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Un couteau dans le cœur. Phantom of the Paradise gay

Par Balndorn

Un couteau dans le cœur. Phantom of the Paradise gay
Résumé : Paris, été 1979. Anne est productrice de pornos gays au rabais. Lorsque Loïs, sa monteuse et compagne, la quitte, elle tente de la reconquérir en tournant un film plus ambitieux avec son complice de toujours, le flamboyant Archibald. Mais l’un de leurs acteurs est retrouvé sauvagement assassiné…
Un couteau dans le cœur, injustement boudé au dernier Festival de Cannes, mérite pourtant amplement le détour. D’une part, parce qu’il s’inscrit dans le renouveau actuel des cinémas de genre français, sous les auspices du queer (et du cuir) ; et d’autre part, parce qu’il entend réactualiser Phantom of the Paradise, chef-d’œuvre hystérique de Brian de Palma.
Les Seventies baroques
Bien qu’à aucun moment Un couteau dans le cœur ne s’en revendique, le réalisateur Yann Gonzales puise largement dans le répertoire iconographique de Phantom of the Paradise. Un film aussi stylisé a de quoi inspirer – ne serait-ce que formellement – une œuvre qui se caractérise par ses ambitions plastiques.À De Palma, Gonzales emprunte d’abord des motifs. Visuels, à l’exemple du masque du tueur, un oiseau, comme celui de Winslow ; musicaux, car la bande-originale, moins rock toutefois que Phantom of the Paradise, joue le même rôle narratif ; scénaristiques enfin, puisqu’il s’agit là aussi de la revanche d’un banni.Mais ces emprunts épars forment ensemble une esth-éthique commune. Celle d’un certain penchant pour le baroque, très présent dans le cinéma américain des années 70, et qui semble marquer son retour (via la fascination et les remakesdes seventies, époque à laquelle se passe Un couteau dans le cœur) dans le cinéma de genre contemporain (avec un grain de folie en moins). Le baroque au cinéma (comme ailleurs dans les arts) signifie une forme ultra-stylisée, irréaliste par bien des aspects, et pour cela porteuse de sens, puisque les torts qu’elle inflige à la vraisemblance marquent l’extériorisation de problèmes autrement indicibles.
Subversion queer
Le recours au baroque s’épanouit particulièrement dans Un couteau dans le cœur. La communauté d’acteurs pornos gays dirigée par Anne (Vanessa Paradis) qui y est dépeinte vit dans l’outranceexpressive : il s’agit de s’affirmer explicitement comme gay et charnel (tout en se réfugiant dans l’ombre et la clandestinité). Le personnage d’Archibald (Nicolas Maury) en est l’exemple le plus frappant : sa gestuelle très maniérée dégage un grand pouvoir érotique. Comme l’est l’image : à force de stylisation, elle suscite le désir pour la forme, l’engouement pour la chair d’un plan. Autres grands moments : les séquences de meurtres, qui, dans la droite lignée hallucinée d’un Suspiria, s’expriment par la mise en scène fantasmagorique et le montage psychédélique davantage que par la narration.Un couteau dans le cœur marquera peut-être une étape supplémentaire dans la renaissance des cinémas de genre (et des genres) français, dans la mesure où, s’appropriant l’héritage stylistique de De Palma, il fait de l’image un outil subversif. Il faut comparer le film de Yann Gonzales à 120 battements par minute, acclamé à Cannes et aux Césars l’an dernier. Les deux œuvres ont un scénario somme toute assez proche : un fléau (un tueur et le sida) décime une communauté homosexuelle. Mais le traitement plastique diffère du tout au tout. Quand Gonzales privilégie le style formel, Robin Campillo mise sur l’émotion et la performance des comédien·ne·s. Non pas que le film de Campillo soit mauvais par excès de sensiblerie ; mais sa mise en scène se contente de reproduire sagement l’ordre esth-éthique dominant actuellement en France : le cinéma d’auteur.Or, pour subvertir aujourd’hui le système que l’on attaque – quel qu’il soit –, il faut d’abord s’en prendre à son imaginaire. Ce à quoi s’attache Un couteau dans le cœur, qui tire des années 70 les cartouches pour trouer la culture visuelle lisse qui domine et donner chair à une sensualité hédoniste.
Un couteau dans le cœur. Phantom of the Paradise gay
Un couteau dans le cœur, Yann Gonzales, 2018, 1h42
Maxime
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