Magazine Culture

La tempérance…

Publié le 19 juin 2018 par Jacquesmercier @JacquesMercier

En avril 2002, j’écrivais ce texte sur la tempérance dans La Libre. Garde-t-il toute son actualité ?

Après le silence, le merveilleux, la découverte de la nature, l’enfance, un autre moment de l’entre-temps peut être défini comme une période de tempérance ; elle est indispensable à vivre avant, après, entre les excès de la vie quotidienne.

La tempérance est l’une des dix-huit grandes vertus (La générosité, la compassion, la gratitude, la tolérance, la simplicité, la douceur, l’humour…) proposées par André Comte-Sponville dans son « Petit traité des grandes vertus». J’adore la définition qu’il en donne et qui résume si bien le propos : « La tempérance est cette modération par quoi nous restons maîtres de nos plaisirs, au lieu d’en être esclaves. » Autrement dit, alors que nous avons tendance à nous laisser envahir par les nuisances de notre existence de tous les jours, – le bruit, la voiture, le téléphone, le travail, etc. – quel bonheur de goûter modérément cette fois, en connaissance de cause, en toute liberté (soit en choix délibéré) un repas, un concert, un moment de tendresse avec l’être aimé. Je dirais même que c’est probablement indispensable à notre équilibre, comme l’est le sommeil pour les heures de veille, la nuit pour le jour. Après tout ce « home sweet home » (sa chambre, son salon, sa cuisine) que l’on retrouve après le brouhaha des encombrements, le tohu-bohu des bureaux, des magasins, des classes pour les plus jeunes, n’est pas une valeur en baisse et aurait même tendance à revenir en force. « Et dans son fauteuil au coin de son feu, décachetant des lettres que lui adressaient chaque jour les grands personnages du pays, Marie avait l’agréable sentiment qu’il ne ferait que ce qu’il voudrait, qu’il était tout à fait maître de ses actes. » lit-on dans « Jean Santeuil » de Marcel Proust.

Au fond, il s’agit encore et toujours du temps qui passe, du temps qui s’enfuit et donc justement de « prendre » son temps. Comment mieux le garder qu’en le dégustant ? On peut y aller par étape : tout d’abord préférer la qualité à la quantité. Le répète-t-on assez ? Je pense aux fameux chiffres d’audience que l’on assène au sujet des émissions de télévision et qui semblent des bulletins de victoire quand les chiffres sont élevés. Eh bien non ! La quantité ne fera jamais la qualité. Ce n’est pas parce que des centaines de milliers de personnes ont regardé, lu, suivi, écouté quelque chose que celui-ci en devient meilleur ?

Mais notre rôle, si nous sommes des créateurs, c’est de tenter de tirer le public vers le haut et non pas seulement l’écouter et le suivre dans ses instincts les plus bas. On voit ce que cela peut donner par les temps « médiatiques » qui courent ! Les chiffres sont donnés pour évaluer la hauteur éventuelle du coût de la publicité pour les grands lessiviers, pas pour donner une bonne ou une mauvaise note aux producteurs d’une émission, en tout cas pas dans le service public, j’ose espérer ! Ailleurs, il n’est question que d’une façon de gagner de l’argent, si j’en crois les déclarations du producteur hollandais de séries d’émissions qui relèvent de la prétendue télé « réalité » (Ah bon ?) : « Je ne produis des émissions que pour attirer les annonceurs avant et après ! ». Autant le savoir.

Pour en revenir à notre entre-temps, Montaigne écrivait cette belle phrase : « La tempérance est l’assaisonnement de la volupté, qui permet de savourer le plaisir en sa plus gracieuse douceur. » Et le stade suivant, si vous voulez viser encore plus haut dans votre façon de vivre mieux, c’est se dire que la qualité du bonheur importe plus que ce qui l’occasionne. C’est comme être un gourmet, mais au second degré. Si bien que Comte-Sponville peut en conclure que la tempérance intensifie son plaisir, quand le plaisir est là, et en tient lieu, quand il n’y est pas.

Au fond, le tout est de temps en temps pouvoir contrôler ses appétits, ses pulsions et sa boulimie de vie. Le mot anglais « self-control » peut d’une certaine façon désigner cette bonne habitude à prendre parfois. On le traduit utilement en français par sang-froid – le sang-froid permet de ne pas céder à l’émotion et de garder sa présence d’esprit – et par maîtrise de soi.

Et tout en vous écrivant cela, je me souviens tout-à-coup (Il n’existe pas de hasard ni de coïncidence) du thème de la première élocution qu’il me fallut préparer à l’époque où j’étais un élève du Collège de Tournai : « La maîtrise de soi ». Mon texte commençait par : « La maîtrise de soi est un élément essentiel de la vie… » Le professeur de français m’avait imposé ce sujet car je m’étais laissé aller à trop de fous rires… On n’a pas le sens de la mesure quand on est jeune. Ce sens c’est ce qu’apporte la tempérance. Le philosophe Alain en disait : « La tempérance est la vertu qui surmonte tous les genres d’ivresse. » Le fou rire est une ivresse, ça oui !

La tempérance…


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jacquesmercier 29854 partages Voir son profil
Voir son blog