Nous sommes dans les années 60 en France et France Télévisions décide alors de nous offrir une petite série d’époque sur les coulisses de l’ORTF et de sa célèbre speakerine Christine Beauval. C’est Marie Gillain (Souviens toi, Toutes nos envies) qui hérite du rôle titre dans lequel elle s’en sort plutôt bien. Créée par José Caltagione (Fiertés) et Nicole Jamet (Section de recherches, Alice Nevers), la série nous plonge alors dans un univers que l’on n’exploite pas trop à la télévision en France. Avec une écriture soignée et des décors travaillés, Speakerine parvient à trouver une façon de ne pas tomber dans les pièges faciles d’une série française classique. Il faut dire qu’ils ont misé sur le bon cheval en donnant les reines de la série à Marie Gillain. Cette dernière parvient à nous offrir quelque chose de très réussi, notamment avec à ses côtés Guillaume de Tonquédec (Fais pas ci, fais pas ça) qui lui aussi séduit dans son rôle d’acolyte parfait. Tout le monde n’a pas connu les Speakerine, moi le premier et je trouve que c’est une série suffisamment intelligente pour savoir comment nous parler de ce monde assez unique en son genre. Au travers de ces six épisodes, nous suivons des aventures qui permettent de donner le ton de l’époque au travers des messages politisés qui sont égrainés dans la série sans fausses notes.
1962, dans les studios de la RTF, la célèbre speakerine Christine Beauval, tantôt adulée, tantôt décriée, est persécutée depuis peu par un mystérieux inconnu. Véritable icône du petit écran jusqu'alors protégée, symbole de l’évolution de la femme dans la société de l'époque, Christine doit faire face à une violence à laquelle elle n’était pas préparée. Entre luttes, trahisons et jeux politiques, rien ne lui sera épargné dans ce monde de la télévision instrumentalisé par le pouvoir.
La série se veut donc très sociale avec des sujets qui permettent de parler des débuts de la liberté. Nous sommes dans la France d’avant mai 68 et en pleine époque de l’émancipation de la femme. C’est donc une occasion en or que de raconter une aventure originale dans un monde que la France n’aime pas trop traiter. Très peu de fictions parlent de la télévision dans les années 60 (et je dirais que je ne m’en souviens d’aucune). Speakerine n’est pas Mad Men et n’a pas non plus les mêmes qualités mais disons qu’il y a différentes strates dans cette série qui parviennent à développer d’autres éléments. Notamment l’intrigue policière dont Speakerine aurait légèrement pu se passer. Disons que cela alourdi par moment un peu trop le propos alors que je m’attendais sûrement à un truc légèrement différent. Le côté coulisse de la série et rapport au pouvoir est donc beaucoup plus intéressant que le reste, probablement car c’est là qu’est l’originalité de Speakerine. On ne va pas regarder cette série pour son intrigue policière car on est abreuvés d’intrigues policières constamment sur le petit écran français. Mais plutôt sur la façon dont Speakerine traite de ce métier qui a complètement disparu.
Pour son rôle, Marie Gillain s’est inspirée de Denis Fabre et Catherine Langeais, deux personnalités qui ont marqué la télévision française. Je dirais qu’elle a bien fait car son rôle est incarné à la perfection et parvient à donner le ton de la série comme je ne l’aurais probablement pas imaginé au départ. La façon dont le personnage permet de parler de l’émancipation de la femme change de ce que l’on a pour habitude de voir. Les années 60 en France sont tout aussi intéressantes de ce point de vue là que pour mai 68 (qui n’est pas traité dans Speakerine). L’autre avantage de Speakerine est son format. Avec seulement six épisodes, elle ne perd jamais de temps sur des éléments narratifs ennuyeux et parvient donc à rythmer l’ensemble de façon intelligente sans fausses notes. Si j’aurais probablement aimé que l’on donne plus de place à la télévision et ses coulisses. Cette série à laquelle je ne l’attendais pas débarque donc dans un paysage sériel français qui prouve qu’il est inspiré ces derniers temps. Nous sommes en plus de ça sous De Gaulle, ce qui permet de grignoter des sujets politiques intéressants qui changent des sempiternels trucs que l’on a déjà mâché et remâché sous Mitterand ou Chirac dans d’autres séries d’époque.
Reste cependant quelques erreurs qui ne permettent pas toujours de se plonger aussi facilement dans cet univers qu’on pourrait le souhaiter. Le thème est porteur mais les sujets sont parfois balayés dans un labyrinthe de texte qui n’ont pas tous le même impact. Ou en tout cas l’impact que l’on pourrait souhaiter. Avec plein d’intrigues en tout genre, la série peut donc partir dans tous les sens et c’est justement là où le bas blesse. Mais je garde tout de même une bonne impression de cette saison, malgré quelques défauts pour un genre que la France ne maîtrise pas toujours. On a au moins le mérite ici de proposer quelque chose de propre et joli d’un point de vue visuel, avec un scénario suffisamment passionnant pour tenir du début à la fin. Cela me rappelle par moment un peu plus ces fictions canadiennes et britanniques d’époque qu’une fiction à grand budget comme Mad Men. Mais là n’était probablement pas le but, de ressembler à ce que l’on a déjà vu fleurir ailleurs.
Note : 6/10. En bref, une agréable petite série sans grandes prétentions qui nous plonge dans la France des années 60 à sa façon.