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Grammaire blanche, de Claudine Gaetzi

Publié le 20 juin 2018 par Francisrichard @francisrichard
Grammaire blanche, de Claudine Gaetzi

Grâce absolue des mots, même des mots perdus, rétrécis, déformés: leur sens, quoi qu'il en soit, me restitue la transparence des vraies raisons.

C'est sur cette esquisse d'explication que se termine, ou presque, la partie intitulée Grammaire blanche qui donne son titre au livre en prose poétique de Claudine Gaetzi.

Cette esquisse montre toute l'importance que la poétesse attache aux mots. Et répond à cette autre esquisse qui se trouve à la première page où elle évoque leurs formes et leurs signes:

Formes, signes, les mots ne diminuent ni n'augmentent ma vie, parler absolument, parler de tout, distraitement et de toutes les façons, pour ne pas cesser d'exister, pour me garder présente, pour rester en perspective.

Le lecteur serait tenter de dire que les mots eux-mêmes sont sa vie (ils lui permettent en outre avec ses actes de sauver les apparences) et que le bénéfice de leurs inventaires l'aident à vivre.

La douleur est muette, dit-on. Les mots sont alors silencieux et les récits sont tus. Mais les mots, de toute façon, existent et, chose curieuse, quand ils reculent, ils ne l'empêchent pas d'avancer...

Encore une fois les mots sont essentiels. Avancer ne veut pas dire qu'il faille y renoncer: Ne pas abandonner. M'arrimer aux mots, énoncer, décrire, afin que l'existence ne se dissolve, ne se disperse, ne s'évanouisse.

Cela n'est pas si simple: Que signifie la vraie vie ? Égrener des réponses maigres et dérisoires, c'est être, c'est faire, c'est penser, c'est dire, la vraie vie, alors que, de toute évidence, c'est aimer, la vraie vie.

Tout au long des lignes, le lecteur se rend compte que la poétesse passe par des affres dont elle semble sortir pour retomber plus loin. Elle se fait alors des recommandations:

M'exercer. M'appliquer. Projeter ma voix. Jeter mon regard sur ce qui m'environne. Mouvement vers le réel. Dépasser ce que le langage refuse à accorder.

Dans l'autre partie du livre, intitulée Belles saisons imparfaites, le lecteur ne peut que ressentir ces va-et-vient entre réalité et langage, mais cette fois ils se font qui plus est dans la dimension temporelle:

Le présent est invivable. Le présent est déjà vécu. Mieux vaudrait ne plus vivre si tout est à revivre. Mes humeurs sautent. M'animer s'impose. Il me faut inverser la géométrie du présent, laissé le passé remonter.

Là encore, comme pour se sortir du malaise dans lequel elle se trouve, elle se fait des recommandations qui vont à l'encontre du constat précédent:

Saisir ce qui arrive. Laisser échapper ce qui est passé. Inspirer, expirer. Chaque matin, chaque soir. Chaque instant. Respirer tout ce que l'entre-deux contient. Ne pas avoir vécu en vain. D'ici la fin de. Ne pas penser à ce qui finira.

Finalement, hors des mots écrits point de salut:

Écrire est ma raison, mon recours , comme si avec l'univers je conversais. J'ai ma voix et les mots que tous emploient. Où ça mène, où ça m'emmène, c'est réel. Je tourne une page transparente, tandis que brillent tous les soleils. Alors mon corps glisse dans le temps et les dimensions coïncident.

Écrire lui permet de l'emporter sur la déraison...

Francis Richard

Grammaire blanche, Claudine Gaetzi, 68 pages, Samizdat


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