Magazine Société

Le compagnon de voyage, de Gyula Krúdy

Publié le 10 mai 2018 par Francisrichard @francisrichard
Le compagnon de voyage, de Gyula Krúdy

(Mon compagnon de voyage m'indiqua le vrai nom de la ville de X... Que le lecteur me permette de ne pas le lui révéler au cours de ce récit. Il existe en Haute-Hongrie plusieurs villes de ce genre.)

Le compagnon de voyage de Gyula Krúdy a quelque quarante-quatre ans quand il arrive dans cette ville. Il a le pressentiment, et la peur, d'une catastrophe. Il n'a plus le goût des femmes et de la bonne chère...

Arrivé à X..., les choses changent pour cet étranger nommé Pál Pálfi. Coureur de jupons et amateur de bonne vie, là il s'apaise et se calme: tenté un temps par le suicide, il finit par se dire qu'il est inutile d'accélérer la marche de la mort.

Certes, comme auparavant - on ne se refait pas - il cherche les aventures à l'instar d'un commis voyageur que l'ennui accable, mais il va faire des rencontres féminines qui vont émouvoir le franc vaurien qu'il est, toujours prêt à séduire une jeune personne.

Ce séducteur est homme d'expérience: c'est un fidèle de toutes les religions ayant les pieds et les jambes pour objets de culte. Mais il n'a jamais vu de jambes pareilles à celles de la femme chez qui il se présente pour louer une chambre, comme un étudiant:

Mme Hartvig était comme une nonne qui serait née avec des jambes de putain.

Car Mme Hartvig, née Szidónia Gábriel, assise auprès de lui sur le canapé, lui cède après avoir fermé les yeux, fait un signe de croix et joint les mains: Après l'avoir quittée, j'eus beaucoup plus envie d'elle qu'au moment où j'étais à ses côtés...

C'est la sainte femme qu'il a toujours désirée depuis sa première fille de joie. Il éprouve une profonde pitié pour elle comme pour toutes les femmes qu'il a abandonnées... Mais il n'a pas pour autant de regret:

En général je n'ai jamais regretté ce que j'ai fait, en bien comme en mal. Il y a des hommes qui donnent des difficultés aux prêtres, n'ayant rien à confesser sur leur lit de mort.

En tout cas, Mme Hartvig reprend ses esprits: Ce malheur ne se reproduira plus. Elle ne lui fait pas de reproches. Il peut s'installer comme prévu. Il ne se passera plus rien entre eux. Elle lui présentera même sa petite soeur plus belle et plus jeune qu'elle...

C'est également Mme Hartvig qui lui permet, en cette période de fêtes religieuses de fin d'année de faire connaissance avec d'autres femmes: Vous verrez à la messe du dimanche toutes les beautés de la ville. Suivez-moi et, si possible, placez-vous derrière moi.

C'est ainsi que, dans l'église, les yeux du séducteur croisent ceux d'une jeune fille de quinze ans aux cheveux noirs, frangés, comme en sont coiffées les poupées,  avec entre des lèvres gonflées faites pour sucer des sucreries, un espace où il manquait une dent... 

Quand il rencontrera plus tard Eszténa - c'est son prénom -, il se souviendra qu'elle lui avait paru, dès ce prime abord, pleine d'élan, curieuse, avide de tout connaître.  Et il ne s'imaginera pas qu'homme réfléchi et calme il puisse en tomber amoureux...

En tout cas, Pál Pálvi ne sera plus le même quand il quittera la ville de X... La gent féminine de là-bas, d'il y a un siècle, en sera la cause, d'une manière que cet imaginatif n'aurait jamais cru possible. Le lecteur comprend pourquoi il n'y retourna jamais...

Francis Richard

Le compagnon de voyage, Gyula Krúdy, 152 pages, traduit du hongrois par François Gachot, La Baconnière (sortie en Suisse le 10 mai 2018, en France le 17 mai 2018)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine