de Français, inquiets de la durée de certaines sédations terminales.

Échec humain : les affaires se multiplient.
Vincent Humbert, Morten Jensen, Hervé Pierra, Maïa Simon, Chantal Sébire, Nicole Boucheton, Marie Deroubaix, Docteur Bonnemaison, Anne Bert, Jean Mercier, toutes ces affaires, qui ont rythmé ces 13 années, devraient nous interroger…

Oui, on meurt mal en France.
C’est pourquoi, il faut enfin changer de logique, arrêter de médicaliser la fin de vie, mettre le mourant au centre des décisions grâce à une loi d’ultime liberté qui garantisse l’accès universel aux soins palliatifs mais aussi la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.
J’espère que Brigitte Macron m’entendra et qu’elle pourra nous aider à convaincre son mari qu’il est enfin temps que notre vieille démocratie, que le Président veut moderniser, s’élève en créant un nouveau droit, celui de mourir dans la dignité….

Jean-Luc Romero
Président de l’ADMD
Auteur de « Lettre Ouverte à Brigitte Macron - #MaMortMAppartient ! »


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