Magazine Cinéma
Résumé : Suzy, une jeune Américaine, débarque à Fribourg pour suivre des cours dans une académie de danse prestigieuse. À peine arrivée, l'atmosphère du lieu, étrange et inquiétante, la déconcerte. Et c'est là qu'une jeune élève est spectaculairement assassinée, bientôt suivie par d’autres meurtres. Suzy apprend alors que l'académie était autrefois la demeure d'une terrible sorcière, surnommée la Mère des Soupirs…
Quelques notes d’une musique presque joyeuse égrènent l’arrivée brutale du générique sur fond noir. On croirait entendre de délicates tiges de métal tintinnabuler l’une contre l’autre.Et puis, ce qui ressemble à des grognements teintés de chants rituels désagrège l’harmonie initiale. Enfin, soupirs et cris achèvent l’idylle. Le conte de fées a viré au macabre.Pendant ce temps, Suzy (Jessica Harper), jeune Américaine venue à l’école de danse de Fribourg, erre seule et désorientée dans l’aéroport. Dans la voiture qui l’amène à l’école, elle voit une élève fuir au milieu des bois, comme poursuivie – par quoi ?
Théologie du Mal
Suspiria, le chef-d’œuvre de Dario Argento qui ressort en ce mois de juin – ainsi qu’une bonne partie de la filmographie du maître du giallo – et dont un remake arrivera en novembre, est pareil à la bande-originale de Goblin. Ce qui s’annonce comme un conte de fées déchante rapidement. Car des puissances primales, venues du plus profond des ténèbres – les nôtres intérieures – crèvent le décor enchanteur de l’image.La photographie en Technicolor trompe le regard : ses couleurs vives et baroques dissimulent le drame ; ou plutôt, le camouflent pour mieux en révéler l’horreur. Dans ce choix résolument formaliste se tient toute une théologie du Mal. Ce dernier existe sous bien des formes, y compris les plus jolies, telles l’école de danse ou la verrière par laquelle tombe la première victime. Il n’y a pas de corrélation entre Bien et Beau. Au contraire : plus un lieu est beau, gracieux, prestigieux, plus la corruption et la perversité y règnent.
Pactiser avec les sorcières enrichit le septième art
Cette théologie ouvertement pessimiste se traduit de manière esthétique par de grandes ambitions formelles. Plusieurs séquences, de loin les meilleures, reposent uniquement sur leur puissance sensorielle, doublement tendue entre l’image baroque et la musique dissonante. Les sens parlent bien plus qu’un scénario somme toute convenu. Allons plus loin. Aux sorcières de l’école, Argento emprunte leur vision du monde. Pareilles à leur magie noire, image et musique opèrent un rituel de transfiguration du monde. Dé-figurant et dé-formant la réalité, elles en extraient les pouvoirs qui gisent sous la surface des choses. Le grand bénéficiaire ? Le cinéma, qui pactisant avec les sorcières et autres êtres maléfiques, enrichit considérablement son spectre sensoriel.
Suspiria, Dario Argento, 1977, 1h38
Maxime
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