Réconfort
Nous sommes en deuil depuis une semaine. Mon jeune frère. En cette veille d’obsèques, la voisine de palier de ma mère, accompagnée de la sienne qui réside aussi dans l’immeuble, nous rend une visite. La famille de Bordeaux vient juste d’arriver, il est environ 20H. Elles s’attablent avec ma mère. Ma sœur et son mari s’enfuient très vite à la cuisine, mon frère aîné sur le balcon… Par souci de prestance, je reste.
Elles dialoguent, sans tenir compte de nous : elles se donnent les dernières nouvelles du cancer de la mère.
- Oui ! Ils ont trouvé un kyste au foie ?
- Ce n’est pas un kyste…
- Ah bon ? C’est une métastase alors ?
- ….
Dignes, nous écoutons… La mère explique que l’on fait maintenant des produits formidables pour compenser la perte de cheveux liée à la chimio… Elle fait l’article pendant que nous l’écoutons, stoïques.
Sautant du coq à l’âne, la fille déclare :
- Au fait, ma collègue de bureau, 10 ans avec son mari, 7 ans de mariage, 3 enfants, divorce !
Puis elles enchaînent avec une amie de 87 ans qui avait 4 enfants (comme ma mère) et a perdu les 4…
Mon beau-frère est désormais assis sur le canapé, feuilletant un magazine. Déchaînée, la fille évoque les deux Arabes qui vivaient dans l’immeuble : l’un a déménagé, l’autre dont les coups d’éclat sont connus de tous est en prison. Son ton marque sa satisfaction. Toutefois, elle se demande furtivement si elle n’a pas gaffé, elle se retourne pour vérifier. Mon beau-frère est bien tunisien…
Sentant un fou-rire irrépressible me gagner, je me réfugie à mon tour sur le balcon. Mon défunt frère à l’humour si caustique aurait adoré…
Martin Canat