L'entrée en vigueur de la nouvelle directive européenne des services de paiement (DSP2) conduit certaines banques à se demander si elles doivent considérer les API qu'elle leur impose comme un produit ou un canal additionnel. Un rapport du Mobey Forum rappelle que l'enjeu est bien plus large et concerne des choix déterminants pour l'avenir.
Au premier abord, les exigences réglementaires de mise à disposition des données de leurs clients (sur leur demande) à des tiers ne laissent entrevoir aux institutions financières, au mieux, qu'une opportunité de créer une activité dérivée de distribution d'information, que les plus clairvoyantes d'entre elles (parmi lesquelles figurent notamment Starling Bank et BBVA) s'avisent d'étendre au-delà de leurs obligations avec l'ouverture de la totalité de leurs produits et services sous forme d'API.
En prolongeant la réflexion, il apparaît rapidement que les banques peuvent aussi profiter des données publiées par toutes sortes d'acteurs. La première concrétisation d'une telle approche consiste à agréger les différents comptes des clients, quels que soient les établissements dans lesquels ils sont détenus, de manière à mieux les connaître et à personnaliser les offres qui leur sont destinées. Outre les outils de gestion de finances personnelles spécialisés, c'est l'option que retient ING avec le déploiement de Yolt.
Pour le Mobey Forum, ce sont ainsi deux positionnements (complémentaires) possibles qui se dégagent pour les banques : fournisseur et/ou aggrégateur d'information. Dans les deux cas, il est d'ailleurs possible de sortir des données brutes habituelles et les exemples émergent de distribution de statistiques (BBVA, UBank) ou de scores de confiance (CommBank) ou, à l'inverse, d'utilisation de données provenant de sources extérieures au secteur (comme le démontre Amazon avec le crédit aux PME).
Cependant, les échanges d'information ne représentent que la partie émergée de l'iceberg de la « banque ouverte ». Ce que transforme en profondeur l'« APIfication » généralisée des produits et services est le principe de fonctionnement historique des institutions financières. En effet, en dépit des grands chantiers (des années 2000) de séparation entre production et distribution, le modèle prédominant à ce jour reste incontestablement l'intégration des deux fonctions au sein d'une même entreprise.
Or il est désormais possible, et relativement facile, d'envisager deux autres manières d'aborder le marché (non exclusives l'une de l'autre, encore une fois). La première consiste à adopter un rôle de producteur. Il s'agit alors d'ouvrir le catalogue de la banque à d'autres acteurs, du secteur financier ou en dehors, permettant ainsi d'atteindre de nouveaux segments de clientèle ou géographies, par exemple. C'est le choix fait, entre autres, par SolarisBank et c'est aussi une orientation majeure pour DBS.
Le pendant logique du producteur est le distributeur, qui propose à ses clients une variété de solutions mises à disposition par des tiers, en s'efforçant de rendre leur accès aussi simple et transparent que possible. L'objectif, dans ce cas, est de disposer d'une gamme suffisamment étendue pour être en mesure de répondre à tous les besoins des clients, et, de la sorte, s'assurer de leur fidélité. Pour être efficace, cette stratégie requiert des capacités de personnalisation extrêmes afin de guider les choix. La place de marché de Starling Bank ou la démarche de Max montrent la voie en la matière.
Les institutions qui persistent à ne percevoir dans le mouvement de l'« open banking » qu'un avatar malheureux d'une réglementation inconsidérée doivent ouvrir les yeux : il est une conséquence inévitable de l'innovation technologique et de l'évolution des comportements des consommateurs. En tant que tel, il ne peut être réduit à un simple projet de mise en place d'API. Il faut appréhender ses impacts profonds sur l'organisation et sur la raison d'être des banques, à défaut de quoi d'autres acteurs s'imposeront.