Le schéma traditionnel des rapports de force a changé. Dans le monde immatériel, les attaques frontales ont laissé place à un ennemi masqué. De même, les Etats ne sont plus les seules cibles, ce sont les sphères privées qui font les principaux objets d’attaques. Les données sont ainsi devenues une arme redoutable qui prodigue à celui qui les détient, le pouvoir. Dans le contexte d’un monde qui est entré dans une guerre invisible, la montée en puissance de chaque Etat repose sur la quantité des données stockées et où la manipulation des données personnelles promet une victoire certaine.
Les GAFAM, une nouvelle forme de colonisation cognitive ?
Cette manipulation des données est un exercice que maîtrisent les GAFAM, un acronyme qui regroupe les initiales de Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft. Il s’agit des cinq plus grandes sociétés américaines de l’économie numérique. Ces entreprises, sont à la chasse permanente des données personnelles des internautes. Quelques soient les types d’opérations faites sur le web, à partir d’un téléphone portable, d’un ordinateur ou d’un gadget smart, les données sont enregistrées et analysées, avec ou sans le consentement des utilisateurs. Chacune de ces entreprises disposent d’un grand centre de big data se nourrissant des opérations digitales : envoi de photos, commentaires, préférences, historique de recherche, localisations …etc. Les GAFAM détiennent un volume monstrueux de données personnelles de leurs utilisateurs et détiennent un dossier électronique complet sur chacun, pouvant, à tout moment, être vendu à des fins commerciales ou autres. Malheureusement, Les géants du web surveillent non seulement ce qui se passe sur le web mais également l’ensemble des données fournies par tout type de gadgets connectés. Or, Il existe des législations qui régulent ce marché de données personnelles notamment par les lois de protection des données personnelles. Pourtant, les fuites n’ont jamais cessé d’exister.
Facebook : un problème de confiance ou une manipulation des facebookiens ?
Non loin du champ de bataille, Christopher Wylie, un data analyste canadien de 28 ans, a dévoilé, le 17 mars 2018, une manipulation de données personnelles ayant pour objectif d’influencer les résultats des élections dans le monde. Une manipulation qui a déjà fait ses preuves lors du vote du Brexit ou encore de l’élection Présidentielle américaine. Christopher Wylie, a contribué à la création de Cambridge Analytica. Une entreprise qui a détourné l’usage des données personnelles et a également travaillé avec Alexander Kogan, un chercheur en psychologie à l’université de Cambridge, pour concevoir et mettre en œuvre une application se présentant sous forme d’un quiz d’évaluation du profil psychologique des utilisateurs de Facebook. De cette façon, Cambridge Analytica a siphonné les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs Facebook comprenant, non seulement, ceux qui ont complété le quizz mais aussi leurs amis.
Impliquant l’un des plus grands réseaux sociaux du monde, le scandale Cambridge Analytica a évolué vers un scandale Facebook. Une partie cachée de la guerre de données vient d’éclater et la polémique sur les données à caractère personnelles fait couler beaucoup d’encre. Facebook, dès lors, se trouve autour d’une controverse de détournement d’usage de données personnelles, avec des dégâts de grande ampleur. Bien que mises en place, les mesures de renforcement de la sécurité du réseau et les excuses de son patron sont jugées insuffisantes. Marc Zuckerberg est appelé à apporter davantage d’explications à ses utilisateurs ainsi qu’aux Etats et organes de protection de données personnelles.
Un monde immatériel où tout est encore permis
L’entreprise Britannique, Cambridge analytica, a été engagée durant les campagnes présidentielles de plusieurs pays, où elle a manipulé le cours des campagnes électorales à travers le monde. Cela a été le cas au Kenya, en 2017 ou encore au Nigeria, en 2015. Ce scandale suscite des questions à propos de l’utilisation des données ainsi que du système démocratique des deux pays. De la collecte de données à l’impact des sorts des Nations, une opération colonialiste ou volonté de provocation de séismes politiques ? Ces exemples ne sont pas des cas isolés, car Baptiste Robert, un informaticien français, a dévoilé que l’application dédiée au Premier Ministre Narendra Modi, récoltait les données personnelles de ses utilisateurs sans demander leurs autorisations. Ces données, dont les statuts de l’application assurent que celles-ci ne peuvent être partagées, sont envoyées à une société spécialisée dans l’analyse, pour être stockées puis utilisées ultérieurement. L’application est toujours disponible sur Google Play et Apple store !!
Réactions et mobilisation des utilisateurs
Se sentant trahis par Facebook, les internautes ont lancé une campagne #SupprimeFacebook (#Deletefabook) qui n’est autre qu’un appel fort pour abandonner le réseau sociale. Très vite plusieurs célébrités ont rejoint le mouvement comme Brian Acton, cofondateur de WhatsApp, qui a annoncé la suppression de son compte sur Twitter, « It is time. #DeleteFacebook ». Elon Musk a supprimé les pages Facebook de SpaceX et de Tesla. De même que la chanteuse Cher, l’acteur américain Will Ferrel, La campagne très virale et la volumétrie de l’hashtag en augmentation continue, ont démontré la volonté des utilisateurs à défendre leurs sphères privées. Mais ont-ils réellement quitté le réseau social ? Ou le besoin d’appartenance à un réseau est-il plus fort que le besoin de protection des données personnelles ?
Les limites de la RGPD
Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) est une nouvelle réglementation applicable au sein des Etats de l’Union Européenne, qui entrera en vigueur à compter du 25 mai 2018. Elle fixe le cadre général de la protection des données ; renforcer les droits des personnes ; responsabiliser les acteurs traitant des données et crédibiliser la régulation. C’est un principe très contraignant pour les géants américains du numérique. Comment peuvent-ils appliquer une loi qui s’oppose à leurs business model ? Bien que noyé dans l’affaire Cambridge analytica, Mark Zuckerberg a accepté d’appliquer cette réglementation uniquement sur le territoire des Etats membres de l’UE. En revanche pour le reste des Etats, hors UE, les données resteront non protégées. Apple rejoint Facebook sur ce point et Google et Microsoft restent silencieux. Comptent-ils sur l’addiction des utilisateurs pour continuer à croître ? L’enjeu de protection des données personnelles est-il finalement un enjeu politique ou un réel besoin de protection des données des utilisateurs du web ?
Amal Sahli
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