Les Hollandais à Paris, Le Petit Palais, 6 Février – 13 Mai 2018
Entre 1789 et 1914, plus d’un millier d’artistes néerlandais séjournent à Paris, qui s’impose alors comme le creuset de la modernité. Certains s’y installet définitivement, comme Ary Scheffer, d’autres y passent quelques années décisives, c’est le cas de Vincent Van Gogh. Le Petit Palais explore en 115 oeuvres les fructueux échanges que ces peintres ont tissé avec les artistes installés dans la capitale, au travers cette exposition, contribuant ainsi au climat d’émulation hors normes qui régnait alors, organisée en collaboration avec le Van Gogh Museum d’Amsterdam et RKD (Institut néerlandais d’histoire de l’art e La Haye).
Parmi les peintes sélectionnés, certains sont bien connus du grand public : Kees van Dongen ou Piet Mondrian, bien que méconnus du point de vue de l’histoire d’art. Sont exposés également des artistes peu ou pas connus en France, comme Jacob Maris qui a peint à Barbizon, ou George Hendrik Breitner, une icône aux Pays-Bas, Frederik Hendrik Kaemmerer, en revanche, étant une vraie découverte car il a été complètement oublié après sa mort. Dans le sillage des récentes expositions consacrées à Georges Desvallières, Albert Besnard ou Anders Zorn, le Petit Palais poursuit sa redécouverte des artistes du XIXe siècle. L’angle inédit choisi ici permet d’associer chaque peintre hollandais à un thème, le parcours débutant ainsi autour de Gérard Spaendonck et de la peinture florale et ensuite le romantisme, le paysage, le marché de l’art ou l’avant-garde. Le parcours s’achève sur les premières toiles cubistes de Piet Mondrian. Exposées en contrepoint, les toiles de David, Corot, Monet, Signac ou Braque démontrent combien les influences ont été fortes, certains diront mutuelles, mais de mon point de vue, et sans chauvinisme de ma part, plutôt objectivement à même de démontrer la forte influence de la peinture française à cette époque, sur un créneau large allant du XIXe au début du XXe, de Picasso à Van Gogh. Paris s’impose comme la capitale des arts ; là où, pour le peintre Gerard Bilders, « brûle le flambeau de l’art moderne ». La part belle est faite également à Jongkind, Edouard Manet le qualifiant de « père du paysage moderne ». Reconnu comme l’un des pionniers de l’impressionnisme, l’artiste a passé l’essentiel de sa vie en France, où la liberté de sa touche et sa capacité à saisir les changements de lumière et d’atmosphère lui ont valu succès et estime. Il a énormément peint la capitale en travaux, des années 1850 à 1880, sous forme d’instantanés, dévoilant des artères pré-haussmaniennes parfois disparues.
Jongkind a longtemps vécu dans des quartiers particulièrement pourvus en cafés et brasseries où il pouvait étancher sa soif. Mais si ses établissements eurent autant de succès au XIXe, c’est aussi parce qu’ils constituaient des lieux de sociabilité de premier plan. Les artistes eurent tôt de fait d’établir leurs quartiers généraux dans les cafés, que ce soit à la Brasserie Andler (l’un des berceaux du réalisme), au Divan Le Peletier, au Café Guerbois ou à La Nouvelle Athènes (le rendez-vous des impressionnistes)… En Normandie, c’est notamment à la Ferme Saint-Siméon, une auberge conviviale située sur les hauteurs de Honfleur, que Jongkind put nouer de belles amitiés avec Camille Corot, Eugène Boudon ou Claude Monet. Van Gogh est un homme écorché par la vie et ébranlé par sa foi, lorsqu’il s’intalle durant l’hiver 1866 à Paris, une « serre chaude d’idées ». Le séjour ne dure que deux ans, mais ce quasi-autodidacte, quant à lui, va évoluer de manière radicale au contact des artistes d’avant-garde, élaborant alors le style singulier qui fit sa notoriété. Très tôt remarqué en Hollande, Kaemmerer se rend à Paris dès 1865 à l’invitation de l’influente maison Goupil & Cie ; il sera le seul artiste néerlandais de sa génération à s’y installer déinfitivement. Réputé pour ses scènes mondaines, il reste néanmoins proche de ses amis de l’école de La Haye et contribue aux échanges entre France et Hollande. De Van Dongen l’on connaît surtout les portraits mondains, emblématiques des Années folles. Mais l’artiste que l’on découvre ici est un jeune anarchiste, aussi attaché à décrire le quotidien du peuple que la trépidante vie nocturne de la capitale. Son usage instinctif de la couleur en fera l’un des artificiers du fauvisme. Si dans la seconde moitié du XIXe siècle les cabarets et autres lieux de plaisirs nocturnes s’ouvrent dans les grandes villes d’Europe comme Amsterdam, ils connaissent à Paris un essor sidérant.