Rien n’est impossible quand on a du talent. Que l’on est encore adolescent, qui plus est intelligent. Avoir des parents compréhensifs, ouverts d’esprit, et cultivés également. C’était en substance le message envoyé par l’acclamé Call Me by Your Name de Luca Guadagnino, et le manifestement (et curieusement) bien reçu La Chute de Sparte de Tristan Dubois, ça l’est une nouvelle fois par Hearts Beat Loud de Brett Haley ici présent. En conséquence de quoi, les mêmes causes produiront à nouveau les mêmes effets. L’envie, la sincérité lorsqu’on la laisse s’exprimer, contrebalancées par un penchant pour la facilité, ainsi qu’un manque de substance certain à proposer. Hearts Beat Loud, élève appliqué et déférent, s’inscrit ainsi explicitement, sans détours ni faux-semblants, dans la veine du cinéma indépendant (du moins vendu comme tel) américain, consacré par Little Miss Sunshine (dans lequel jouait déjà Toni Collette, également au casting de Hearts Beat Loud) en 2006, pour le succès au box-office que l’on connait, jamais réellement démenti depuis. Une recette parfaitement calibrée, où élans progressistes et propos (relativement) engagés flattent le spectateur sans jamais le confronter, réconfortent et enthousiasment à défaut de questionner. En y ajoutant, dans le cas des deux exemples susmentionnés, une bonne dose très actuelle de cynisme, pour compenser, et apparaître profond et habité.
Sur ce plan, Hearts Beat Loud marque cependant sa différence, en laissant sciemment de côté tout velléité revendicatrice, tout ambition politique, se contentant principalement de mentionner et d’évoquer en filigrane. Un désaveu clair quant à la profondeur de l’oeuvre, qui trouve néanmoins son intérêt dans le soin apporté à l’ambiance et aux personnages. Davantage à l’aise dans la direction d’acteurs que dans la mise en scène, Brett Haley compose d’abord et avant tout le portrait sensible d’un père et de sa fille mus par une passion commune (la musique), en s’attachant à les rendre non seulement crédibles, mais aussi touchants. Porté par la prestation assurée et tout en sensibilité de Nick Offerman, mais aussi par celle, juste et nuancée de Kiersey Clemons, Hearts Beat Loud est un film qu’il fait bon vivre, grâce et pour ses personnages. Outre ces derniers, Brett Haley a également allègrement mis l’accent sur sa seconde force, en l’occurrence l’utilisation de la trame sonore. Compensant adéquatement les temps faibles du film, aussi bien du point de vue du rythme narratif que des dialogues, les compositions de Keegan DeWitt réussissent à rehausser des situations au demeurant plutôt convenues, en leur insufflant vie et humanité, quand la caméra de Brett Haley peine, elle, à s’exprimer.
C’est en soi toute la limite de la démarche, et le mur que Hearts Beat Loud finit malgré tout par frapper. Lorsque aucune véritable surprise ne vient émailler et enrichir un scénario cousu de fil blanc et balisé, la mise en scène déployée se doit de prendre le relais pour structurer et relancer l’intérêt. Or en s’effaçant rapidement derrière ses personnages et son sujet, Brett Haley donne rarement l’impression de maîtriser pleinement ses effets, se contentant de jouir d’ingrédients de qualité à défaut de savoir les apprêter. Hearts Beat Loud ne va donc jamais plus loin que son concept initial, thématiquement comme cinématographiquement, restant dès lors cette proposition agréable et sympathique espérée dès ses débuts, hélas sans réelle valeur ajoutée, voire même un peu vaine dans sa finalité.