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Lu chez Plutarque

Publié le 03 juillet 2008 par Vincent

Plutarque 2.jpgJe lisais hier dans les Vies parallèles de Plutarque (GF tome 2, p.12 pour ceux qui veulent tout savoir) la chose suivante:

Pour moi habitant d'une petite ville où je me plais à demeurer pour ne pas la rendre plus petite encore, je n'ai guère eu de loisir à Rome et durant mes séjours en Italie d'étudier la langue latine, à cause de mes obligations politiques et de mes auditeurs de philosophie, et ce n'est qu'assez tard et dans un âge déjà avancé que j'ai commencé à lire des ouvrages latins; il m'est arrivé alors une chose étrange mais bien réelle : c'est qu'au lieu  que les mots m'aident à comprendre et reconnaître les choses, ce sont plutôt les choses, dont j'avais une vague connaissance, qui m'ont servi à entendre le sens des mots.

C'est ce genre de passage qui fait aimer la lecture de Plutarque dont j'ai déjà parlé à propos des Dialogues pythiques (édité en GF dans une édition plus riche et complète). Très subtilement, Plutarque fait allusion au Cratylede Platon dont il légitime une idée: celle qu'il y a un lien entre le mot et la chose qu'il désigne. Mais c'est par le détour d'une expérience que Platon n'a pu avoir: celle de l'apprentissage (certes limité aux dires de l'auteur) d'une langue étrangère. Le tout sans rien dire explicitement, ce qui est une forme d'ésotérisme typiquement platonicien: ceux qui savent comprendrons, quant aux autres, ils seront sensibles à l'idée elle-même, indépendamment de la référence platonicienne, ce qui est, somme toute, assez bien.

Il faut se méfier des éditions des Vies parallèles de Plutarque car il en existe plusieurs mais elles sont redondantes, je veux dire par là que ce sont toujours les mêmes "vies" qui sont sélectionnées et les mêmes qui sont écartées. Pas de problème pour trouver celles de Démosthène/Cicéron ou Alexandre/César, par contre il est plus difficile de trouver celles de Caton l'ancien ou Lucullus. Je crois que l'édition de La Pléiade et celles de Quarto (Gallimard) sont complètes (j'ai un doute pour l'édition Quarto, ce point reste à vérifier, il y aussi l'édition en deux tomes chez Bouquins qui a des chances d'être complète)  mais l'édition de La Pléiade propose les Vies parallèles dans la traduction "historique" d'Amyot: très belle traduction, français très élégant (16ème siècle) mais qui sacrifie parfois l'exactitude. On la lit plus pour le plaisir de la langue française  que pour son exactitude philologique.

Les Vies parallèles peuvent paraître un peu "sèches" par endroit. Elles correspondent au type d'ouvrage typique du 1er/2ème siècle parès JC où on collationnait par commodité différentes sources. L'auteur répercute les rumeurs lues ou entendues à droite et à gauche, compile des sources et tranche par endroit, réservant son jugement pour d'autres cas où il se contente de donner les théories en présence (il y a un côté aristotélicien: on examine les opinions en présence) . C'est une sorte d'abrégé comme il en existe dans d'autres domaines (en philosophie par exemple Apulée - qui arrive juste après la mort de Plutarque-  a écrit une exposition des "dogmes" de Platon qui est un abrégé commode, on pourrait multiplier les exemples pour le 1er siècle et le 2ème siècle après JC). Reste que Plutarque en mettant en parallèle grecs et romains a fait une oeuvre plus originale et pleine d'esprit que d'autres abrégés du même type. Sans doute est-ce pour cette raison qu'il nous reste de lui ce type d'oeuvres alors que les commentaires de Platon qu'il a écrit ne nous sont pas parvenues. C'est dommage d'ailleurs car l'on a tendance à rejeter dans l'anecdotique Plutarque (qu'on pense à ses Propos de table qui fourmillent de mots d'esprits, d'anecdotes) alors que c'était sans aucun doute un auteur plus subtil et profond qu'on ne veut bien le croire.


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