Une des rares certitudes que peuvent conserver les entreprises pour les années à venir est l'importance croissante de la formation continue, qui, seule, permettra à leurs employés de s'adapter aux changements constants du monde « digital » et contribuer ainsi à leur prospérité. Pour répondre à cet enjeu, BBVA teste une approche originale.
Le recours à des cours en ligne – classiques ou « massivement parallèles » (les MOOC) – est un moyen largement répandu de faciliter l'accès des collaborateurs à de nouvelles connaissances, parfois même en leur laissant toute latitude de choisir les thématiques qui les intéressent. Malgré tout, dans les grands groupes, les démarches de formation restent généralement pilotées par l'organisation hiérarchique, notamment pour ce qui concerne le catalogue mis à disposition et les processus d'inscription.
Sans s'abstraire totalement de ces contraintes (ce qui serait peut-être utopique), BBVA veut au moins rendre sa politique plus collaborative. S'inspirant à la fois des mécanismes de l'économie de partage et du fonctionnement des cryptodevises (bitcoin et consorts), elle a donc mis en place un porte-monnaie virtuel, le « BBVA Campus Wallet », destiné à gérer une sorte de monnaie non convertible (ou « token ») dont la valeur se matérialise exclusivement sous la forme de modules d'enseignement.
Concrètement, les quelques 4 000 participants à l'expérimentation, en Espagne et en Argentine, se voient assigner un certain nombre de ces jetons au moment de leur enrôlement (puis à intervalles réguliers, je suppose). Ils peuvent alors les utiliser librement pour suivre les cursus et événements (conférences, rencontres avec les dirigeants…) qu'ils désirent, sans aucune restriction par rapport à leur rôle ou leur position dans la banque (mais toujours en fonction de leur planning, probablement). Pour ce faire, la simple lecture d'un QR code d'accès débite leur compte du « coût » correspondant.
Certes, l'idée n'est, jusque-là, pas encore renversante. En revanche, ce qui la rend presque révolutionnaire est la mise en œuvre d'un modèle symétrique. En effet, les employés passionnés et volontaires qui souhaitent partager leur savoir ou leur expertise ont également la possibilité de créer leurs propres cours. Dans ce cas, ils sont « rémunérés » – toujours en tokens – en fonction de la durée des sessions et du nombre de personnes qui les suivent (grâce aux versements de ces dernières, naturellement).
C'est donc un véritable concept de formation entre pairs (P2P) que veut développer BBVA avec son « Campus Wallet ». Il est aisé d'en percevoir les avantages, bien au-delà des efforts habituels des entreprises pour le maintien et l'enrichissement des compétences de leurs effectifs. Il est ici aussi question de rendre les enseignements plus efficaces (parce que dispensés par des égaux) ou bien de favoriser le partage et l'échange dans toute l'organisation, d'intégrer ces valeurs dans la culture…
Il reste toutefois à valider la méthode retenue et, en particulier, comme avec tout système monétaire ou assimilé, à trouver les équilibres de valeurs qui assureront son fonctionnement et sa performance à long terme. BBVA envisage par ailleurs de déployer le dispositif sur la blockchain Ethereum ce qui, nonobstant l'effet de mode, pourrait représenter un cas d'usage pertinent, si, en allant au bout de sa logique, la banque se démet effectivement de toute responsabilité centralisée dans les opérations.
Les besoins de formation et de reconversion permanentes des collaborateurs dans l'économie de demain ne pourront se satisfaire de solutions traditionnelles. Il faudra nécessairement inventer de nouvelles approches qui devront être à la fois à la hauteur de ces enjeux et attractives pour les premiers concernés. L'expérience de BBVA constitue un exemple singulier de réflexion radicale et pragmatique dans cette direction.