Les instances européennes ont une particularité, elles applaudissent les votes des peuples uniquement s'ils correspondent à la ligne définie par ses dirigeants. Dirigeants qui refusent de se remettre en cause et brocardent tout vote qualifié de populiste si cela devait toucher aux sacro-saints déficits publics.
L'Europe ne fait plus rêver ses citoyens c'est une certitude. Si pendant longtemps le projet européen s'est bâti sur la paix, il n'existe, aujourd'hui, plus d'idéal ni de récit pour le continent. Dans beaucoup de pays membres au nord, à l'est comme au sud, pour des raisons diverses : austérité budgétaire, maintien de modes de vie, entre soi, on assiste à des réactions électorales qui déplaisent souverainement aux autorités européennes.
Tout le monde peut contester les choix politiques des italiens faits lors des dernières élections. Personnellement, l'arrivée de la ligue du nord au gouvernement me pose un gros problème. Néanmoins, n'étant pas citoyen italien, je ne peux que déplorer un choix, même hasardeux, issu des urnes. On peut passer des heures à lire les analyses de spécialistes sur le résultat du vote italien alors que celles-ci se résument à quelques mots : populisme, mise en danger de l'Euro et de la compétitivité européenne et risque financier sur les places boursières.
Des italiens et de leurs aspirations à mieux vivre on n'en saura rien puisque cette Europe ne s'intéresse pas à ce genre de problème. L'Europe, elle, s'intéresse aux déficits budgétaires ! Que la Ligue du nord et que le Mouvement 5 étoiles soient dangereux ou peu sérieux est une certitude mais quels mouvements politiques italiens classiques proposaient autre chose que de continuer la cure austéritaire génératrice de précarité ?
Face au résultat, la seule réponse du Président de la République italienne Sergio Mattarella aura en définitive été de nommer Carlo Cottarelli dont le Figaro dresse le portrait : "... Après six ans passés dans la division chargée du secteur financier et monétaire à la Banque d'Italie, il a été un haut responsable au Fonds monétaire international (FMI) et s'est vu attribuer le surnom de «Monsieur Ciseaux» quand il a été chargé de la révision des dépenses publiques par le gouvernement d'Enrico Letta (centre gauche) en 2013. Le successeur de Letta, Matteo Renzi, l'a ensuite nommé au FMI où il a assumé les fonctions de directeur exécutif pour l'Italie, la Grèce, et Malte ...." Bien entendu, Carlo Cottarelli n'a jamais brigué de mandat électoral, même municipal.
Ce n'est pas la première fois que l'Italie connait ce genre de situation puisque en 2011, elle avait été dirigée par Mario Monti ancien commissaire européen et conseiller de la banque Goldman Sachs. Couvert de louanges par l'ensemble de chefs d'état et de gouvernement il avait mis en place une violente cure d'austérité qui s'était accompagnée d'une profonde récession. Ainsi lorsqu'il crut bon de présenter des listes aux élections générales de 2013, celles-ci reçurent une raclée mémorable.
En clair, on s'achemine vers de nouvelles élections qui pourraient bien amplifier le résultat de la Ligue du nord et du Mouvement 5 étoiles. Que fera t-on en ce cas ? On fera revoter les italiens jusqu'à ce qu'ils désignent une formation, quelle que soit son bord, mais qui s'engagera à ne remettra pas en cause les critères de déficit public fixé par l'Union européenne ?
Il n'y a plus que quelques eurobéats et les instances européennes pour croire qu'il suffit de montrer du doigt les "populistes" pour donner envie aux citoyens des 27 nations de voter pour ceux qui proposent de continuer à maintenir sous pression les peuples de l'Europe pour toujours plus de compétitivité, des salaires plus bas et une solidarité aux abonnés absents. C'est malheureux à dire mais face à un tel projet, le nombre d'électeurs populistes ne peut qu'augmenter !
Les dirigeants de l'Union européenne sont devenu les gestionnaires d'une monnaie et d'une économie de rentiers. Et lorsqu'on demande si les colossaux efforts demandés aux européens vont enfin leur permettre de voir leur situation s'améliorer, la commission européenne répond : "L’expansion devrait se poursuivre malgré l’apparition de nouveaux risques" Traduction, pas question de desserrer les cordons de la bourse. Jusqu'à quand ? Nul ne le sait !
L'affaire italienne est un symbole car elle envoie un message à tous les citoyens européens : votez, mais uniquement pour des candidats ou des formations ne remettant pas en cause les choix et les objectifs définis par la Commission européenne et les chefs d'état et de gouvernement qui y adhèrent.
l'Europe qui refuse de se réformer car, il faudrait remettre en cause les traités, est en train de faire émerger des mouvements politiques toujours plus extrêmes. Le vote italien aurait pu être pour les dirigeants de l'Union l'occasion de s'interroger sur son inaction face aux problèmes et droits sociaux, sur l'avenir des jeunes générations, sur son empathie pour tous les lobbies industriels et sa politique de libre échange qui ressemble à une passoire.
Malheureusement, Il n'en sera rien car, à Bruxelles on doit se dire qu'en fin de compte, faire voter les peuples c'est vraiment une perte de temps alors que les solutions reposent, en fin de compte, sur les fines analyses et très beaux graphiques produits quotidiennement par les spécialistes maison. La suite dans les urnes des prochaines élections européennes ...
Dernière minute : Alors que je rédigeai ce billet on apprenait que Günther Oettinger commissaire européen au Budget, dans une interview avait déclaré que : "les marchés financier allaient "apprendre aux Italiens comment voter". Même si Jean-Claude Juncker a affirmé mardi 29 mai que les marchés financiers ne sauraient dicter le vote des Italiens, désavouant des propos attribués au commissaire au Budget, le mal est fait. Décidément, mon titre évoquant la vision de carton-pâte de la démocratie par ces gens est plus que largement justifié !
Crédit et copyright image
Kroll