Magazine Société

Vingt-deux, Rue des Capucines, d'Alexandra Cinter

Publié le 03 juin 2018 par Francisrichard @francisrichard
Vingt-deux, Rue des Capucines, d'Alexandra Cinter

... Jeanne, comme sortie d'un rêve, s'aperçoit qu'elle n'a plus son manteau. Le dossier de la chaise, où elle aurait dû le poser, est résolument vide. Son sang ne fait qu'un tour. Quelqu'un l'aurait-il pris? Bien sûr que non. On l'aurait vu...

Jeanne n'aime pas les choses pour la forme décomposée qu'elles forment ensemble, mais pour ce qu'elles sont. Et son manteau, elle l'aime pour ce qu'il est, un manteau dont la divine rougeur et le néanmoins sobre caractère lui [donnent] - elle s'en [réjouit] secrètement - des allures de pucelle.

Ce soir-là, Jeanne est allée à l'opéra avec son mari Antoine pour assister à une représentation des Contes d'Hoffmann de Jacques Offenbach. Mais elle se sentait lasse, ou fatiguée, elle était en tout cas suffisamment indécise pour qu'on puisse dire qu'au fond, elle n'[avait] pas envie d'y aller.

A l'issue du souper pris en groupe, avec son amie Esther et son nouveau compagnon Marc, à l'Escarpolette, un café-restaurant attenant au Grand-Théâtre, elle s'est aperçue de la disparition de son manteau, sa douceur, création de la maison Sherrer, qu'elle porte maintenant depuis trois automnes:

L'étoffe, composée d'une laine de cachemire fine à double tissage et rehaussée d'une doublure de soie, confère à ce vêtement flamboyant - il est d'un rouge à faire pâlir l'hiver - une élégance personnelle, que la quarantenaire avait aussitôt remarquée et dont elle ne pouvait plus se passer.

Si Antoine est hypno-thérapeute, Jeanne est antiquaire. Elle aime les choses pour leur beauté, non pour leur utilité : La beauté penche du côté de l'amour. La fonction, c'est l'opposé. C'est l'utile, le cadavre, le supermarché. Elle aime ainsi une centauresse en bronze qui va être mise aux enchères.

Cet amour démesuré des choses uniques va conduire l'héroïne d'Alexandra Cinter à cultiver un jardin secret et lui jouer des tours: la recherche du manteau perdu la mène au Vingt-deux, Rue des Capucines... et la quête de la centauresse pour elle seule lui confirme que la valeur des choses est... subjective. 

Francis Richard

Vingt-deux, Rue des Capucines, Alexandra Cinter, 336 pages, Les Éditions de l'Hèbe


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine