Article initialement paru le 29.06.2016
S’il y a bien une tendance qu’aucun gouvernement, aucune obédience politique, aucun syndicat ni aucune administration ne semble pouvoir modifier en France : l’augmentation permanente et soutenue des impôts, des prélèvements, des taxes et autres cotisations. Il y a deux ans, alors que la présidence Hollande continuait de nous pipeauter les oreilles sur l’air trop connu d’une simplification fiscale, je constatais encore une fois l’impossible renversement de tendance.
Deux ans plus tard, la « marche » de Macron au pouvoir n’y aura absolument rien changé. La fiscalité française, déjà écrasante sous Hollande, est devenue délirante. Et alors que flambent les prix de l’essence composés à plus de 70% de taxes, la question de ces taxations extravagantes revient sur le tapis d’autant que commencent à se montrer des effets de plus en plus délétères de cette ponction oppressive sans limite.
Ah, ces Français ! Jamais heureux, même lorsqu’on leur dit que c’est la reprise et que le PIB va progresser à un rythme compris entre 1,4% et 1,6% cette année ! Normalement, voilà qui devrait les mettre en joie, mais non : en dépit de cette amélioration conjoncturelle, ils sont toujours inquiets, et l’indicateur synthétique de l’INSEE sur le moral des ménages continue de flancher. Heureusement, le gouvernement a trouvé une solution réjouissante : des taxes !
Or, dans le domaine, on ne joue pas chez les amateurs. Là où, dans les autres pays, on sent le petit artisanat et le bricolage approximatif dans l’élaboration d’une taxe voire la frappe chirurgicale et méticuleuse, en France, on a largement dépassé le stade manuel et artisanal pour passer au stade industriel productiviste, avec de la taxe en grande série et du pilonnage fiscal massif, véritable carpet bombing de la ponction étatique. Bref, on sait faire.
Et quoi de mieux pour remonter le moral des ménages français qu’annoncer une nouvelle taxe, tout de go, après quelques déconvenues majeures depuis la réforme constitutionnelle jusqu’à la loi Travail en passant par l’émotion suscité par le Brexit et les rebondissements tragi-comiques de l’aéroport de cambrousse ?
Comme d’habitude à l’annonce d’une nouvelle taxe, il faut absolument faire preuve d’une absence totale de subtilité et de précision (carpet bombing, je vous le rappelle), et malgré l’annonce fanfaronnante en 2014 – il y a donc des siècles de cela – d’une pause fiscale de la part du gouvernement, Manuel Valls a annoncé la création d’une nouvelle taxe, baptisée avec poésie Taxe Spéciale d’Équipement Régional.
Cette taxe sera incluse dans le prochain projet de loi de Finances pour 2017 ; au passage, on ne s’étonnera pas que la France dispose bien d’une loi de Finances même si cela paraît pour ce pays aussi incongru qu’une loi pour la gestion des puits de pétrole en Suisse. Selon les petits calculs de Bercy, cette taxe ne supportera apparemment pas d’effet Laffer et devrait donc rapporter 600 millions d’euros.
Le but de cette taxe est de créer un nouvel abondement aux finances des Régions pour financer le soutien aux TPE-PME et plus généralement l’accompagnement économique qui échoit à ces entités alors que ces sujets étaient naguère à la charge des départements. Simplification administrative, réforme territoriale et découpage régional sont passés par là
pour ajouter quelques couches au mille-feuille administratif et y redistribuer les incompétences aux frais du contribuable.Cette nouvelle taxe sera collectée auprès des ménages (dont la trésorerie est au plus haut) et des entreprises (qui, bien sûr, ne reporteront pas cette nouvelle ponction sur leurs prix payés in fine par les ménages, dont la trésorerie est au plus haut, doit-on le rappeler). On s’attend déjà à un succès retentissant, autant sur le plan économique que politique.
Maintenant, la vraie question, la seule qui vaille et que nos gouvernants se posent avec insistance et componction, est de savoir si cette nouvelle taxe sera suffisante.
