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Éléments de statistiques épidémiologiques

Publié le 10 juillet 2018 par Raphael57
Éléments de statistiques épidémiologiques

L'été est un moment privilégié, qui m'offre la possibilité d'écrire parfois sur d'autres thématiques, surtout après un long billet sur les coupes dans les aides sociales. Je viens par ailleurs de participer avec grand plaisir à quelques jurys dans le secteur paramédical, d'où il ressortait un manque évident de maîtrise des statistiques. C'est pourquoi, je consacrerai ce billet à quelques éléments de statistiques appliquées au monde médical, afin de montrer la portée de ces outils pour bâtir une politique de santé publique.

Cela permet également de mieux anticiper les dépenses de santé, qui font partie intégrante d'un champ de l'économie appelé économie de la santé et dont je parlerai au mois d'octobre à la cafet'éco de Sarreguemines. Rassurez-vous, il y aura de nombreux exemples pour illustrer le propos de mon billet, résolument orienté vers l'épidémiologie.

Qu'est-ce que l'épidémiologie ?

Le Grand Robert définit l'épidémiologie comme "l'étude des rapports existant entre les maladies et divers facteurs (mode de vie, milieu ambiant ou social, particularités individuelles) susceptibles d'exercer une influence sur leur fréquence, leur distribution, leur évolution".

Mac Mahon, dont l'ouvrage fait référence dans le monde anglo-saxon, la définit comme "l'étude de la distribution et des déterminants d'une maladie dans des populations humaines, et application des résultats de cette étude dans la lutte contre cette maladie", ce qui donne immédiatement un programme d'action à l'épidémiologie.

On distingue en général trois formes d’épidémiologie :

 * l'épidémiologie descriptive, qui s'intéresse à la fréquence et à la répartition des phénomènes de santé dans une population donnée, en faisant appel à des indicateurs simples  dont nous parlerons ci-dessous (taux de mortalité, prévalence, incidence...) ;

 * l'épidémiologie analytique, qui cherche à trouver des causes ou au moins des corrélations entre les facteurs de risques et les maladies ;

 * l'épidémiologie évaluative, qui évalue comme son nom l'indique l'efficacité des actions de santé .

Prévalence et incidence

Notons qu'une erreur commune consiste à confondre la morbidité, qui se rapporte à la maladie, et la mortalité, qui elle renvoie à la mort. En tout état de cause, pour être pertinente, toute étude épidémiologique doit au minimum faire figurer la période précise d'étude, la population étudiée et ses caractéristiques.

En dehors des indicateurs statistiques de base comme la moyenne, la médiane, la variance et les quartiles, l'épidémiologie s'appuie également sur quelques outils simples (statiques comme la prévalence ou l'incidence ou dynamiques comme la létalité et la mortalité) mais ô combien importants :

 * la prévalence d'une maladie est la proportion de personnes touchées par cette maladie dans la population à un moment donné ; ainsi, si dans une population de 10 000 personnes 250 sont atteints de la maladie étudiée à une date t, alors la prévalence de cette maladie en t est de 250/10000 = 2,50 % ou 25 pour 1 000. Mais l'on pourrait très bien calculer la prévalence sur une période donnée ou même sur toute la durée d'une vie. Notons que cet indicateur est évidemment biaisé si la maladie prend par exemple une forme courte et longue, puisque l'on risque de surévaluer la proportion des formes de longue durée...

 * l'incidence est le nombre de nouveaux cas déclarés de la maladie sur une période donnée en proportion de la population ; ainsi, si dans une population de 1 000 personnes 76 personnes ont contracté une maladie pendant les deux dernières années, alors l'incidence de cette maladie est de 76 cas pour 1000 sur deux ans, donc 38 cas pour 1000 personnes-années (en fait on divise le taux obtenu par 2 pour ramener l'incidence à un taux sur 1 an).

En période d'épidémie, on suivra probablement l'incidence au jour le jour, ce qui donnera à un moment t une incidence cumulée souvent appelée taux d'attaque. Prenons l'exemple d'une épidémie de grippe au sein d'une structure périscolaire qui reçoit chaque jour 60 enfants ; pour simplifier, nous supposerons que l'épidémie ne dure que du 15 au 25 novembre (je sais on peut rêver...) et appellerons jour 0 le début de l'épidémie :

Observations de la maladie

Date1516171819202122232425

Jour012345678910

Cas déclarés33567786553

Le taux d'attaque de l'épidémie au 3e jour est (3+3+5+6)/60 = 28,33 %, celui au 6e jour (3+3+5+6+7+7+8)/60 = 65 %, ce qui correspond bien à une incidence cumulée. Au total, sur la durée de l'épidémie, 58 enfants auront déclaré la grippe, ce que l'on peut traduire en disant que le taux global d'attaque de la grippe fut de  58/60 = 96,7 % (sic !) et le taux d'attaque moyen de 58/11 = 5,3 cas par jour. Ce petit exemple montre par ailleurs que ces indicateurs d'incidence ne sont pertinents que si l'effectif de la population reste stable sur la durée de l'étude.

