En mettant son veto, le président italien précipite son pays dans une impasse et fait un déni de démocratie au nom du maintien de l’Italie dans l’Europe…
L’événement est rarissime. Le 27 mai dernier, Giuseppe Conte s’est rendu au palais du Quirinal, à Rome afin de présenter la composition de son nouveau gouvernement au président qui venait tout juste de le nommer. Mais un nom a semé la discorde : celui de l'économiste Paolo Savona, désigné comme ministre de l’Économie, qui avait notamment écrit il y a quelques années un livre sur le mode d'emploi de la sortie de l'euro en qualifiant la monnaie européenne de " prison allemande ".
Le président Mattarella a posé son veto et demandé un autre nom. Giuseppe Conte a rétorqué qu’il n’y aura pas d’autre nom en annonçant alors : « J’ai démissionné du mandat qui m’a été confié par le président Mattarella de former un gouvernement de changement ».
Le président italien se défend en expliquant qu’il protège ainsi l’avenir de l’Italie au sein de l’Union européenne. Le mouvement 5 étoiles, l’une des parties de la coalition, en colère, demande sa démission. Les journaux italiens pointent quant à eux la crise totale dans laquelle se trouve le pays car trois mois après les dernières élections, il n’y a toujours pas de gouvernement.
Une décision approuvée par l'Union européenne et la France
Le veto mis par le président italien est applaudi par la commission européenne à Bruxelles et notamment par Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l'Union douanière, qui voit en l’arrivée aux affaires de la Ligue et du mouvement antisystème Cinq Étoiles, un soutien aux eurosceptiques dans d’autres pays de l’Union, tels que les Pays Bas, la France, etc.
Un véto applaudi aussi en France par le président de la République, Emmanuel Mauron, son ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire ainsi que le porte-parole du Parti socialiste, Boris Vallaud, et tous les aficionados de l'euro, de l'Europe ultra-libérale et du transfert de souveraineté.
Pour l'Union européenne, si les Autrichiens, les Danois, les Finlandais sont économiquement des petits pays qui ont le droit d’avoir des gouvernements rebelles qui ne portent pas trop à conséquence, l’Italie doit rester dans les clous. Ces clous sont notamment l’adoration de la monnaie unique, de l’austérité pour la population et d’une immigration outrancière qui profite d'abord au patronat européen et allemand en particulier, friand de main-d'œuvre bon marché.
Vers de nouvelles élections
Le président Mattarella a demandé à Carlo Cottarelli, un ancien du FMI, de composer un nouveau gouvernement. Il s’agira sans doute d’un gouvernement de transition jusqu’à d'éventuelles nouvelles élections car on ne voit pas comment Carlo Cottarelli pourrait obtenir la majorité à la chambre des députés.
C’était à prévoir. Non seulement le gouvernement voulu par les Italiens a été rejeté, mais comble d’une certaine violence anti-sociale, le prochain gouvernement italien va être dirigé par quelqu’un représentant l’exact opposé de la décision rendue par les urnes.
Le futur président du conseil est en effet un grand tenant de la rigueur la plus extrême, un grand admirateur des banquiers centraux, un Macron bis en quelque sorte. Carlo Cottarelli est connu notamment pour avoir mené une politique d’austérité sous le gouvernement d’Enrico Letta. Les Italiens l’avaient surnommé « Monsieur Ciseaux » ou « Monsieur Austérité ».
Ce qui risque de créer une crise politique et une situation bien plus grave car les enjeux d'éventuelles nouvelles élections risquent fort d’être un référendum pur et simple sur l’adhésion à l’euro. Et cela pourrait réserver de nouvelles surprises aux dirigeants européens qui tentent d’empêcher, par des moyens peu crédibles, une coalition démocratiquement élue d’aller au pouvoir. Empêcher aussi par un président non élu au suffrage universel et dont les pouvoirs sont en principe extrêmement limités.
Luigi Di Maio et Matteo Salvini vont clairement faire campagne en prenant pour cible le président Mattarella et les électeurs qui se détournent de plus en plus des partis politiques traditionnels pourraient renforcer davantage encore le résultat des dernières élections. Comme le montre le sondage réalisé en cas de nouvelles élections, le mouvement Cinq étoiles et la Ligue gagneraient avec plus de 55% des voix, soit un gain de 10% ! Le leader de la Ligue Matteo Salvini a déclaré dans une vidéo sur Facebook que " soit Les règles de l’UE changeront ou cela n’a aucun sens pour l’Italie de rester dans l’Union européenne. "
Les européens en général et les Italiens en particulier vivent ainsi des temps tragiques. Alors que partout dans le monde, de l’Inde aux USA en passant par la Russie, la Chine, le Japon, Israël, etc., le sens de l’histoire tend vers un souverainisme intelligent, l'Europe et la France continuent seuls à croire naïvement à un mondialisme débridé.
Et quoi qu'on pense de cette coalition gouvernementale proposée par les deux partis italiens, il n'est pas normal en démocratie de ne pas tenir compte du vote des électeurs. En définitive, sous la pression de l'UE, on vient de faire à l'Italie ce qu'on a fait à la France en 2005. Alors que le peuple avait dit Non au référendum sur l'Europe, les députés et sénateurs UMP, PS et Verts, réunis en congrès, avaient tourné le dos au résultat du référendum en disant Oui au Traité de Lisbonne en 2008...
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