Je vous rappelle que le but est de fusiller remonter le moral des ménages, pas trop haut actuellement. S’arrêter en si bon chemin taxatoire est peut-être une erreur. Taxer un coup de plus avec fermeté serait peut-être faire preuve de gourmandise. Un juste milieu doit être trouvé et à défaut de créer une nouvelle taxe ex nihilo, rien n’empêche de remanier de fonds en combles une ou plusieurs taxes existantes.
C’est précisément ce qui est proposé avec l’idée d’augmenter un peu la taxe soda.
Pour ceux qui n’auraient pas suivi les épisodes précédents, rappelons que le gouvernement français, n’ayant aucun scrupule à bobarder le peuple qui l’a placé là, entend lui faire croire qu’en taxant les sodas, il pourra lutter contre l’obésité (tout comme la taxation des cigarettes a permis la disparition des fumeurs, et la taxation du travail, la disparition des empl… oups pardon je m’égare). Accessoirement, n’oublions pas qu’en taxant ce que les gens achètent, on rapporte un peu plus de sous-sous dans la popoche de l’Etat qui en manque cruellement (par définition). En conséquence, depuis 2012 et sous Sarkozy, les sodas français participent à la lutte contre l’obésité non je blague à la lutte contre l’amaigrissement étatique.
Selon un rapport parlementaire, la taxe mériterait d’être augmentée. Représentant en effet seulement 2,51 centimes par canette de 33 centilitres, il y a certainement moyen de faire cracher un peu plus au bassinet ce gros richard de consommateur, en la faisant passer à 4,6 centimes par canette. Au passage, le même rapport envisage d’augmenter la taxe sur les barres chocolatées ou de surtaxer tous les produits sucrés qui dépassent un seuil prédéfini. Et pour mettre un peu de vaseline autour de la mesure qu’on pressent impopulaire, le rapport préconise d’en profiter pour supprimer quelques autres taxes alimentaires pour faire bonne mesure.
L’objectif affiché par cette manœuvre serait la simplification fiscale en supprimant d’autres taxes en les concentrant sur un nombre restreint de produits. Il faut dire que, comme d’habitude en France en matière de fiscalité, la tuyauterie chromée aux multiples tubulures tintinnabulantes que Bercy a mis en place sur les produits alimentaires peut déclencher des cauchemars chez la plupart des contribuables normalement constitués : une demi-douzaine de tarifs différents pour les huiles, des modalités invraisemblables pour le chocolat suivant son poids ou sa taille, des taxes sur des produits locaux ou dont le bénéfice sanitaire par rapport à d’autres, moins taxés, est connu, la liste est longue, les tubes multiples, les petits boutons et les leviers nombreux.
Bref, l’idée serait d’élaguer vigoureusement ce foisonnement, de cogner de façon plus forte et plus précise sur les sodas, et, en définitive, de parier sur la capacité de nos parlementaires d’abord, puis de l’administration fiscale ensuite, à fournir un ensemble de textes lisibles, concis et applicables rapidement.
Vous avez bien lu : nos députés et l’administration derrière entendent nous faire croire qu’ils vont remplacer une myriade de taxes qui rapportent malgré tout des douzaines de millions d’euros à l’Etat par une simple augmentation de l’une d’entre elles, parvenant ainsi à une simplification fiscale effective.
Ici, il est plus que temps d’insérer un petit GIF animé.
C’est bien sûr totalement grotesque.
Tout comme la nouvelle Taxe Régionale Spéciale d’Élargissement de Sphincters au Tractopelle, cette Augmentation Simplificatrice de la Taxe Soda se terminera en usine à gaz mortels pour le contribuable et les entreprises chargées d’une façon ou d’une autre de la collecter.
Décidément, le changement n’est pas pour maintenant, et tout comme l’austérité qui n’a jamais eu lieu en France, la simplification administrative, fiscale ou taxatoire est une chimère, et la pause fiscale n’a jamais autant ressemblé à un air de flûtiau joué en distorsion sur des amplis de plusieurs mégawatts.