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Le deux millième billet, comme un cadeau

Publié le 27 avril 2018 par Francisrichard @francisrichard
Le deux millième billet, comme un cadeau

Aujourd'hui est un jour faste: ce billet est en effet le deux millième de ce blog... Et c'est comme un cadeau que je me fais pour ma constance, mon ascèse, et comme un cadeau que je fais aux nombreux lecteurs, qui, année après année, ont la gentillesse de me lire et de m'être fidèles en dépit de ce que je pense parfois et qui peut les irriter.

Quand j'ai entrepris de tenir ce blog, le 24 mai 2008, il y aura bientôt dix ans, je n'avais pas d'autre ambition que d'écrire sur tout et sur rien, en toute liberté Je n'imaginais pas le moins du monde que j'écrirais autant: j'espère que je n'y ai pas écrit (et n'y écrirai pas) trop de bêtises, emporté que je suis, par moments, par mon clavier...

Ce blog était destiné en priorité à mes deux fils: je souhaitais qu'ils me connaissent mieux à travers mes réflexions sur l'action et l'âme humaines, sur les arts et lettres, sur la foi et la raison. J'ai toujours regretté de ne pas m'être entretenu autant que je l'aurais voulu avec mon père, modèle pour moi d'intelligence, de persévérance et de sagesse.

Chez mon père j'admirais la réussite spectaculaire d'un quasi autodidacte - il avait le certificat d'études et avait appris un peu de comptabilité chez Pigier... J'admirais plus particulièrement l'ouverture d'esprit de cet homme généreux, aux convictions néanmoins fortes et tranchées. Et puis il aimait les belles éditions de livres classiques...

Ce blog était destiné aussi à pallier ma mémoire défaillante: ce serait une manière de blog-notes. Car, quand vous lisez des centaines de livres par an, de tous genres et de tous styles, il vous est bien difficile de vous souvenir de tout ce que vous avez lu. J'avais besoin de repères pour déclencher ou, plutôt, pour exciter ma mémoire.

Depuis l'âge de raison j'écris, par éclipses. Simone de Beauvoir disait qu'un jour sans écrire avait pour elle un goût de cendres. Je n'en suis pas là, mais il est vrai que je comprends toujours davantage pourquoi Jacques Laurent parlait de la béquille de l'écriture. Elle me devient de plus en plus nécessaire pour marcher dans la vie.

Ce 27 avril coïncide avec l'anniversaire du décret d'abolition de l'esclavage en France, en 1848, aboutissement du combat inspiré essentiellement par des libéraux au nombre desquels Frédéric Bastiat, Victor Hugo, Tocqueville, Montalembert et surtout Victor Schoelcher, comme le rappelle Jacques de Guénin, dans Logique du libéralisme.

Cette date m'est donc chère parce qu'elle symbolise à mes yeux la seule égalité qui vaille, l'égalité en droit, qui, selon moi, découle de l'égalité devant Dieu. Cette date m'est chère aussi pour des raisons personnelles que je ne développerai pas, mais qui sont une illustration de ce que chante Daniel Balavoine: aimer est plus fort qu'être aimé...

Le millième billet de ce blog a été publié le 31 décembre 2013, soit cinq ans et sept mois après le début. Cette fois il ne se sera écoulé que quatre ans et quatre mois avant que ne paraisse le deux millième. Mon rythme s'accélère en proportion de l'intensité de travail que je fournis à l'entreprise qui m'emploie: ce doit être de la compensation.

Cette accélération me fait penser à mon âge et à ce que disait Alexis Carrel pour expliquer ce qu'il entendait par temps physiologiquequ'il ne fallait pas confondre selon lui avec le temps physique. Il employait une métaphore qui est, pour le coup, la seule chose que j'aie retenue de ma lecture assez lointaine de L'homme, cet inconnu:

Le temps physique glisse à une vitesse uniforme, tandis que notre vitesse propre diminue sans cesse. Il est comme un grand fleuve qui coule dans la plaine. A l'aube de sa journée, l'homme marche allègrement le long de la rive. Et les eaux lui semblent paresseuses. Mais elles accélèrent peu à peu leur cours. Vers midi, elles ne se laissent plus dépasser par l'homme. Quand la nuit approche, elles augmentent encore la vitesse. Et l'homme s'arrête pour toujours, tandis que le fleuve continue inexorablement sa route...

Il est possible que je veuille augmenter ma vitesse propre pour ne pas me laisser dépasser par le temps physique. Peut-être est-ce pourquoi je brûle mes nuits par les deux bouts, en me couchant tard et en me levant tôt, en lisant et en écrivant, ce que ne me reprocherait certainement pas Julien Gracq, s'il était toujours de ce monde...

Quand je cesse de lire, j'écris donc, tentant toujours de tirer le meilleur de ce que je lis, me conformant au précepte de vie du sceptique Montaigne: Si la vie est un passage, sur ce passage au moins semons des fleurs. Quand je cesse d'écrire, l'indécrottable citadin que je suis ne peut s'empêcher pour autant d'aller aux pâquerettes...

Francis Richard


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