En Guerre // De Stéphane Brizé. Avec Vincent Lindon et Mélanie Rover.
3 ans après La Loi du Marché, qui avait permis à Vincent Lindon d’avoir le Prix d’interprétation masculine à Cannes et aux Césars, Stéphane Brizé récidive avec le film social ici avec En Guerre, en compétition officielle à Cannes. L’une des forces de ce film est la mise en scène de Stéphane Brizé qui vient nous rapprocher toujours un peu plus des personnages en nous plongeons au coeur des manifs et des discussions en faisant en sorte que le spectateur soit inclus dans le récit (et pas l’inverse). En Guerre fait partie de ce cinéma vérité que j’attendais mais qui fait surtout froid dans le dos. Stéphane Brizé a voulu parler de Pole Emploi il y a quelques temps, et avec ce film il décidé d’adapter ce qui s’est passé avec l’usine d’AccelorMital à Florange à sa sauce. Il décide alors d’en faire un film brut, qui veut déranger et glacer le sang des spectateurs, surtout quand on voit cette fin, terrible, mais symbole de ce qui se passe dans le bassin industriel français encore aujourd’hui. Mais Stéphane Brizé peut aussi se reposer sur Vincent Lindon, véritable homme à tout faire du réalisateur qui s’impose rapidement comme l’homme de la situation et qui emporte alors le film dans une dimension particulièrement percutante.
Malgré de lourds sacrifices financiers de la part des salariés et un bénéfice record de leur entreprise, la direction de l’usine Perrin Industrie décide néanmoins la fermeture totale du site. Accord bafoué, promesses non respectées, les 1100 salariés, emmenés par leur porte‑parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale et vont tout tenter pour sauver leur emploi.
Au fil des images et des dialogues, le film devient de plus en plus percutant, se transforme presque en une sorte de thriller avec des rebondissements inattendus qui viennent alors constamment nous mettre dans des situations palpitantes. Tout cela est fait pour créer une escalade sans retour, pour mieux terrasser un spectateur choqué à la fin de ce film. Mais au delà de l’histoire, c’est aussi un récit émotionnellement riche qui fait passer son spectateur au détour de plusieurs émotions : la colère, la tristesse, la fin de tout, la joie (et les deux scènes dans ce PMU local sont nécessaires et apportent beaucoup au récit). Par moment, En Guerre ressemble à un documentaire mais pas totalement non plus. En tout cas, Stéphane Brizé cherche à raconter son histoire sans jamais tomber dans la caricature et décide alors de disséquer ce qu’il a entre les mains de façon étonnante. Le film est équilibré à merveille, équilibré entre documentaire et brûlot romanesque sur les bords. Que demander de plus, si ce n’est attendre le prochain film social de Stéphane Brizé qui est un génie du genre, un peu comme Laurent Cantet a pu l’être avec Ressources Humaines dans un registre légèrement différent.
Note : 10/10. En bref, une réussite en long et en large.