Le carnet de terrain du jour est consacré à une rencontre inoubliable avec un mystérieux habitant des forêts jurassiennes: le chat forestier (felis silvestris).
Cette belle soirée de mai était propice pour aller se perdre quelques heures dans la nature. Après avoir longuement tergiversé sur le lieu de la sortie, j’ai finalement choisi d’aller affûter un pâturage boisé des crêtes du Val-de-Travers. En chemin, je me demandais si j’aurais la chance d’y apercevoir un renard en chasse, une hermine vagabonde ou un chevreuil. Arrivé sur place vers 17h, je m’installe dans une anfractuosité et commence à patienter en me laissant bercer par le chant enjoué des mésanges huppées. Le vent est bon et la lumière agréable. Il ne reste plus qu’à espérer qu’un habitant des bois décide de venir jusqu’à moi.
L’approche féline et gracieuse du chat forestier.
La visite du renard
Après une demi-heure d’attente, un splendide renard roux fait son apparition du nord du pâturage. Concentré, la truffe collée au sol, il s’approche sans me remarquer grâce à un vent parfaitement orienté. Un second congénère se joint à lui après quelques minutes. Les deux goupils se regardent brièvement avant de reprendre leur quête de campagnol. Il y a surement de jeunes estomacs à nourrir dans un terrier bien dissimulé dans la forêt… Les renards ont chassé durant près d’une heure, me gratifiant de plusieurs passage à proximité de l’affût. Je vous présenterai quelques images de ce moment magique dans un prochain carnet de terrain.
Maitre Renard sort du bois, entre ombre et lumière.
Et soudain, un fantôme surgit
Concentré sur les renards, je n’avais pas prêté attention à l’arrivée discrète dans le champ d’un autre prédateur. D’habitude insaisissable, le chat forestier (felis silvestris) se tenait là, fier et droit, à une petite centaine de mètres de moi. N’osant plus bouger une oreille j’ai passé de longues minutes à détailler la robe brune tachetée du petit félin. Une bande dorsale noire unique, une queue cylindrique et touffue parcourue d’anneaux noirs, deux raies noires sur les joues: tout semblait coller. Le chat approche encore dans ma direction. Il s’arrête à environ cinquante mètres. Ses yeux jaunes-verdâtres et sa truffe rose cerclée d’un liseré noir m’enlèvent les derniers doutes: il s’agit bien d’un chat forestier. Je déclenche prudemment une première fois. Aucune réaction; le vent de face relativement puissant et la housse anti-bruit sont vraiment de précieux alliés ce soir.
Sorti de la forêt tel un fantôme, le chat forestier est apparu comme par enchantement dans le pâturage boisé.
Chat forestier sachant chasser
Après quelques minutes de déambulation, le chat forestier s’allonge dans le champ et semble profiter de la douce soirée pour somnoler. Durant un long moment, il reste ainsi silencieux, sans bouger. Soudain, les yeux du petit félin s’ouvrent et son corps se tend comme un arc. En une fraction de seconde, il bondit et capture un campagnol qui émergeait de son gite souterrain. Le malheureux rongeur se retrouve alors en bien mauvaise posture, prisonnier de la puissante mâchoire féline.
Le chat décide alors de venir dans ma direction avec sa proie. En observant bien, je remarque que le campagnol n’a pas été tué par l’attaque. Le rongeur se débat comme un beau diable dans la gueule du chat. Il tente en vain de trouver un appui pour se libérer. Le petit félin avance encore et encore, et je croise les doigts en espérant qu’il ne me verra pas…
Plus rapide que l’éclair, le chat forestier plonge sa patte dans la galerie de campagnol pour en débusquer son propriétaire.
David contre Goliath
Arrivé à une petite dizaine de mètre de mon objectif, le chat forestier s’arrête et relâche l’emprise sur le campagnol qui tombe au sol. Groggy, le petit rongeur se dresse sur ses pattes arrières et tente de faire face … Le chat lui assène alors un violent coup de patte qui l’envoie valser. Une combat inégal débute alors entre le campagnol qui se bat pour sa vie et le chat forestier qui s’offre un instant de jeu avant de passer à table… La lutte entre David et Goliath durera cinq bonnes minutes avant que “Goli-cat” ne décide d’en finir et de se retirer dans la forêt pour aller déguster son souper.
Ce n’est qu’une fois le calme revenu que j’ai vraiment pris conscience d’avoir vécu un instant rare et privilégié. La rencontre avec le chat forestier a duré en tout et pour tout 27 minutes durant lesquelles j’ai pu réalisé une bonne centaine de clichés. Un premier coup d’œil aux images confirme qu’il y a de toutes bonnes choses sur la carte mémoire. Je reste encore là un petit quart d’heure pour savourer l’instant dans la lumière du crépuscule. Juste avant de me lever, un bruit assourdissant me fait tourner la tête: un gros sanglier qui passait derrière moi a humé mon odeur et s’est empressé de s’éclipser. Voilà de quoi clore en beauté cette incroyable soirée d’anniversaire au cœur de la nature du Val-de-Travers.
La galerie
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