Pour résumer simplement, la prévalence concerne les cas existants, tandis que l’incidence concerne les nouveaux cas. Dès lors, si l'on prend l'exemple du VIH - maladie qui ne se guérit pas (il est bon de le rappeler !), mais que l'on peut désormais plus ou moins bien traiter avec des antirétroviraux afin d'assurer une espérance de vie quasi-normale aux personnes atteintes - l'incidence peut rester stable chaque année alors que la prévalence augmentera mécaniquement. 

Mortalité et létalité

L'INED donne les définitions suivantes du taux de mortalité :

 * taux de mortalité : nombre de décès rapporté à la population totale moyenne d’une année. Ce taux est souvent exprimé pour 1000 personnes.

Les études épidémiologiques lui préfèrent souvent le taux de mortalité par âge ; les périodes périnatales et néonatales font du reste l'objet de définitions spécifiques :

Éléments de statistiques épidémiologiques

[ Source : http://www-sante.ujf-grenoble.fr ]

 * taux comparatif de mortalité : Taux de mortalité recalculé, pour une cause de décès donnée ou un pays donné, en appliquant aux taux par âge observés chaque année une structure par âge fixe. Cette méthode (dite aussi de la population type) élimine les effets de la structure par âge et permet des comparaisons de la mortalité dans le temps et dans l’espace.

On peut compléter par un indicateur appelé mortalité proportionnelle et un taux de létalité :

 * mortalité proportionnelle : part des décès liée à une maladie donnée dans l'ensemble des décès observés sur une période donnée ; cet indicateur permet donc de connaître le poids relatif de cette maladie dans la mortalité globale sur une période donnée.

 * taux de létalité : nombre de personnes qui, ayant contracté une maladie, meurent de cette maladie pour 1000 personnes, pour une année donnée.

Prenons un exemple pour bien fixer tout cela. On va s'intéresser à une population fictive de 2 millions d'habitants au sein de laquelle 100 000 personnes sont décédées en 2017 ; par ailleurs on remarque que la même année 70 000 personnes de cette population sont touchées par un virus appelé Popolitique, dont 10 000 vont mourir des complications de ce virus. La mortalité globale s'élève donc à 100 000/2 000 000 = 5 % ; la mortalité proportionnelle des décès liés au virus est 10 000/100 000 = 10 % ; le taux de létalité du virus Popolitique au bout d'un an de suivi est de 10 000/70 000 = 14,2 %, soit 142 pour 1 000.

Le risque

Le risque est bien entendu défini comme la probabilité d'apparition d'une maladie pour une personne. Il ne faut pas le confondre avec un facteur de risque, qui explique la hausse de l'incidence d'une maladie dans une population donnée ; ce facteur de risque peut d'ailleurs être individuel ou collectif, lié par exemple à la présence de bactéries (facteur endogène) ou à un comportement à risque comme la consommation excessive d'alcool (facteur exogène). 

Prenons l'exemple d'une population au sein de laquelle on étudie l'effet du tabac (facteur de risque) sur la survenue de la grippe (maladie). On tire au sort un échantillon de 1 000 sujets dans la population, ce qui permet d'obtenir les résultats suivants fictifs :

Influence d'un facteur de risque

 GrippésNon-grippés

Fumeurs50350

Non-fumeurs50550

On peut alors calculer le risque relatif, qui n'est rien d'autre que le rapport du risque d'être grippé en présence du facteur de risque (50/50+350) et du risque d'être grippé sans ce facteur (50/50+550). Autrement dit, le risque relatif est le rapport entre la part de grippés chez les fumeurs et la part de grippés chez les non-fumeurs.

Plus précisément :

Éléments de statistiques épidémiologiques

Cela signifie que, dans notre exemple fictif, un individu fumeur a 1,5 fois plus de risque d'attraper la grippe qu'un individu non-fumeur.

Un autre ratio souvent utilisé est l'odds-ratio (rapport des cotes), même s'il est beaucoup moins intuitif que le risque relatif :

Éléments de statistiques épidémiologiques

Le risque relatif et l'odds-ratio sont par construction des nombres compris entre 0 et l'infini ; s'ils valent 1, alors les deux variables sont indépendantes. On peut montrer que pour une maladie de prévalence modérée, l'odds-ratio est une approximation du risque relatif. L'avantage de l'odds-ratio est qu'il se prête très bien aux études dites cas-témoins, c'est-à-dire lorsque l'on fixe par avance le quota de malades par rapport aux non-malades (le risque relatif n'est d'ailleurs pas calculable dans ce cas). 

En définitive, le lecteur aura compris qu'avec quelques concepts de base de l'épidémiologie il est déjà possible d'étudier assez précisément un risque de maladie et les facteurs de risque.


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