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Vouloir, pouvoir, savoir, devoir innover

Publié le 22 avril 2018 par Marianne Dekeyser @IDKIPARL

En lisant l’article de la psychosociologue Danielle Rapoport dans les Echos, »Les 3 piliers de l’alimentation« , où elle partage la nouvelle structuration  de la décision d’achat de produits alimentaires pour un consommateur, le parallèle m’a semblé évident avec les problématiques innovation rencontrées par tous les collaborateurs et managers qui reçoivent aujourd’hui l’injonction (paradoxale) d’innover.
J’assume donc totalement (avec l’accord de Danielle Rapoport) de reprendre son article et de l’adapter au contexte de l’innovation dans les organisations.

Si le « Vouloir » consommer ne se pose pas comme dimension dans l’analyse de Danielle Rapoport, tant se nourrir est un besoin vital, j’ai réintégré cette dimension-clé en innovation.

Quatre motivations de fond, parfois dissociées, parfois imbriquées, structurent aujourd’hui la capacité d’innover des collaborateurs et managers : le vouloir, le pouvoir, le savoir et le devoir d »innover.

Le « vouloir » innover relève de l’état d’esprit et de l’ « envie » de dépasser le statu quo …concrètement, le « vouloir » innover s’incarne dans une posture générative et contributive : penser que les opportunités sont à découvrir et à saisir, qu’il est possible de faire bouger les lignes.
Une petite histoire (bien connue) résume cette première motivation ou non : « C’est l’histoire d’un fabricant de chaussures qui veut se développer sur le marché africain. Il envoie deux commerciaux sur place. Un mois plus tard, ils reviennent. Le premier a vendu plusieurs milliers de paires. Il est enthousiaste, « C’est un marché exceptionnel : 80% des gens marchent pieds nus ! ». Le deuxième n’a rien vendu : « C’est un marché impossible, 80% des gens marchent pieds nus ! »

Ici, l’enjeu consiste à faire basculer les esprits réticents et leurs représentations défensives vers le vouloir innover. Or comme le disait Edwin Herbert Land « innover, ce n’est pas avoir une nouvelle idée mais arrêter d’avoir une vieille idée ». Comment arrêter d’avoir une vieille idée ? Le meilleur « exercice » introductif consiste à prendre un domaine de tous les jours (qui ne relève pas de votre activité et va servir de détour créatif).
1/ Expliquez à votre équipe que vous leur proposez un exercice d’échauffement créatif pour aborder différemment votre activité.
Toute l’équipe va inventer un nouveau concept de restaurant (prenez un exemple simple et connu de tous).
2/ Demandez-leur de lister ce que l’on s’attend à trouver dans un restaurant en termes de services, plats, équipements…Quelques réponses possibles : « des tables », « de la nourriture », « des chaises », « des serviettes »…
3/ Reprenez chaque élément de la liste et invitez l’équipe à réfléchir de la façon suivante et contrarienne :
Imaginons que nous n’ayons pas besoin de tables, quelles idées de nouveaux concepts cela permettrait d’imaginer ?
Imaginons qu’il n’y ait pas de nourriture dans un restaurant, quel nouveau concept pourrions-nous alors imaginer etc…?
Dans tous les cas, l’équipe produit (facilement) de nouveaux concepts.
Ensuite refaites l’exercice avec votre propre problématique en suivant la même déroulé.
Si à la fin de l’activité, il vous reste encore à lancer votre POC pour créer la preuve par l’exemple ; vous aurez commencé à réveiller les cerveaux récalcitrants.
Voir aussi ou relire, 5 cas d’eltrovemo

Le « pouvoir d’innover » opère souvent comme variable d’ajustement au profit d’autres projets (plus urgents) dans l’entreprise. On innovera alors soit en urgence budgétaire soit en arbitrages obligés et/ou choisis.
Ici, le « pouvoir d’innover au quotidien » doit être claironné à l’envi. Je m’excuse du terme mais oui, promouvoir l’innovation est essentiel – sous condition d’avoir cadré ce que signifie l’innovation pour l’entreprise concernée, de donner des exemples concrets d’innovation incrémentales et rupturistes, de partager des KPIs innovation appliqués sur chaque projet.
Innover, c’est maintenir ou développer son leadership de marché et assurer sa survie ; donner du « pouvoir d’innover » n’est pas une option.

Le « savoir innover » implique la connaissance des méthodes ou approches innovation que je vais appliquer selon mon contexte et ma problématique.  Ce « savoir innover » est souvent diminué par l’empilement de méthodes qui ne sont pas reliées les unes aux autres, souvent adoptées au gré des modes innovation, du buzz médiatique.
Le  » savoir innover » requiert de la part d’une organisation une vraie segmentation d’approches pour simplifier l’accès à l’innovation ; mais aussi la capacité à court-circuiter certains dogmas des méthodes innovation. Par expérience, c’est souvent le démarrage avec quelques outils-clés d’une méthode qui va créer la confiance à l’utiliser et à l’appliquer, pour ensuite monter en compétences sur l’ensemble de la méthode.

Enfin, s’ajoute le « devoir d’innover responsable ». On ne peut plus aujourd’hui raisonner en se disant qu’une méthode va générer plus d’innovation responsable qu’une autre. La responsabilité de l’innovation s’impose à toutes et tous, encore faut-il élargir cette notion de responsabilité. Bon nombre d’entreprises souhaitent adopter une démarche design thinking, qui propose une méthode de résolution de problème centré sur l’humain. Plus largement, innover aujourd’hui requiert de proposer une nouvelle « expérience humaine » (HX, Human eXperience pour aller plus loin que l’UX, User eXperience) au travers d’un nouveau service, nouveau produit, nouveau concept.
Ce « voir autrement » l’innovation induit de nouvelles questions pour juger de la pertinence, de l’évidence et de l’audace d’un concept :

1/ Est-ce que le projet, service, concept me touche ? (coeur)
2/ Y a t-il un impact positif sur la société, sur mon équipe, sur l’organisation ? (responsabilité)
3/ Ce projet, service, concept préserve-t-il la planète ? (écologie)
4/ Est-ce le bon projet, service, concept ? (intégrité)
5/ Ce projet, concept, service est-il élégant ? (Simplicité, beauté, économie de moyens comme pour pour la solution d’un problème mathématique ou scientifique, critère inspiré de Poincaré :
« Les mathématiciens attachent une grande importance à l’élégance de leurs méthodes et de leurs résultats ; ce n’est pas par pur dilettantisme. Qu’est-ce-qui nous donne, en effet, dans une solution, dans une démonstration, le sentiment d’élégance ? C’est l’harmonie des diverses parties, leur symétrie, leur heureux balancement ; c’est, en un mot, tout ce qui leur donne de l’unité. — (Henri Poincaré, Science et méthode, Flammarion, 1908, p. 25)

Image : Federica Campanaro


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