Par Daniel RIOT
Une chose est sûre : grâce à Sarkozy, la vie politique intérieure française est suivie de beaucoup plus près par nos partenaires européens : « Vous étiez parfois étranges, mais maintenant vous êtes drôles », confie un confrère....belge. « Vos humoristes ont un sérieux concurrent. Le palais de l'Elysée, c'est à la fois le Caveau de la république et ...l'Elysée-Montmartre. »
D'autres sont, heureusement, plus indulgents. « Sarkozy dérange. C'est bien. Il met les pieds dans le plat. Tant mieux. Il a raison de vouloir en finir avec la langue de bois. La France s'endormait : il la réveille. L'Union européenne va mal : il tente de la soigner », résume un Italien. « Je ne comprends pas qu'il baise encore dans les sondages. Qu'est-ce qu'ils veulent les Français ? Un faiseur de miracles ? Avec votre extrême-gauche qui est aussi suicidaire que l'Italienne, vos socialistes qui ont honte de leur socialisme et vos centristes qui ne savent plus où ils sont, vous avez de la chance d'avoir un Président dynamique »
Ayant été particulièrement critique envers Sarkozy avant son élection ; je ne vais pas aujourd'hui taper sur le pianiste controversé. Il est et apparaît tel qu'il s'était présenté, non ? Il ne peut décevoir que ceux qui se sont faits des illusions... D'ailleurs, je ne suis pas de ceux qui se réjouissent de voir la tête de l'Etat se décrédibiliser chaque jour un peu plus. Et je suis inquiet pour les jours qui viennent ...
Plus il est impopulaire, plus il est malmené dans les commentaires, plus « on » lui réplique ou le critique, plus il semble s'enferrer dans un mode de gouvernement original. Celui de « l'interpellation permanente ». Des coups de gueules. Des sauts d'humeur. Des provocations. Des attaques en rafales. Des tirs à balle (verbales mais réelles) tous azimuts.
En huit jours, il a fait très fort, en effet. La banque centrale européenne, encore et toujours. Le commissaire Mandelson, une fois de plus. L'armée, ce ne manque pas de surprendre de la part du chef suprême des armées qui ne demande pas à son ministre de faire montre du même sens de l'honneur que le général démissionnaire. La télévision publique, dénoncée en des termes civilement inacceptables. Les syndicats ou plutôt les salariés qui une fois de plus ont des raisons de se sentir méprisés.... Et ne parlons pas de ce qu'il dit sous les lambris à quelques uns de ses visiteurs qui s'empressent de relayer leur effroi, leur stupeur et leur étonnement. « Odieux », un « vrai gamin », un « fanfaron », un « rouleur de mécaniques », une « conduite de voyou des quartiers chics »...Passons !
Entre la langue de bois et celle de vipère, il doit bien y avoir des registres qui sont conformes aux règles de la politesse (qui a la même racine que « politique ». Entre l'hypocrisie institutionnalisée et le parler mal plus que franc, il doit y avoir des mots qui respectent savoir vivre et courtoisie. Entre l'esprit critique et la vindicte, il doit bien y avoir des tonalités plus conformes au respect de soi et des autres et à la dignité de parole et de comportements qu'implique la fonction présidentielle.
De mots de trop en mots de travers, de mouvements d'humeurs en coups de colère, c'est le « double corps » du Roi qui est blessé. Et c'est la France qui en souffre. D'ailleurs, le seul fait que les attaques publiques de Sarkozy face de plus en plus l'objet de réponses acerbes montre bien que l'autoritarisme affiché nuit à l'autorité exigée. De Carolis, qui n'a rien d'un »gauchiste », n'a-t-il pas traité le discours du président de « faux », « injuste » et « stupide » ? De quoi se faire couper et les racines et les ailes. Mais c'est Sarkozy qui se met trop fréquemment en « zone interdite »...
Peut-être, Sarkozy gouverne-t-il à voix haute comme il nous arrive à tous de penser à haute voix. Sans doute, sa volonté de « faire changer la France » est-elle sincère. Certainement, ses impulsions sont-elles guidées par le souci de bien faire. Sincèrement est-il animé par la certitude de bien remplir sa mission, celle pour laquelle il a été élu.
Mais il n'est que le locataire de sa charge. La France ne lui appartient pas. L'argent des contribuables n'est pas le « sien ». Et la Constitution, sur laquelle il doit veiller lui impose aussi de ne pas dresser les Français les uns contre les autres, de respecter la séparation des pouvoirs, et de représenter « dignement » le pays.
Ce n'est pas « rira bien qui rira le dernier », comme on ironise à gauche. C'est « Arrêtez monsieur le président, maîtriser vos nerfs, vous nous faites pleurer. De tristesse. Gouverner n'est pas se défouler.
Que vous « dérangiez », monsieur le Président, n'est en rien... gênant. Il faut nous « déranger » pour nous faire progresser. Mais « dérangez-nous » par de vraies réformes qui remettent en cause les vrais conservatismes hexagonaux, non par des séries de mesures qui manquent de cohérence, par des jugements à l'emporte pièce, par la quête de boucs émissaires. Et réservez vos « féroces disputes » à ceux qui jouent contre les intérêts français. Ou qui, à l'Elysée même, se trompent sur les solutions à apporter aux problèmes nombreux et graves que nous avons et sur les moyens de relever les défis que nous impose une situation budgétaire déplorable.
Jeudi, devant le Parlement européen, on attend de vous de la détermination et de l'imagination créatrice, non de nouvelles explosions...
Votre énergie, Monsieur le Président, se nourrit sans doute de tensions extrêmes plus ou moins entretenues, mais faites attention : « Suivre sa pente, oui, mais en remontant », redirait André Gide...
Daniel RIOT
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