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Totoro vs Stitch

Par Balndorn
Totoro vs Stitch
Résumé : Deux petites filles viennent s'installer avec leur père dans une grande maison à la campagne afin de se rapprocher de l'hôpital ou séjourne leur mère. Elles vont découvrir l'existence de créatures merveilleuses, mais très discrètes, les totoros.
Le totoro est une créature rare et fascinante, un esprit de la forêt. Il se nourrit de glands et de noix. Il dort le jour, mais les nuits de pleine lune, il aime jouer avec des ocarinas magiques. Il peut voler et est invisible aux yeux des humains. Il existe trois totoros
: O totoro (gros), chu totoro (moyen) et chili totoro (petit). 

Prenons deux films d'animation proches par l’intrigue : Mon Voisin Totoro, le chef-d’œuvre de Hayao Miyazaki ressorti ce mercredi, et Lilo & Stitch, grand cru Disney 2002. Les deux racontent la rencontre entre des jeunes filles des non-humains extraordinaires : Totoro et sa bande, dieux protecteurs d’une forêt nippon, ; Stitch, mutant extraterrestre en cavale.Or, Mon Voisin Totoro surclasse incontestablement son adversaire.Pourquoi ? Démonstration.
La caractérisation des personnages féminins
La question du genre domine les deux œuvres : de vulnérables jeunes filles rencontrent un être masculin plus puissant. Vulnérables, parce que leur famille subit une crise. La mère de Satsuki et Mei, héroïnes de Mon Voisin Totoro, est hospitalisée depuis des mois, pendant que leur père veille à l'installation de la famille dans la nouvelle maison ; quant à Lilo, elle n’a plus de parents (comme tout Disney) et vit pauvrement des boulots mal payés de sa grande sœur, à qui sa maladresse maladive cause nombre de soucis.En apparence, les situations se ressemblent. Or, le comportement des personnages féminins diffère largement. Comme d'habitude chez Disney, la princesse, aussi jeune soit-elle, se contente d’attendre le prince charmant, ici, un extraterrestre doux-dingue : Lilo n’agit que par et pour Stitch, et n'a aucune personnalité en-dehors de lui. Inversement, Satsuki et Mei Profitent de l’absence de leur mère et du laisser-aller de leur père pour s’aventurent seules dans les bois par plaisir de l’exploration. C’est Mei, une gamine de quatre ans, qui débusque l’énorme Totoro dans sa tanière en lui sautant sur le bidon au beau milieu de sa sieste. Les dents colossales et le sourire farouche de la bête ne l’effrayent pas ; au contraire,  la petite bouscule le dieu et en fait son compagnon de jeu.Surtout, Lilo chouine et réclame sans cesse auprès de sa grande sœur l’insupportable principe de « Ohana » (« famille » en hawaïen). Un slogan pénible qui manifeste le caractère indissoluble et organique de l’entité familiale, que l’on recherche désespérément parce que quand on est une princesse Disney, on n'a rien d'autre à faire. Les héroïnes de Totoro se passent d’une telle présence familiale. Certes, elles souffrent de l’absence de leur mère, mais comme des enfants souffrent : selon les jours et les humeurs. Malgré cela, elles ne quémandent pas câlins et caresses et préfèrent cultiver la vie en forêt avec leurs amis animaliers.

 
La caractérisation des personnages masculins
Passons rapidement sur les mâles humains, peu présents, hormis le père dans Totoro, qui n’a rien du paternalisme autoritaire en vigueur chez Disney (quand il y a un père) : parent moderne, il laisse libre cours aux déambulations de ses filles, dont il écoute avec attention les récits.Plus intéressants sont les non-humains. Stitch et Totoro représentent de manière métaphorique deux pans de la masculinité. Stitch, chien de l’espace, est une bête enragée qui détruit tout sur son passage : la virilité brutale et sa pulsion violente, que la sage féminité de Lilo adoucit et surtout, canalise dans son intérêt. Totoro, de même que son camarade le Chat-Bus, partage avec Stitch une force monstrueuse ; mais lui n’en fait pas étalage. Bêta, grotesque, et surtout très attachant, Totoro exhibe d’autres qualités que la puissance physique. Comme les filles, il aime jouer : voler avec un parapluie, semer des graines et danser autour, attendre le Chat-Bus sous la pluie, dormir sous un arbre… À chaque jour, son lot de merveilles à découvrir.

La mise en scène du mystère
La narration n'a rien à voir entre Lilo & Stitch et Totoro. Le premier obéit au schéma classique d’un Disney : le récit initiatique linéaire. En fuite, Stitch débarque sur Terre ; il trouve refuge chez Lilo, avec qui il fait les quatre cents coups ; Lilo l'apprivoise ; lorsque les propriétaires de Stitch arrivent sur Terre et capturent Lilo, Stitch leur met la misère et délivre son amie ; Stitch et Lilo vivent heureux et dansent avec des colliers de fleurs. Morale de l’histoire : la force brute c’est mal, sauf quand on la domestique pour en faire son alliée.Plus difficile de tirer une morale de Totoro. Que signifient les célèbres épisodes de la danse nocturne des Totoros et des filles autour de graines qui germent instantanément en une gigantesque forêt ? du vol de nuit en parapluie ? du Chat-Bus et de ses yeux jaunes luisant ? Quelque chose résiste à l’interprétation : ce qui fait tout le sel de ces séquences. Ce quelque chose, c’est peut-être l’indéchiffrable mystère du monde. Une inquiétante étrangeté inépuisable. Comme Nausicaä de la vallée du vent, Princesse Mononoké et Le Voyage de Chihiro, Mon Voisin Totoro fait partie des films animistes du maître japonais. Satsuki et Mei jouent avec des forces qui les dépassent sans chercher à les mettre sous tutelle. Mon Voisin Totoro met en scène les puissances magiques qui habitent le Japon rural : elles trouent la narration, l’obligent à des détours, à des arrêts imprévus, où l’on contemple ébahi un mystère plus grand que soi, et pourtant, si bienveillant.
Totoro vs Stitch
Mon Voisin Totoro, Hayao Miyazaki, 1988, 1h27

Maxime

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